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16/03/2021 | FRANCE | N°19NC02115-19NC02116

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 16 mars 2021, 19NC02115-19NC02116


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Grenke Location a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, de condamner l'école nationale supérieure d'informatique pour l'industrie et l'entreprise (ENSIIE) à lui verser les sommes de 7 667,37 euros au titre du contrat n° 83-24935 et de 25 062,75 euros au titre du contrat n° 83-23862, assorties des intérêts au taux légal majoré de 5 points à compter du 18 avril 2017 et, d'autre part, de la condamner à lui restituer les matériels loués au titre de ces deux contrats sou

s astreinte de 30 euros par jour passé un délai d'un mois à compter de la noti...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Grenke Location a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, de condamner l'école nationale supérieure d'informatique pour l'industrie et l'entreprise (ENSIIE) à lui verser les sommes de 7 667,37 euros au titre du contrat n° 83-24935 et de 25 062,75 euros au titre du contrat n° 83-23862, assorties des intérêts au taux légal majoré de 5 points à compter du 18 avril 2017 et, d'autre part, de la condamner à lui restituer les matériels loués au titre de ces deux contrats sous astreinte de 30 euros par jour passé un délai d'un mois à compter de la notification du jugement.

Par un jugement n° 1704054 du 20 juin 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a condamné l'ENSIIE à verser à la société Grenke Location une somme de 23 058,88 euros au titre du contrat n° 83-23862, signé le 22 octobre 2015, et une somme de 7 162,25 euros au titre du contrat n° 83-24935, signé le 29 janvier 2016, assorties des intérêts au taux légal à compter du 21 avril 2017, a ordonné que l'ENSIIE restitue les matériels objets desdits contrats dans un délai de quinze jours à compter du jugement et a rejeté le surplus de ses demandes.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête et des mémoires enregistrés les 4 juillet 2019, 16 juillet 2020, 19 novembre 2020 et 3 décembre 2020, sous le n° 19NC02116, l'école nationale supérieure d'informatique pour l'industrie et l'entreprise (ENSIIE), représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg n° 1704054 du 20 juin 2019 ;

2°) de rejeter la demande présentée par la société Grenke Location devant le tribunal administratif de Strasbourg ;

3°) de mettre à la charge de la société Grenke Location une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que les premiers juges ont omis de vérifier si la société Grenke Location l'avait mise à même de s'opposer à la mesure de résiliation ;

- il est également irrégulier dès lors que les premiers juges n'ont pas statué sur le caractère excessif de la pénalité qui lui a été infligée ;

- le contrat de location n'a pas été valablement cédé à la société Grenke Location, eu égard à la nullité de la clause de cession, qui ne pouvait pas valablement prévoir l'acceptation de cette cession par le locataire dès sa signature ; la société Grenke Location n'est en conséquence pas fondée à rechercher l'engagement de sa responsabilité contractuelle ;

- la résiliation prononcée par la société Grenke Location n'est pas justifiée dès lors qu'elle n'a commis aucun retard de paiement des loyers, en l'absence de réception des factures correspondantes ;

- dès lors que le contrat en cause avait pour objet d'assurer la continuité du service public de la police administrative de l'établissement, le cocontractant ne pouvait pas en prononcer la résiliation ;

- cette résiliation est irrégulière dès lors que la société Grenke Location ne l'a pas mise en mesure de faire valoir des motifs d'intérêt général s'y opposant ;

- elle s'est acquittée des sommes dues avant la résiliation du contrat dès le mois d'avril 2017, si bien que l'indemnité mise à sa charge devra être réformée sur ce point ;

- les sommes de 19 800 et 5 850 euros au paiement duquel elle a été condamnée devront être ramenées aux sommes de 9 900 et 2 930 euros dès lors que l'indemnité de résiliation, qui couvre l'ensemble des échéances à percevoir jusqu'à la fin du contrat augmentée de 10%, est excessive ;

- la clause relative à la restitution du matériel est nulle dès lors qu'elle méconnaît les exigences de la continuité du service public ;

- la société Grenke Location a méconnu le principe de bonne foi qui guide l'exécution des relations contractuelles ;

- lorsque le contrat est résilié et que des prestations se poursuivent, l'entreprise n'a droit qu'au paiement des dépenses utiles à l'administration.

