La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/02/2021 | FRANCE | N°18NC02868

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 25 février 2021, 18NC02868


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme K... C... née D... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 27 juillet 2016 par laquelle le directeur des ressources humaines de l'unité d'intervention Champagne-Ardenne de la SA Orange a refusé de reconnaitre l'imputabilité au service de sa pathologie et d'enjoindre à la SA Orange de prendre une nouvelle décision reconnaissant l'imputabilité au service de sa pathologie.

Par un jugement n° 1601997 du 3 avril 2018, le tribunal administratif de Châlon

s-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme K... C... née D... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 27 juillet 2016 par laquelle le directeur des ressources humaines de l'unité d'intervention Champagne-Ardenne de la SA Orange a refusé de reconnaitre l'imputabilité au service de sa pathologie et d'enjoindre à la SA Orange de prendre une nouvelle décision reconnaissant l'imputabilité au service de sa pathologie.

Par un jugement n° 1601997 du 3 avril 2018, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée, sous le n° 18NC02868, le 23 octobre 2018, et un mémoire enregistré le 11 mai 2020, Mme C..., représentée par Me I..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 3 avril 2018 ;

2°) d'annuler la décision du 27 juillet 2016 par laquelle le directeur des ressources humaines de l'unité d'intervention Champagne-Ardenne de la SA Orange a refusé de reconnaitre l'imputabilité au service de sa pathologie ;

3°) d'enjoindre à la SA Orange de prendre une nouvelle décision reconnaissant l'imputabilité au service de sa pathologie ou, à tout le moins, de statuer à nouveau sur sa demande, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 7611 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- il appartient à la cour d'user de ses pouvoirs d'instruction pour demander à la société Orange de produire son dossier administratif et son dossier médical ;

- elle justifie d'un lien entre sa pathologie et l'exercice de ses fonctions ; ce lien n'est pas conditionné à l'existence d'un harcèlement moral ;

- la décision du 27 juillet 2016 est entachée d'incompétence.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 15 janvier 2019 et 19 octobre 2020, la SA Orange, représentée par la SCP Savoye et associés, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme C... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés ;

- le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision du 27 juillet 2016 est irrecevable comme se rattachant à une cause juridique distincte de celle développée devant le tribunal ; il est en tout état de cause infondé ;

- la demande de première instance, tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 27 juillet 2016, était irrecevable, dès lors que seule la voie d'un recours de plein contentieux était ouvert à la requérante.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision en date du 23 août 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;

- le décret n° 96-1174 du 27 décembre 1996 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Goujon-Fischer, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Peton, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., agent d'exploitation affectée à l'Unité d'intervention Champagne-Ardennes de la SA Orange en qualité de chargée de documentation du site de Pont-Sainte-Marie, a été placée en congé de maladie à compter du 16 janvier 2013, à la suite d'une crise d'anxiété survenue sur son lieu de travail le 15 janvier 2013. Par une décision du 15 novembre 2013, la SA Orange a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'état de santé de l'intéressée. Par un jugement du 14 avril 2015, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté la demande de Mme C... tendant à l'annulation de cette décision. Par une décision du 26 juillet 2016, faisant suite à une nouvelle demande de Mme C..., la SA Orange a de nouveau refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'état de santé de l'intéressée. Celle-ci relève régulièrement appel du jugement du 3 avril 2018 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la fin de non-recevoir opposée à la demande de première instance :

2. La décision du 27 juillet 2016 par laquelle le directeur des ressources humaines de l'unité d'intervention Champagne-Ardenne de la SA Orange a refusé de reconnaitre l'imputabilité au service de la pathologie de Mme C... fait application de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984, en vertu duquel un fonctionnaire victime d'un accident de service a le droit de conserver l'intégralité de son traitement et de bénéficier de la prise en charge de ses frais médicaux. Une telle décision est au nombre de celles que le fonctionnaire concerné est recevable à contester devant le juge administratif par la voie d'un recours pour excès de pouvoir. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par la SA Orange, tirée de ce que cette décision ne pouvait faire l'objet que d'un recours de pleine juridiction ne peut, en tout état de cause, qu'être écartée.

Sur la légalité de la décision du 27 juillet 2016 :

3. Mme C... a soulevé pour la première fois en appel le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision du 27 juillet 2016 refusant de reconnaitre l'imputabilité au service de sa pathologie. Si ce moyen repose sur une cause juridique distincte de celle qui fondait les moyens présentés en première instance, il est d'ordre public et peut être invoqué à tout moment. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par la SA Orange à ce moyen doit être écartée.

