La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/02/2021 | FRANCE | N°20NC01423-20NC01424

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 25 février 2021, 20NC01423-20NC01424


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 13 janvier 2020 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit.

Par un jugement no 2000386 du 12 juin 2020, le tribunal administratif de Nancy a annulé cet arrêté du 13 janvier 2020 et a enjoint au préfet de statuer à nou

veau sur la situation de M. A..., dans un délai de deux mois à compter de la notifica...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 13 janvier 2020 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit.

Par un jugement no 2000386 du 12 juin 2020, le tribunal administratif de Nancy a annulé cet arrêté du 13 janvier 2020 et a enjoint au préfet de statuer à nouveau sur la situation de M. A..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 2 juillet 2020 sous le n° 20NC01423, le préfet de Meurthe-et-Moselle demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 12 juin 2020 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Nancy tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 janvier 2020.

Il soutient que :

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, M. A... ne justifie pas être entré régulièrement sur le territoire français ;

- les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Nancy ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense enregistrés les 14 décembre 2020 et 25 janvier 2021, M. A..., représenté par la société d'avocats Tertio, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à ce qu'il soit enjoint au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour ou, à tout le moins, une autorisation provisoire de séjour ;

3°) à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le moyen tiré de ce qu'il ne justifierait pas d'une entrée régulière sur le territoire français ne paraît pas sérieux et de nature à justifier l'annulation du jugement du 12 juin 2020 ou sa réformation ainsi que le rejet de la demande d'annulation qu'il a présentée devant le tribunal administratif de Nancy ;

- il reprend les moyens qu'il a invoqués en première instance.

II. Par une requête, enregistrée le 2 juillet 2020 sous le n° 20NC01424, et un mémoire en régularisation, enregistré le 3 juillet 2020, le préfet de Meurthe-et-Moselle demande à la cour de surseoir à statuer à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Nancy du 12 juin 2020.

Il soutient que :

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, M. A... ne justifie pas être entré régulièrement sur le territoire français ;

- les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Nancy ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense enregistrés les 15 décembre 2020 et 25 janvier 2021, M. A..., représenté par la société d'avocats Tertio, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à ce qu'il soit enjoint au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour ou, à tout le moins, une autorisation provisoire de séjour ;

3°) à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le moyen tiré de ce qu'il ne justifierait pas d'une entrée régulière sur le territoire français ne paraît pas sérieux et de nature à justifier l'annulation du jugement du 12 juin 2020 ou sa réformation ainsi que le rejet de la demande d'annulation qu'il a présentée devant le tribunal administratif de Nancy ;

- il reprend les moyens qu'il a invoqués en première instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

-le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience

Ont été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D..., présidente,

- et les observations de Me B..., pour M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant marocain, est entré en France, selon ses déclarations, le 24 octobre 2014, sous couvert d'un visa de court séjour. Le 10 octobre 2019, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en raison de sa situation familiale. Par un arrêté du 13 janvier 2020, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit. Par un jugement du 12 juin 2020, le tribunal administratif de Nancy a annulé cet arrêté du 13 janvier 2020 et a enjoint au préfet de statuer à nouveau sur la situation de M. A..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour. Le préfet de Meurthe-et-Moselle relève appel de ce jugement et demande qu'il soit sursis à exécution par deux requêtes, enregistrées respectivement sous les n° 20NC01423 et 20NC01424, qu'il y a lieu de joindre.

Sur la requête n° 20NC01423 :

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (...) ". L'article L. 313-2 du même code dispose : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, la première délivrance de la carte de séjour temporaire et celle de la carte de séjour pluriannuelle mentionnée aux articles L. 313-20, L. 313-21, L. 313-23 et 31324 sont subordonnées à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 311-1. ". Aux termes également de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le visa de long séjour ne peut être refusé à un conjoint de Français qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public. Le visa de long séjour est délivré de plein droit au conjoint de Français qui remplit les conditions prévues au présent article. / (...) / Lorsque la demande de visa de long séjour émane d'un étranger entré régulièrement en France, marié en France avec un ressortissant de nationalité française et que le demandeur séjourne en France depuis plus de six mois avec son conjoint, la demande de visa de long séjour est présentée à l'autorité administrative compétente pour la délivrance d'un titre de séjour. ".