Par des mémoires enregistrés les 19 mai 2020, 11 août 2020 et 1er décembre 2020, la société Grenke Location, représentée par Me B..., conclut, dans le dernier état de ses écritures :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à la condamnation de l'ENSIIE à lui verser les sommes de 6 173,90 euros au titre du contrat de location n° 83-24935 et de 19 923,89 euros au titre du contrat n° 83-23862, assorties des intérêts au taux légal, majoré de 5 points en application de l'article 4.3 des conditions générales de location, à compter du 18 avril 2017 ;

3°) à titre subsidiaire, à la condamnation de l'ENSIIE à lui verser les sommes de 8 875,90 euros toutes taxes comprises (TTC) au titre du contrat de location n° 83-24935 et 22 176 euros TTC au titre du contrat n° 83-23862 ;

4°) à ce que soit mis à la charge de l'ENSIIE le versement de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement n'est entaché d'aucune omission à statuer ;

- la société Grenke Location ne participe pas directement à l'exécution d'un service public en louant à l'ENSIIE un matériel de vidéosurveillance ;

- compte tenu de la mise en demeure qui lui a été adressée, l'ENSIIE a été mise en mesure de payer les arriérés de loyers et de s'opposer à la résiliation en faisant valoir la nécessité d'assurer la continuité du service public, ce qu'elle n'a pas fait ;

- la clause de cession prévue à l'article 4 est licite et a été acceptée par l'ENSIIE, qui ne l'a jamais contestée ;

- elle a émis les factures à chaque échéance, lesquelles n'ont pas été réglées par l'ENSIIE ;

- la résiliation était régulière dès lors que l'ENSIIE n'avait pas procédé au paiement des arriérés à la date à laquelle elle a été prononcée ;

- il appartient à l'ENSIIE de rapporter la preuve des paiements qu'elle prétend avoir effectué ;

- l'indemnité de résiliation, qui prévoit le paiement au bailleur d'une somme égale aux loyers échus et à échoir jusqu'au terme du contrat, n'est manifestement pas excessive ;

- il appartient à l'ENSIIE de lui restituer les matériels en sa possession conformément aux conditions générales de vente ;

- aucun texte ne fait obligation au cocontractant de l'administration de lui rappeler sa propre faculté de s'opposer à une résiliation du contrat fondée sur la nécessité d'assurer la continuité du service public ;

- elle n'a pas manqué à son obligation de bonne foi dans les relations contractuelles dès lors qu'elle avait procédé, à titre commercial et exceptionnel, à l'annulation des résiliations prononcées, pour le même motif, le 19 octobre 2016 en raison du paiement par l'ENSIIE de ses impayés le 16 novembre 2016 ;

- l'ENSIIE demeure redevable, au titre des arriérés de loyers, de 6 173,90 euros au titre du contrat n° 83-24935 et de 19 923,89 euros au titre du contrat n° 83-23862 ;

- si la cour estimait la résiliation infondée, elle a droit au paiement des loyers échus à la date des présentes, en contrepartie du matériel mis à sa disposition, soit 6 875,90 euros au titre du contrat n° 83-24935 et 22 299,89 euros au titre du contrat n° 83-23862.

Par ordonnance du 20 novembre 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 4 décembre 2020 à 12h00.

