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25/02/2021 | FRANCE | N°18NC02869

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 25 février 2021, 18NC02869


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... née B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 1er août 2016 par laquelle le directeur des ressources humaines de l'unité d'intervention Champagne-Ardenne de la SA Orange a prolongé sa disponibilité d'office pour maladie du 16 avril 2016 au 15 janvier 2017 et l'a déclarée totalement et définitivement inapte à ses fonctions ainsi qu'à tout emploi à l'issue de sa période de disponibilité.

Par un jugement n° 1602015 du 3 avril 2018, l

e tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure deva...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... née B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 1er août 2016 par laquelle le directeur des ressources humaines de l'unité d'intervention Champagne-Ardenne de la SA Orange a prolongé sa disponibilité d'office pour maladie du 16 avril 2016 au 15 janvier 2017 et l'a déclarée totalement et définitivement inapte à ses fonctions ainsi qu'à tout emploi à l'issue de sa période de disponibilité.

Par un jugement n° 1602015 du 3 avril 2018, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée, sous le n° 18NC02869, le 23 octobre 2018, et un mémoire enregistré le 11 mai 2020, Mme A..., représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 3 avril 2018 ;

2°) d'annuler la décision la décision du 1er août 2016 par laquelle le directeur des ressources humaines de l'unité d'intervention Champagne-Ardenne de la SA Orange a prolongé sa disponibilité d'office pour maladie du 16 avril 2016 au 15 janvier 2017 et l'a déclarée totalement et définitivement inapte à ses fonctions ainsi qu'à tout emploi à l'issue de sa période de disponibilité ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 7611 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- il appartient à la cour d'user de ses pouvoirs d'instruction pour demander à la société Orange de produire son dossier administratif et son dossier médical ;

- la commission de réforme n'a pas été consultée ;

- la décision méconnaît l'article 51 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la SA Orange a méconnu son obligation de reclassement ; au demeurant, si elle avait été déclarée inapte à tout emploi, la SA Orange n'aurait pu renouveler sa mise en disponibilité d'office, mais aurait dû prononcer sa mise à la retraite d'office pour invalidité ;

- la décision du 1er août 2016 est insuffisamment motivée.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 15 janvier 2019 et 19 octobre 2020, la SA Orange, représentée par la SCP Savoye et associés, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme A... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision en date du 23 août 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Goujon-Fischer, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Peton, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., agent d'exploitation affectée à l'Unité d'intervention Champagne-Ardennes de la SA Orange en qualité de chargée de documentation du site de Pont-Sainte-Marie, a été placée en congé de maladie ordinaire du 16 janvier 2013 au 15 janvier 2014, à la suite d'une crise d'anxiété survenue sur son lieu de travail le 15 janvier 2013. A compter du 16 janvier 2014, elle a été placée en position de disponibilité d'office pour invalidité, dont le renouvellement a été prononcé par des décisions successives jusqu'au 15 avril 2016. Par une décision du 1er août 2016, la SA Orange a prolongé une nouvelle fois la disponibilité d'office de Mme A... du 16 avril 2016 au 15 janvier 2017. Mme A... relève régulièrement appel du jugement du 3 avril 2018 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la légalité de la décision du 1er août 2016 :

2. En premier lieu, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.

3. Aux termes de l'article 48 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires : " La mise en disponibilité prévue aux articles 27 et 47 du présent décret est prononcée après avis du comité médical ou de la commission de réforme sur l'inaptitude du fonctionnaire à reprendre ses fonctions. / Elle est accordée pour une durée maximale d'un an et peut être renouvelée à deux reprises pour une durée égale. / Toutefois, si à l'expiration de la troisième année de disponibilité le fonctionnaire est inapte à reprendre son service, mais s'il résulte d'un avis du comité médical qu'il doit normalement pouvoir reprendre ses fonctions avant l'expiration d'une nouvelle année, la disponibilité peut faire l'objet d'un troisième renouvellement. / L'avis est donné par la commission de réforme lorsque le congé antérieur a été accordé en vertu du deuxième alinéa de l'article 34 (4°) de la loi du 11 janvier 1984 susvisée. / Le renouvellement de la mise en disponibilité est prononcé après avis du comité médical. Toutefois, lors du dernier renouvellement de la mise en disponibilité, l'avis est donné par la commission de réforme. ".

