La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/04/2021 | FRANCE | N°18NC03151

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 13 avril 2021, 18NC03151


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la délibération du 21 décembre 2016 par laquelle le conseil communautaire de la communauté de communes du Chardon Lorrain a fixé le montant de la redevance incitative d'enlèvement des ordures ménagères au titre de l'année 2017.

Par un jugement n° 1700502 du 28 septembre 2018, le tribunal administratif de Nancy a annulé la délibération du 21 décembre 2016 en tant qu'elle inclut la commune d'Hamonville dans son champ d'applicat

ion et en tant qu'elle fixe le montant de la redevance incitative pour les résidenc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la délibération du 21 décembre 2016 par laquelle le conseil communautaire de la communauté de communes du Chardon Lorrain a fixé le montant de la redevance incitative d'enlèvement des ordures ménagères au titre de l'année 2017.

Par un jugement n° 1700502 du 28 septembre 2018, le tribunal administratif de Nancy a annulé la délibération du 21 décembre 2016 en tant qu'elle inclut la commune d'Hamonville dans son champ d'application et en tant qu'elle fixe le montant de la redevance incitative pour les résidences secondaires au titre de l'année 2017.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 novembre 2018, et un mémoire complémentaire, enregistré le 27 janvier 2020, la communauté de communes Mad et Moselle, représentée par Me A..., doit être regardée comme demandant à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1700502 du tribunal administratif de Nancy du 28 septembre 2018 en tant qu'il annule les dispositions de la délibération du 21 décembre 2016 concernant l'assujettissement des résidences secondaires à la redevance incitative d'enlèvement des ordures ménagères au titre de l'année 2017 ;

2°) de rejeter la demande de première instance de M. D... en tant qu'elle tend à l'annulation de ces dispositions ;

3°) de mettre à la charge de M. D... la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la délibération du 21 décembre 2016 ne contrevient pas aux dispositions de l'article L. 2333-76 du code général des collectivités territoriales, dès lors que la part fixe de la redevance applicable aux résidences secondaires, qui s'élève à la somme de 132,64 euros, n'excède pas les coûts non-proportionnels du service de gestion des déchets de la collectivité ;

- la délibération en litige ne porte pas atteinte au principe d'égalité entre usagers.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 décembre 2019, M. C... D..., représenté par Me E..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la communauté de communes Mad et Moselle d'une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le montant de la part fixe de la redevance applicable aux résidences secondaires n'est pas justifié ;

- il méconnaît le principe d'égalité des usagers et de proportionnalité des redevances par rapport à l'importance du service rendu.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Michel, rapporteur public,

- et les observations de Me F... pour la communauté de commune Mad et Moselle.

Considérant ce qui suit :