II. Par une requête et des mémoires enregistrés les 4 juillet 2019 et 16 juillet 2020, sous le n° 19NC02115, l'école nationale supérieure d'informatique pour l'industrie et l'entreprise (ENSIIE), représentée par Me C..., demande à la cour, sur le fondement des dispositions de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, de prononcer le sursis à exécution du jugement du 20 juin 2019 et de mettre à la charge de la société Grenke Location la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Elle soutient que :

- l'exécution du jugement risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables dès lors qu'il lui a été enjoint de restituer le matériel de vidéosurveillance dans un délai trop court pour lui permettre de se doter d'un nouveau matériel assurant la continuité de celui en place ;

- les moyens tendant à l'annulation du jugement sont sérieux ;

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que les premiers juges ont omis de vérifier si la société Grenke Location l'avait mise à même de s'opposer à la mesure de résiliation ;

- il est également irrégulier dès lors que les premiers juges n'ont pas statué sur le caractère excessif de la pénalité qui lui a été infligée ;

- le contrat de location n'a pas été valablement cédé à la société Grenke Location, eu égard à la nullité de la clause de cession, qui ne pouvait pas valablement prévoir l'acceptation de cette cession par le locataire dès sa signature ; la société Grenke Location n'est en conséquence pas fondée à rechercher l'engagement de sa responsabilité contractuelle ;

- la résiliation prononcée par la société Grenke Location n'est pas justifiée dès lors qu'elle n'a commis aucun retard de paiement des loyers en l'absence de réception des factures correspondantes ;

- dès lors que le contrat en cause avait pour objet d'assurer la continuité du service public de la police administrative de l'établissement, le cocontractant ne pouvait pas en prononcer la résiliation ;

- cette résiliation est irrégulière dès lors que la société Grenke Location ne l'a pas mise en mesure de faire valoir des motifs d'intérêt général s'y opposant ;

- elle s'est acquittée des sommes dues avant la résiliation du contrat dès le mois d'avril 2017, si bien que l'indemnité mise à sa charge devra être réformée sur ce point ;

- les sommes de 19 800 et 5 850 euros, auxquelles elle a été condamnée, devront être ramenées aux sommes de 9 900 et 2 930 euros dès lors que l'indemnité de résiliation, qui couvre l'ensemble des échéances à percevoir jusqu'à la fin du contrat augmentée de 10%, est excessive ;

- la clause relative à la restitution du matériel est nulle dès lors qu'elle méconnaît les exigences de la continuité du service public ;

- la société Grenke Location a méconnu le principe de bonne foi qui guide l'exécution des relations contractuelles.

Par des mémoires enregistrés les 20 avril et 5 août 2020, la société Grenke Location, représentée par Me B..., conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à ce que soit mis à la charge de l'ENSIIE le versement de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'ENSIIE est informée depuis le 18 avril 2017 de la nécessité de restituer les matériels mais n'a entrepris aucune démarche ;

- compte tenu de la mise en demeure qui lui a été adressée, l'ENSIIE a été mise en mesure de payer les arriérés de loyers et de s'opposer à la résiliation en faisant valoir la nécessité d'assurer la continuité du service public, ce qu'elle n'a pas fait ;

- la clause de cession prévue à l'article 4 est licite et a été acceptée par l'ENSIIE, qui ne l'a jamais contestée ;

- elle a émis les factures à chaque échéance, lesquelles n'ont pas été réglées par l'ENSIIE ;

- la résiliation était régulière dès lors que l'ENSIIE n'avait pas procédé au paiement des arriérés à la date à laquelle elle a été prononcée ;

- l'ENSIIE ne démontre pas avoir payé les arriérés de loyers à ce jour ;

- la société Grenke Location ne participe pas directement à l'exécution d'un service public en louant à l'ENSIIE un matériel de vidéosurveillance ;

- la demande de sursis à exécution du jugement n'est pas fondée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- la loi n° 2013-100 du 28 janvier 2013 ;

- le décret n° 2013-269 du 29 mars 2013 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Antoniazzi, premier conseiller,

- les conclusions de M. Michel, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., substituant Me C..., avocat de l'ENSIIE.