4. Il résulte de ces dispositions que l'acte qui, renouvelant la mise en disponibilité d'un fonctionnaire de l'Etat, a pour effet de porter la durée totale de celle-ci à trois ans en constitue nécessairement le dernier renouvellement. La commission de réforme doit donner son avis sur le dernier renouvellement, indépendamment de la possibilité de prolongation exceptionnelle de la disponibilité prévue au troisième alinéa de l'article 48 du décret du 14 mars 1986. Il ressort des pièces du dossier, notamment des décisions prises par la SA Orange les 27 janvier 2014, 28 novembre 2014 et 13 octobre 2015, produites au dossier, et de l'attestation établie le 11 juin 2015 par le directeur du centre de services ressources humaines Melun de la SA Orange que Mme A... a été placée en disponibilité d'office pour invalidité à compter du 16 janvier 2014 et a été renouvelée dans cette position de manière ininterrompue jusqu'au 15 avril 2016. La décision du 1er août 2016, prononçant le renouvellement de la disponibilité d'office de Mme A... pour la période du 16 avril 2016 au 15 janvier 2017 et portant ainsi à trois ans la durée totale de cette disponibilité, constituait le dernier renouvellement au sens de l'article 48 du décret du 14 mars 1986. Elle devait, par suite, être précédé de la consultation de la commission de réforme, laquelle présentait, au regard de la compétence et de la composition de la commission de réforme, le caractère d'une garantie. Il n'est pas contesté que la commission de réforme n'a pas été appelée à donner son avis sur le dernier renouvellement de disponibilité de Mme A.... Par suite, et alors même que la décision du 1er août 2016 a été précédée de la consultation du comité médical, cette décision a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière et doit, pour cette raison, être annulée.

5. En second lieu, aux termes de l'article 27 du décret du 14 mars 1986 : " (...) Lorsqu'un fonctionnaire a obtenu pendant une période de douze mois consécutifs des congés de maladie d'une durée totale de douze mois, il ne peut, à l'expiration de sa dernière période de congé, reprendre son service sans l'avis favorable du comité médical : en cas d'avis défavorable, s'il ne bénéficie pas de la période de préparation au reclassement prévue par le décret n° 84-1051 du 30 novembre 1984 pris en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat en vue de faciliter le reclassement des fonctionnaires de l'Etat reconnus inaptes à l'exercice de leurs fonctions, il est soit mis en disponibilité, soit reclassé dans un autre emploi, soit, s'il est reconnu définitivement inapte à l'exercice de tout emploi, admis à la retraite après avis de la commission de réforme ".

6. Il ressort de l'avis émis par le comité médical le 28 juillet 2016 que Mme A... était totalement et définitivement inapte à l'exercice de ses fonctions, sans possibilité d'aménagement de son poste, ainsi qu'à l'exercice de tout emploi. Ni Mme A..., ni la SA Orange ne conteste la réalité de cette inaptitude totale et définitive à l'exercice de tout emploi. Il résulte des dispositions de l'article 27 du décret du 14 mars 1986 que l'intéressée devait, en conséquence, être admise à la retraite, au besoin rétroactivement. Par suite, la décision du 1er août 2016 renouvelant, pour une nouvelle période de 9 mois, sa disponibilité d'office pour invalidité est entachée d'illégalité et doit, pour cette raison également, être annulée.

7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

8. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

9. Ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de Mme A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par la SA Orange au titre des frais non compris dans les dépens.

10. Mme A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me C..., conseil de Mme A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat, qui doit être regardé comme partie perdante à l'instance, le versement à cet avocat d'une somme de 1 500 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 3 avril 2018 et la décision de la SA Orange du 1er août 2016 sont annulées.

Article 2 : L'Etat versera à Me C..., avocat de Mme A..., une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me C... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 3 : Les conclusions de la SA Orange présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A... et à la SA Orange.

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N° 18NC02869


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18NC02869
Date de la décision : 25/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-05-02 Fonctionnaires et agents publics. Positions. Disponibilité.


Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Jean-François GOUJON-FISCHER
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : SAVOYE ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-02-25;18nc02869 ?
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