4. Aux termes de l'article 8 du décret n° 96-1174 du 27 décembre 1996 approuvant les statuts de France Télécom et portant diverses dispositions relatives au fonctionnement de l'entreprise nationale : " Le président du conseil d'administration peut déléguer ses compétences relatives au recrutement, à la nomination et à la gestion des personnels fonctionnaires, à l'exception des décisions de révocation, aux responsables centraux chargés de la gestion de ces personnels ou aux responsables des services déconcentrés pour les personnels relevant de leur autorité. Les délégations de compétence aux responsables déconcentrés sont faites sous réserve de la mise en place de commissions administratives paritaires auprès de ces responsables. / Les responsables des services déconcentrés sont autorisés à déléguer les compétences qui leur ont été déléguées à leurs collaborateurs immédiats et aux responsables des services locaux pour les personnels relevant de leur autorité, sous réserve de la mise en place, auprès de ces responsables, de commissions administratives paritaires. / Le président du conseil d'administration peut déléguer sa signature, pour l'exercice des compétences visées à l'article 7 qui n'ont pas fait l'objet d'une délégation de compétence, aux responsables centraux ou aux responsables des services déconcentrés. / Dans le cadre des délégations de compétence qui leur ont été consenties, les responsables centraux et les responsables de services déconcentrés peuvent déléguer leur signature à leurs collaborateurs immédiats chargés de la gestion de ces personnels ainsi qu'aux responsables de services locaux, en ce qui concerne les personnels relevant de leur autorité. / Les délégations de compétence ou de signature précisent les compétences déléguées ou les actes dont la signature est déléguée et le titulaire de la délégation. Les actes portant délégation de compétence ou de signature sont publiés dans les conditions prévues par le conseil d'administration ".

5. Il ressort des pièces du dossier que la décision contestée du 27 juillet 2016 est signée de M. G... E..., chef de département des ressources humaines au sein de l'unité d'intervention de Champagne-Ardenne. La SA Orange produit divers documents, dont il ressort que, le 22 août 2015, M. Stéphane Richard, président-directeur général d'Orange a donné délégation de pouvoir à Mme J... B..., directrice exécutive Orange France. Le 17 septembre 2015, cette dernière a donné délégation de pouvoir et de signature à Mme F... L..., directrice Orange Nord de France, avec effet rétroactif au 22 août 2015. A la même date, celle-ci a donné délégation de pouvoir à M. H... A..., directeur de l'Unité d'intervention Orange Champagne-Ardenne, avec effet rétroactif au 22 août 2015, qui l'a acceptée. En matière de gestion des ressources humaines, M. A... a subdélégué sa signature, s'agissant des congés de toute nature et accidents de service ou de travail pour les fonctionnaires et contractuels, aux " DRH de DO, chefs de département DRH DONDF habilitée, DUO et DEM, DRH d'UO et tous managers pour ses collaborateurs ". Selon la note de service produite par la SA Orange M. G... E... a été nommé chef de département des ressources humaines au sein de l'unité d'intervention de Champagne-Ardenne à compter du 1er décembre 2014. Toutefois, la régularité d'une subdélégation de signature, consentie intuitu personae, est subordonnée à l'existence d'un acte régulièrement publié portant désignation nominative du bénéficiaire de cette délégation. En dépit de la demande formulée en ce sens par la cour, la SA Orange n'a pas été en mesure de produire un acte nominatif du directeur de l'Unité d'intervention Orange Champagne-Ardenne subdélégant à M. G... E... sa signature en matière de congés de toute nature et d'accidents de service ou de travail. Il suit de là que la décision du 27 juillet 2016 est entachée d'incompétence et doit, pour cette raison, être annulée.

6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens, que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction présentée par Mme C... :

7. L'exécution du présent arrêt implique uniquement que l'autorité compétente de la SA Orange se prononce sur la demande de Mme C... tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa pathologie. Il y a lieu d'enjoindre à la SA Orange de se prononcer sur cette demande dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés à l'instance :

8. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

9. Ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de Mme C..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par la SA Orange au titre des frais non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de celle-ci la somme demandée par l'avocat de Mme C... au titre des articles L. 7611 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne n° 1601997 du 3 avril 2018 et la décision du directeur des ressources humaines de l'unité d'intervention Champagne-Ardenne de la SA Orange du 27 juillet 2016 refusant de reconnaitre l'imputabilité au service de la pathologie de Mme C... sont annulées.

Article 2 : Il est enjoint à la SA Orange de se prononce sur la demande de Mme C... tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa pathologie dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Les conclusions présentées par les parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme K... C... et à la SA Orange.

2

N° 18NC02868


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18NC02868
Date de la décision : 25/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-07-10-01 Fonctionnaires et agents publics. Statuts, droits, obligations et garanties. Garanties et avantages divers. Protection en cas d'accident de service.


Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Jean-François GOUJON-FISCHER
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : SAVOYE ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 12/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-02-25;18nc02868 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award