Considérant ce qui suit :

1. La société Azman et l'école nationale supérieure d'informatique pour l'industrie et l'entreprise (ENSIIE) ont conclu, les 22 octobre 2015 et 29 janvier 2016, deux contrats de location de longue durée n° 83-23862 et n° 83-24935 portant sur du matériel de télésurveillance moyennant le paiement de 20 loyers trimestriels respectivement de 1 320 euros et de 390 euros hors taxes (HT). Ces contrats ont ensuite été cédés à la société Grenke Location, qui s'est substituée à la société Azman dans les droits et obligations de la bailleresse. Après avoir mis l'établissement en demeure de payer ses loyers, le 14 mars 2017, la société Grenke Location a prononcé la résiliation anticipée des contrats et réclamé le versement de l'indemnité de résiliation qu'ils prévoyaient, le 18 avril 2017. La société Grenke Location a ensuite saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à la condamnation de l'ENSIIE à lui verser une somme de 7 667,37 euros, assortie des intérêts au taux légal majoré de 5 points à compter du 18 avril 2017, au titre du contrat n° 83-24935 et une somme de 25 062,75 euros, assortie des intérêts au taux légal majoré de 5 points à compter du 18 avril 2017, au titre du contrat n° 83-23862 et, d'autre part, de la condamner à lui restituer les matériels loués au titre de ces deux contrats sous astreinte de 30 euros par jour, passé un délai d'un mois à compter de la notification du jugement. L'ENSIIE relève appel du jugement du 20 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg l'a condamnée à verser à la société Grenke Location une somme de 23 058,88 euros au titre du contrat n° 83-23862 et une somme de 7 162,25 euros au titre du contrat n° 83-24935, assorties des intérêts au taux légal à compter du 21 avril 2017 et lui a ordonné de restituer les matériels objets desdits contrats dans un délai de quinze jours à compter du jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, il n'appartenait pas aux premiers juges d'examiner d'office si l'ENSIIE avait été mise à même de s'opposer, pour un motif d'intérêt général, à la résiliation des contrats litigieux.

3. En second lieu, la circonstance que le jugement contesté ne comporte aucune indication quant au caractère manifestement disproportionné de l'indemnité de résiliation fixée par les contrats litigieux au regard du préjudice subi par la société Grenke Location ne révèle pas que les premiers juges auraient méconnu leur office en s'abstenant d'examiner la licéité de la clause indemnitaire. Par suite, l'ENSIIE n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait, pour ce motif, irrégulier.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la validité du contrat :

4. Lorsque les parties soumettent au juge un litige relatif à l'exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat. Toutefois, dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel.

5. Selon les stipulations de l'article 4 des conditions générales de location des contrats en cause : " Le bailleur se réserve expressément la faculté de vendre le matériel et, ce faisant, transférer le contrat de location à un tiers ci-après désigné " le cessionnaire ", ce que le locataire accepte dès à présent et sans réserve. Il s'engage à signer à première demande une autorisation de prélèvement au nom du cessionnaire. En cas d'acceptation par le cessionnaire, qui se substituera alors au bailleur d'origine, le locataire a l'obligation de payer au cessionnaire les loyers ainsi que toutes les sommes éventuellement dues au titre du contrat, sans pouvoir opposer au cessionnaire aucune compensation ou exception qu'il pourrait faire valoir vis-à-vis du bailleur d'origine ou du fournisseur. La cession est formalisée par la signature du contrat par la cessionnaire précédée de son cachet commercial ".

6. Si la cession des contrats publics ne peut avoir lieu, même en l'absence de toute clause spéciale en ce sens, qu'avec l'assentiment préalable de la collectivité cocontractante, il résulte toutefois de l'instruction que l'ENSIIE, informée par lettres des 4 décembre 2015 et 17 février 2016, de la cession des contrats litigieux à la société Grenke Location, n'a formulé aucune opposition à cette cession et a continué à exécuter ses obligations contractuelles en versant les loyers à cette dernière jusqu'en novembre 2016. Dans ces conditions, alors même que les conventions litigieuses prévoyaient une acceptation de principe à toute cession, le comportement de l'ENSIIE révèle que cette dernière a implicitement mais nécessairement consenti à la cession des contrats en cause qui lui est par suite opposable.