3. Il résulte de la combinaison des dispositions précitées que ces dernières subordonnent la délivrance de la carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " au conjoint d'un français à certaines conditions, dont celle d'être en possession d'un visa de long séjour. Si elles n'impliquent pas que ce visa de long séjour fasse l'objet d'une demande expresse distincte de celle du titre de séjour sollicité auprès de l'autorité préfectorale, compétente pour procéder à cette double instruction, la compétence du préfet pour examiner la demande de visa de long séjour est elle-même subordonnée à certaines conditions, dont l'entrée régulière en France et l'existence d'une communauté de vie de plus de six mois avec le conjoint français.

4. Le dépôt d'une demande de carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " par un conjoint de Français, sur le fondement de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, vaut implicitement dépôt d'une demande de visa de long séjour sur le fondement des dispositions précitées du sixième alinéa de l'article L. 211-2-1 du même code, lorsque les conditions posées par ces dispositions sont remplies.

5. Dans son jugement du 12 juin 2020, le tribunal administratif de Nancy a considéré que, dès lors que M. A... était entré régulièrement sur le territoire français et s'était marié avec une ressortissante française avec laquelle il séjournait depuis plus de six mois à la date de la décision attaquée, le préfet était l'autorité administrative compétente pour délivrer un visa long séjour à l'intéressé. Le tribunal administratif de Nancy a alors estimé qu'en refusant d'examiner la demande de visa de long séjour présentée par M. A... au motif qu'il ne justifiait pas d'un maintien ininterrompu sur le territoire français depuis le 24 octobre 2014, date déclarée de son entrée sur le territoire français, et en déduisant de l'absence de visa de long séjour un motif pour refuser de délivrer à M. A... un titre de séjour, le préfet avait méconnu les dispositions des articles L. 211-2-1 et L. 313-11, 4° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. Il ressort de l'arrêté contesté que le préfet de Meurthe-et-Moselle, qui a indiqué dans cet arrêté que M. A... justifiait être entré régulièrement en France, s'est fondé sur le seul motif que l'intéressé ne démontrait pas s'être maintenu sur le territoire français de façon ininterrompue depuis le 24 octobre 2014 pour refuser d'examiner la demande de visa de long séjour que celui-ci avait présentée. Si le préfet, qui, pas plus en appel qu'en première instance, ne demande expressément qu'il soit procédé à une substitution de motifs, soutient que c'est à tort que le tribunal administratif de Nancy a jugé que M. A... serait entré régulièrement sur le territoire français, il n'apporte aucun élément de nature à établir que l'intéressé aurait quitté depuis lors le territoire français et s'y serait réintroduit irrégulièrement.

7. Il résulte de ce qui précède que le préfet de Meurthe-et-Moselle n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a annulé l'arrêté du 13 janvier 2020.

Sur la requête n° 20NC01424 :

8. Le présent arrêt statue sur les conclusions du préfet de Meurthe-et-Moselle tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Nancy du 12 juin 2020. Par suite, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête susvisée par lesquelles le préfet de Meurthe-et-Moselle demande qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement.

Sur les conclusions à fin d'injonction de M. A... :

9. D'une part, l'article 2 du jugement attaqué a enjoint au préfet de Meurthe-et-Moselle de délivrer à M. A... une autorisation provisoire de séjour. Le jugement n'étant pas annulé par le présent arrêt, les conclusions formées par M. A... à cette fin doivent être rejetées. D'autre part, le présent arrêt n'impliquant pas nécessairement qu'il soit enjoint au préfet de délivrer un titre de séjour à l'intéressé, les conclusions en ce sens de M. A... ne peuvent être accueillies.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. A... d'une somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête n° 20NC01423 du préfet de Meurthe-et-Moselle est rejetée.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 20NC01424.

Article 3 : Les conclusions à fin d'injonction de M. A... sont rejetées.

Article 4 : L'Etat versera à M. A... une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.

2

N° 20NC01423-20NC01424


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20NC01423-20NC01424
Date de la décision : 25/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: Mme Sophie GROSSRIEDER
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : BOUVIER JAQUET ROYER PEREIRA BARBOSA

Origine de la décision
Date de l'import : 12/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-02-25;20nc01423.20nc01424 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award