1. Avant sa fusion, à compter du 1er janvier 2017, avec la communauté de communes du Val-de-Moselle pour donner naissance à la communauté de communes Mad et Moselle, la communauté de communes du Chardon Lorrain, créée le 5 octobre 2010 par arrêté préfectoral, était compétente en matière de " collecte et traitement des déchets ménagers et assimilés ", conformément aux dispositions de l'article L. 2224-13 du code général des collectivités territoriales. Depuis le 1er janvier 2013, elle a opté, sur l'ensemble de son territoire, pour la redevance incitative d'enlèvement des ordures ménagères. Par une délibération de son conseil communautaire du 21 décembre 2016, la communauté requérante a fixé les tarifs de cette redevance pour l'année 2017 en distinguant entre les résidences principales, les résidences secondaires, les activités économiques et les communes. La délibération prévoit, s'agissant plus particulièrement des résidences secondaires, l'application d'un forfait annuel de 180 euros pour une collecte hebdomadaire, soit cinquante-deux levées de bacs ordures ménagères, les levées non faites étant déduites au montant unitaire de 1,48 euros dans la limite de trente-deux levées annuelles. Possédant une résidence secondaire à Chambley-Buissières sur le territoire de la communauté de communes du Chardon Lorrain, qui serait inhabitée depuis 2011, M. C... D... a contesté son assujettissement, en sa seule qualité de propriétaire d'une telle résidence, à une part fixe de redevance d'un montant de 132,64 euros. Il a donc saisi le tribunal administratif de Nancy d'une demande tendant à l'annulation de la délibération du 21 décembre 2016. Par un jugement n° 1700502 du 28 septembre 2018, les premiers juges ont annulé partiellement la délibération en litige en tant qu'elle inclut la commune d'Hamonville dans son champ d'application et en tant qu'elle fixe le montant de la redevance incitative pour les résidences secondaires. La communauté de communes Mad et Moselle relève appel de ce jugement uniquement en tant qu'il annule les dispositions de la délibération concernant l'assujettissement à la redevance au titre de l'année 2017 des résidences secondaires.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 2224-13 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction alors applicable : " Les communes (...) ou les établissements publics de coopération intercommunale assurent, éventuellement en liaison avec les départements et les régions, la collecte et le traitement des déchets des ménages. / Les communes peuvent transférer à un établissement public de coopération intercommunale ou à un syndicat mixte soit l'ensemble de la compétence de collecte et de traitement des déchets des ménages, soit la partie de cette compétence comprenant le traitement, ainsi que les opérations de transport qui s'y rapportent. Les opérations de transport, de transit ou de regroupement qui se situent à la jonction de la collecte et du traitement peuvent être intégrées à l'une ou l'autre de ces deux missions. / (...) ". Aux termes de l'article L. 2333-76 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Les communes, les établissements publics de coopération intercommunale et les syndicats mixtes qui bénéficient de la compétence prévue à l'article L. 2224-13 peuvent instituer une redevance d'enlèvement des ordures ménagères calculée en fonction du service rendu dès lors qu'ils assurent au moins la collecte des déchets des ménages. (...) / La redevance est instituée par l'assemblée délibérante de la collectivité locale ou de l'établissement public qui en fixe le tarif. / Ce tarif peut, en raison des caractéristiques de l'habitat, inclure une part fixe qui n'excède pas les coûts non proportionnels (...). ".

3. Pour être légalement établie, une redevance pour service rendu doit essentiellement trouver une contrepartie directe dans la prestation fournie par le service ou, le cas échéant, dans l'utilisation d'un ouvrage public et, par conséquent, doit correspondre à la valeur de la prestation ou du service. Si l'objet du paiement que l'administration peut réclamer à ce titre est en principe de couvrir les charges du service public, il n'en résulte pas nécessairement que le montant de la redevance ne puisse excéder le coût de la prestation fournie. Il s'ensuit que le respect de la règle d'équivalence entre le tarif d'une redevance et la valeur de la prestation ou du service peut être assuré non seulement en retenant le prix de revient de ce dernier mais aussi en fonction des caractéristiques du service, en tenant compte de la valeur économique de la prestation pour son bénéficiaire. Dans tous les cas, le tarif doit être établi selon des critères objectifs et rationnels, dans le respect du principe d'égalité entre les usagers du service public et des règles de la concurrence.

4. Il ressort des pièces du dossier que, par sa délibération du 21 décembre 2016, la communauté de communes du Chardon Lorrain a décidé d'appliquer aux résidences secondaires, au titre de la redevance incitative d'enlèvement des ordures ménagères pour l'année 2017, un forfait annuel de 180 euros pour une collecte hebdomadaire, soit

cinquante-deux levées de bacs " ordures ménagères ", les levées non réalisées étant déduites au montant unitaire de 1,48 euros dans la limite de trente-deux levées. Il en résulte que le montant de la part fixe, auquel est assujettie cette catégorie d'usagers, s'élève à 132,64 euros, soit 73,68 % du prix de revient du service rendu. Si M. D... conteste cet assujettissement en faisant valoir que sa résidence secondaire est inoccupée depuis 2011 et qu'il ne saurait, en conséquence, être regardé comme utilisateur du service de gestion des ordures ménagères, il résulte des dispositions précitées de l'article L. 2333-76 du code général des collectivités territoriales que le tarif de la redevance d'enlèvement des ordures ménagères peut, en raison des caractéristiques de l'habitat, inclure une part fixe qui n'excède pas les coûts non proportionnels du service. La communauté de communes Mad et Moselle produit, à hauteur d'appel, le budget annexe du budget primitif pour l'année 2017 concernant le service de gestion des déchets des ménages, dont il ressort que les dépenses de fonctionnement de ce service se montent à 1 561 430 euros, dont 1 179 360 euros (75,53 %) pour la part fixe et 382 070 euros (24,47 %) pour la part variable. En se bornant à faire état de son incompréhension et du caractère non justifié des chiffres qui y figurent, M. D... ne conteste pas sérieusement le document versé aux débats par la requérante. Dans ces conditions, en fixant le montant de la part fixe de la redevance incitative applicable aux résidences secondaires à 132,64 euros, soit à un niveau inférieur aux coûts non proportionnels du service rendu, la communauté de communes du Chardon Lorrain n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 2333-76 du code général des collectivités territoriales. Par suite, elle est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a retenu ce moyen pour annuler la délibération du 21 décembre 2016 en tant qu'elle fixe le montant de la redevance incitative pour les résidences secondaires au titre de l'année 2017.

5. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D... devant le tribunal administratif de Nancy et devant la cour à l'encontre des dispositions réglementaires litigieuses.

6. En premier lieu, en se bornant à soutenir que la délibération en litige du 21 décembre 2016 serait entachée d'un vice de procédure en raison du caractère irrégulier des convocations adressées aux membres du conseil communautaire de la communauté de communes du Chardon Lorrain au regard des exigences du règlement intérieur de l'organe délibérant, M. D... n'assortit pas son moyen de précisions suffisantes pour permettre à la cour d'en apprécier le bien-fondé. Par suite, ce moyen doit être écarté.

7. En deuxième lieu, M. D... affirme que sa résidence secondaire est inhabitée depuis 2011 et qu'il ne peut, en conséquence, être regardé comme un usager du service d'enlèvement des ordures ménagères géré par l'établissement public de coopération intercommunale. Toutefois, de telles circonstances, à les supposer même établies, sont sans incidence sur la légalité de la délibération du 21 décembre 2016, qui fixe le montant de la redevance incitative d'enlèvement des ordures ménagères pour l'année 2017 en fonction des catégories d'usagers qu'elle détermine. Par suite, ce moyen doit être écarté comme inopérant.

8. En troisième et dernier lieu, si M. D... fait encore valoir, à hauteur d'appel, que le montant de la part fixe de la redevance incitative applicable aux résidences secondaires est supérieur à celui des foyers constitués par une personne, il ne ressort pas des pièces du dossier, eu égard à la situation particulière des résidents secondaires au regard du ramassage des ordures ménagères, que cette différence de tarif soit constitutive d'une rupture d'égalité entre les usagers du service ou d'une atteinte au principe de proportionnalité des redevances par rapport à l'importance du service rendu. En outre, contrairement aux allégations du défendeur, il ne résulte pas des termes de la délibération du 21 décembre 2016 que les foyers d'une personne ne seraient soumis à la part variable de la redevance incitative, celle-ci pouvant atteindre, le cas échéant, 47,36 euros.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la communauté de communes Mad et Moselle est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a annulé la délibération du 21 décembre 2016 en tant en tant qu'elle fixe le montant de la redevance incitative pour les résidences secondaires au titre de l'année 2017. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter la demande présentée en première instance par M. D... en tant qu'elle tendait à l'annulation des dispositions en cause.

Sur les frais de justice :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la communauté de communes Mad et Moselle, qui n'est pas la partie perdante dans cette instance, la somme réclamée par M. D... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il y a lieu également, dans les circonstances de l'espèce, de rejeter les conclusions présentées par la requérante en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1700502 du tribunal administratif de Nancy du 28 septembre 2018 est annulé en tant qu'il a annulé les dispositions de la délibération du 21 décembre 2016 fixant le montant de la redevance incitative d'enlèvement des ordures ménagères pour les résidences secondaires au titre de l'année 2017.

Article 2 : La demande présentée par M. D... en première instance est rejetée en tant qu'elle tend à l'annulation des dispositions de la délibération du 21 décembre 2016 fixant le montant de la redevance incitative d'enlèvement des ordures ménagères pour les résidences secondaires au titre de l'année 2017.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Les conclusions présentées par M. D... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Me A... pour la communauté de communes Mad et Moselle et à Me E... pour M. C... D... en application des dispositions de l'article 6 du décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020.

N° 18NC03151 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NC03151
Date de la décision : 13/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Collectivités territoriales - Coopération - Établissements publics de coopération intercommunale - Questions générales - Communautés de communes.

Contributions et taxes - Impositions locales ainsi que taxes assimilées et redevances - Taxes ou redevances locales diverses - Redevance d'enlèvement des ordures ménagères.


Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : TADIC

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-04-13;18nc03151 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award