7. Il résulte de ce qui précède que l'ENSIIE n'est pas fondée à demander que les contrats soient écartés et que le litige ne soit pas réglé sur le terrain contractuel.

En ce qui concerne la régularité de la résiliation :

8. Le cocontractant lié à une personne publique par un contrat administratif est tenu d'en assurer l'exécution, sauf en cas de force majeure, et ne peut notamment pas se prévaloir des manquements ou défaillances de l'administration pour se soustraire à ses propres obligations contractuelles ou prendre l'initiative de résilier unilatéralement le contrat. Il est toutefois loisible aux parties de prévoir dans un contrat qui n'a pas pour objet l'exécution même du service public les conditions auxquelles le cocontractant de la personne publique peut résilier le contrat en cas de méconnaissance par cette dernière de ses obligations contractuelles. Cependant, le cocontractant ne peut procéder à la résiliation sans avoir mis à même, au préalable, la personne publique de s'opposer à la rupture des relations contractuelles pour un motif d'intérêt général, tiré notamment des exigences du service public.

9. Aux termes de l'article 8.1 des conditions générales de location des contrats : " En cas de défaut de respect du contrat de location, ce dernier pourra être résilié de plein droit par le bailleur, sans aucune formalité judiciaire, 30 jours après une mise en demeure restée sans effet, notamment si le locataire ne respecte pas une des obligations du contrat et notamment lorsque le locataire est en retard de paiement d'une échéance de loyers (...) ". Aux termes de l'article 8.2 : " En cas de résiliation anticipée, qu'elle qu'en soit la cause, le bailleur aura droit à une indemnité égale à tous les loyers dus et à échoir jusqu'au terme de la période initiale de location majorées de 10% ".

10. En premier lieu, l'ENSIIE soutient que les contrats litigieux ne pouvaient pas prévoir une clause de résiliation unilatérale au profit de la société Grenke Location, dès lors qu'elle est de nature à porter atteinte à la continuité du service public. Toutefois, de tels contrats, s'ils portent sur la location de matériel de télésurveillance utile au service public de l'éducation, n'ont pas pour objet de confier à la société Grenke Location la charge d'assurer l'exécution même de ce service public. Par suite, les parties ont pu à bon droit prévoir que la société Grenke Location pouvait résilier les contrats en cas de méconnaissance par l'établissement d'enseignement supérieur de ses obligations, une telle clause n'étant pas en elle-même, contrairement à ce que soutient l'appelante, illicite.

11. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que l'ENSIIE n'a pas versé les loyers des deux premiers trimestres de l'année 2017 prévus par les contrats en cause, en dépit des échéanciers qui lui avaient été transmis par la société Grenke Location, sur lesquels étaient mentionnés les dates d'exigibilité et les montants des loyers. En outre, son obligation de paiement lui a, au plus tard, été rappelée dans les mises en demeure de payer qui lui ont été adressées le 17 mars 2017. Ainsi, la circonstance, à la supposer établie, que la société Grenke Location ne lui aurait pas transmis les factures des loyers, en se bornant à les mettre à disposition de l'appelante sur une plateforme numérique à laquelle cette dernière avait accès grâce aux codes que la société lui avait communiqués, ne la dispensait pas de l'obligation de verser ses loyers, ainsi qu'elle s'y était engagée en signant les contrats qui la liaient à la société Grenke Location.

12. En troisième lieu, par l'envoi de mises en demeure de payer qui indiquaient que le défaut de paiement entraînerait la résiliation des contrats, la société Grenke Location doit être regardée comme ayant été mise à même l'ENSIIE de pouvoir évoquer un motif d'intérêt général s'y opposant, ce qu'elle n'a pas fait.

13. En dernier lieu, il ne résulte pas de l'instruction, en tout état de cause, que la société Grenke Location aurait adopté un comportement déloyal à l'égard de l'appelante, en procédant à la résiliation des contrats litigieux, compte tenu des retards de paiement constatés, alors au demeurant, qu'elle avait déjà procédé à l'annulation de mesures similaires, prises en octobre 2016, compte tenu des retards de paiement déjà commis par l'établissement scolaire.

14. Il résulte de ce qui précède que la société Grenke Location était fondée, en application de l'article 8 des conditions générales des contrats précités, qui s'appliquent dès qu'un retard dans le paiement d'un loyer trimestriel est constaté, à résilier de façon anticipée les contrats.

En ce qui concerne l'indemnité de résiliation :

S'agissant du caractère disproportionné de l'indemnité :

15. En vertu de l'interdiction faite aux personnes publiques de consentir des libéralités, un contrat administratif ne peut légalement prévoir une indemnité de résiliation qui serait, au détriment de la personne publique, manifestement disproportionnée au montant du préjudice subi par le cocontractant du fait de cette résiliation.

16. Si l'ENSIIE fait valoir que les indemnités prévues à l'article 8 des conditions générales de location, qui prévoient une majoration de 10% des loyers à échoir, sont excessives, la société Grenke Location ne demande pas la majoration prévue par cet article mais seulement le versement des loyers à échoir. Or, l'indemnité ainsi sollicitée ne constitue pas une libéralité consentie par l'ENSIIE dès lors qu'elle n'est pas manifestement disproportionnée par rapport au montant du préjudice subi par la société requérante qui a payé l'intégralité du prix du matériel sans avoir obtenu les loyers auxquels elle avait droit en contrepartie de la mise à disposition du matériel.

S'agissant des sommes dues :

17. Il résulte de l'instruction qu'au titre des loyers à échoir, le montant dû par l'ENSIIE s'élève, comme l'a jugé le tribunal administratif de Strasbourg, à la somme de 5 850 euros au titre du contrat n°83-24935 et de 19 800 euros au titre du contrat n°83-23862. S'agissant en revanche des loyers échus, il est constant qu'après la réception des lettres de résiliation, l'ENSIIE a procédé au paiement des loyers trimestriels échus avant la résiliation des contrats mais n'a pas réglé les intérêts de retard afférents au paiement de ces loyers, dont le montant s'élève à 48,30 euros pour le contrat n°83-24935 et 123,89 euros pour le contrat n°83-23862 ainsi qu'un loyer intermédiaire du 2 mars 2016, d'un montant de 275,60 euros, au titre du contrat n°83-24935. A cet égard, l'ENSIIE est uniquement fondée à ce que le montant dû au titre de l'indemnité de résiliation soit ramené aux sommes respectives de 19 923,89 euros et de 6 173,90 euros pour les contrats n° 83-23862 et n° 83-24935, auxquelles doivent s'ajouter 40 euros chacune, correspondant à l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement accordée par le tribunal, au point n° 6 du jugement, et non contestée en appel.

18. Il est enfin loisible au juge administratif, saisi de conclusions en ce sens, de modérer ou d'augmenter les pénalités résultant d'un contrat, par application des principes dont s'inspire l'article 1152 du code civil, si ces pénalités atteignent un montant manifestement excessif ou dérisoire eu égard au montant du contrat.

19. Il ne résulte cependant pas de l'instruction que les indemnités dues à la société Grenke Location soient disproportionnées eu égard au montant des contrats et des manquements commis par l'ENSIIE dans ses obligations contractuelles.

20. Il résulte de tout ce qui précède que l'ENSIIE est seulement fondée à demander que le montant des indemnités dues par elle à la société Grenke Location soit ramené à 19 963,89 euros et 6 213,90 euros.

Sur les intérêts :

21. La société Grenke Location a droit aux intérêts au taux légal, majoré de cinq points en application des stipulations des articles 3.4 des contrats litigieux, des sommes de 19 923,89 euros et 6 173,90 euros, à compter du 21 avril 2017, date de réception par l'ENSIIE des lettres portant résiliation des contrats et demande de paiement des sommes dues, et non comme elle le demande à compter du 18 avril 2017. Les sommes de 40 euros d'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement n'ouvrent en revanche droit à aucun intérêt.

Sur la restitution du matériel :

22. Aux termes de l'article 9.2 des conditions générales de location des contrats : " En fin de location ou de résiliation de contrat, le locataire devra restituer, dans un délai de quinze jours, sous sa responsabilité, le matériel dans un bon état d'entretien et de fonctionnement au lieu fixé par le bailleur. Les frais de déconnexion, de transport et de remise en état sont à la charge du locataire (...) ".

23. L'ENSIIE, pour contester l'article 4 du jugement relatif à la restitution du matériel, soutient que les contrats ne pouvaient prévoir une clause de restitution du matériel au profit de la société Grenke Location, dès lors qu'elle est de nature à porter atteinte à la continuité du service public. Toutefois, de tels contrats, s'ils portent sur du matériel de télésurveillance utile au service public de l'éducation, n'ont pas pour objet de confier à la société Grenke Location la charge d'assurer l'exécution même de ce service public. En outre, la restitution du matériel n'est que la conséquence de la résiliation des contrats, dont il a été jugé au point n° 14 qu'elles étaient régulières. Par suite, les parties ont pu à bon droit prévoir que la société Grenke Location récupèrerait le matériel au terme desdits contrats, une telle clause n'étant pas en elle-même, contrairement à ce que soutient l'appelante, illicite.

Sur les conclusions à fin de sursis à exécution du jugement attaqué :

24. La cour statuant par le présent arrêt sur les conclusions de la requête n° 19NC02116 de l'ENSIIE tendant à l'annulation du jugement attaqué, les conclusions de la requête n° 19NC02115 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont privées d'objet. Il n'y a pas lieu, par suite, d'y statuer.

Sur les frais liés aux instances :

25. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société Grenke Location, qui n'est pas, pour l'essentiel, la partie perdante, le versement de la somme que l'ENSIIE demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'ENSIIE le versement de 1 500 euros à la société Grenke Location sur le fondement des mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 19NC02115 de l'ENSIIE à fin de sursis à exécution du jugement du 20 juin 2019.

Article 2 : La somme de 23 058,88 euros toutes taxes comprises que l'ENSIIE a été condamnée à verser à la société Grenke Location au titre du contrat n° 83-23862 par l'article 1er du jugement n° 1704054 du 20 juin 2019 est ramenée à la somme de 19 963,89 (19 923,89 + 40) euros. La seule somme de 19 923,89 euros portera intérêts au taux légal majoré de cinq points à compter du 21 avril 2017.

Article 3 : La somme de 7 162,25 euros toutes taxes comprises que l'ENSIIE a été condamnée à verser à la société Grenke Location au titre du contrat n° 83-24935 par l'article 2 du jugement n° 1704054 du 20 juin 2019 est ramenée à la somme de 6 213,90 (6 173,90 + 40) euros. La seule somme de 6 173,90 euros portera intérêts au taux légal majoré de cinq points à compter du 21 avril 2017.

Article 4 : Les articles 1er, 2 et 3 du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 20 juin 2019 sont réformés en ce qu'ils ont de contraire au présent arrêt.

Article 5 : L'ENSIIE versera à la société Grenke Location une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à l'école nationale supérieure d'informatique pour l'industrie et l'entreprise et à la société Grenke Location.

2

N° 19NC02115, 19NC02116


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC02115-19NC02116
Date de la décision : 16/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-04-02 Marchés et contrats administratifs. Fin des contrats. Résiliation.


Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Sandrine ANTONIAZZI
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : THIERY

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-03-16;19nc02115.19nc02116 ?
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