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15/04/2021 | FRANCE | N°20NC00638

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 15 avril 2021, 20NC00638


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy, d'une part, d'annuler l'arrêté du 11 juin 2018 par lequel le préfet des Vosges a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée à l'issue de ce délai et, d'autre part, d'enjoindre au préfet des Vosges de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de trois jours à comp

ter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 100 euros par jou...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy, d'une part, d'annuler l'arrêté du 11 juin 2018 par lequel le préfet des Vosges a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée à l'issue de ce délai et, d'autre part, d'enjoindre au préfet des Vosges de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de trois jours à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de réexaminer sa situation en lui délivrant une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou, à tout le moins, de bien vouloir l'admettre au séjour à titre exceptionnel en application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir.

Par un jugement n° 1802272 du 11 février 2020, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée sous le n° 20NC00638 le 11 mars 2020, Mme C... A..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 11 février 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Vosges du 11 juin 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Vosges de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de trois jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de réexaminer sa situation en lui délivrant une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou, à tout le moins, de bien vouloir l'admettre au séjour à titre exceptionnel en application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me B... sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier, dès lors qu'il ne répond pas au moyen tiré de la violation de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne.

S'agissant de la décision de refus de séjour :

- elle est insuffisamment motivée et méconnaît les dispositions de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personne, dès lors qu'elle n'a pas été convoquée en préfecture pour faire le point sur sa situation personnelle et familiale ; le refus de séjour méconnaît le droit d'être entendu prévu par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le préfet fonde son refus de titre de séjour sur un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui n'est pas produit, ce qui ne permet pas de s'assurer que la procédure de consultation médicale a été respectée ; le préfet n'apporte pas la preuve que l'avis médical a été délivré par l'autorité médicale compétente ; l'autorité médicale doit signer personnellement son avis médical dans des conditions permettant clairement son identification ;

- elle a droit à un titre de séjour en qualité d'étranger malade ; elle est dans l'impossibilité d'accéder effectivement à la prise en charge médicale appropriée dans son pays d'origine ;

- le refus de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 313-11, 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de la décision sur sa situation personnelle et familiale ;

- elle aurait dû se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- elle est insuffisamment motivée et méconnaît les dispositions de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire ;

- elle risque d'être soumise à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine ; l'appréciation portée par l'OFPRA et la CNDA ne lie pas le préfet.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 février 2021, le préfet des Vosges conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 19 février 2021, la clôture d'instruction a été reportée du 23 février 2021 au 12 mars 2021.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 25 juin 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Favret, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... A..., ressortissante monténégrine née le 14 août 1997, est entrée en France le 1er juillet 2016, selon ses déclarations, pour y solliciter l'asile. Sa demande d'asile a toutefois été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en date du 31 mars 2017, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile en date du 17 novembre 2017. Mme A... a alors sollicité, le 30 mars 2018, un titre de séjour en qualité d'étranger malade. Par une décision du 11 juin 2018, le préfet des Vosges a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme A... fait appel du jugement du 11 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Après avoir visé le moyen de la requérante tiré de la méconnaissance de son droit d'être entendue prévu à l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, le tribunal indique, au point 6 du jugement attaqué, que ce moyen " doit, en tout état de cause, être écarté, dès lors que le refus en litige a été pris en réponse à sa demande pour l'instruction de laquelle elle a nécessairement été entendue ". La circonstance que le tribunal cite l'article 42 de cette charte dans les visas de son jugement, au lieu et place de l'article 41 constitue une simple erreur de plume laquelle est sans incidence sur la régularité du jugement. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'une omission à statuer et qu'il est en conséquence irrégulier.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

4. La décision du préfet des Vosges refusant à Mme A... la délivrance d'un titre de séjour mentionne les textes dont elle fait application, notamment les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et plus particulièrement le 11° de son article L. 313-11, et souligne que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a estimé, par un avis du 14 mai 2018, que l'état de santé de l'intéressée nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Elle précise également que les liens personnels et familiaux de l'intéressée en France ne sont pas " tels qu'un refus de délivrance porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée ". Elle souligne aussi que la situation personnelle de Mme A... " ne justifie pas qu'il soit procédé à la régularisation, fût-ce à titre exceptionnel, de son séjour en France ". Elle comporte, dès lors, les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté.

5. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet des Vosges n'aurait pas procédé à l'examen de la situation particulière de Mme A..., avant d'opposer un refus à sa demande de renouvellement de son titre de séjour en qualité d'étranger malade. En outre, si Mme A... soutient qu'elle a été privée du droit d'être entendu que lui reconnaît l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, elle ne se prévaut d'aucun élément pertinent qu'elle aurait été privé de faire valoir et qui aurait pu influer sur le contenu de la décision. Dès lors, alors que le préfet n'était pas tenu de mentionner dans sa décision l'ensemble des éléments de faits dont s'est prévalu la requérante à l'appui de sa demande de titre de séjour, les moyens de la requérante tirés de ce que préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle et de ce que la décision méconnaît le droit d'être entendu prévu par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne doivent être écartés.

6. En troisième lieu, Mme A... n'établit pas la procédure de consultation médicale aurait été irrégulière, en se bornant à soutenir que le préfet fonde son refus de titre de séjour sur un avis non produit du collège de médecins de l'OFII, alors que cet avis, qui comporte le nom et la signature des trois médecins composant le collège, a été finalement produit en première instance. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la décision contestée a été rendue à l'issue d'une procédure irrégulière.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11°A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".

8. Il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande au titre des dispositions du 11° de l'article L. 313-11, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin mentionné à l'article R. 313-22, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Elle doit alors, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.

9. Pour refuser à Mme A... le titre de séjour qu'elle avait sollicité pour des raisons de santé, le préfet des Vosges s'est fondé notamment sur un avis émis le 14 mai 2018 par le collège des médecins de l'OFII, qui a estimé que l'état de santé de l'intéressée nécessitait une prise en charge médicale, mais que le défaut d'une telle prise en charge ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que Mme A... pouvait voyager sans risque. La requérante ne produit aucun élément permettant de remettre en cause l'appréciation portée, au vu de cet avis, par le préfet des Vosges. Il s'ensuit qu'elle ne peut utilement soutenir qu'elle est dans l'impossibilité d'accéder effectivement à la prise en charge médicale appropriée dans son pays d'origine. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir qu'elle avait droit à un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

10. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. " Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

11. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... est entrée en France le 1er juillet 2016, à l'âge de 19 ans. Elle ne résidait ainsi sur le territoire français que depuis deux ans, à la date de la décision préfectorale contestée. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle serait dépourvue de toute attache familiale dans son pays d'origine, où elle a vécu jusqu'à son arrivée en France, ni qu'elle serait bien intégrée dans la société française. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que le concubin de la requérante est en situation irrégulière sur le territoire français. Dans ces conditions, nonobstant les circonstances qu'elle a une fille née en France le 31 décembre 2016 et qu'elle était enceinte à la date de la décision contestée, et alors que rien ne s'oppose à ce que la cellule familiale se reconstitue dans son pays d'origine, Mme A..., qui n'avait sollicité un titre de séjour qu'en qualité d'étranger malade, n'est pas en mesure d'établir l'existence de liens personnels ou familiaux en France d'une ancienneté et d'une stabilité telles que le refus de séjour litigieux porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 313-11, 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de la décision sur sa situation personnelle et familiale doit être écarté.

12. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L. 313-14 : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 (...) ".

13. Si Mme A... soutient qu'elle avait droit à une régularisation de sa situation par l'octroi d'une autorisation de séjour à titre humanitaire, sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle ne se prévaut d'aucune circonstance susceptible de constituer des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels au sens des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, le préfet des Vosges n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant son admission exceptionnelle au séjour. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14, qui en outre n'est pas assorti de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé, doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

14. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soulever, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision refusant de lui accorder un titre de séjour, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision l'obligeant à quitter le territoire.

15. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-1, I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III (...) ".

16. Dès lors que le refus de titre de séjour est lui-même motivé et que les dispositions législatives qui permettent de l'assortir d'une obligation de quitter le territoire français ont été rappelées, la motivation de l'obligation de quitter le territoire se confond avec celle de la décision de refus de séjour. En l'espèce, ainsi qu'il a été dit au point 4 du présent arrêt, la décision de refus de titre de séjour est suffisamment motivée, et l'arrêté litigieux vise expressément le I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

En ce qui concerne la décision fixant le pays d'éloignement :

17. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soulever, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision lui refusant le droit au séjour et l'obligeant à quitter le territoire français, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination.

18. En deuxième lieu, aux termes du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Ce dernier texte énonce que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ".

19. Si la requérante soutient qu'au regard des violences et menaces qu'elle a subies dans son pays d'origine, un retour dans ce pays risquerait de l'exposer à des traitements inhumains et dégradants, elle n'établit pas qu'elle risquerait d'être personnellement exposée à de tels traitements en cas de retour au Monténégro. Au surplus, ainsi qu'il a été dit au point 1 du présent arrêt, la demande d'asile de Mme A... a été rejetée par une décision de l'OFPRA en date du 31 mars 2017, confirmée par une décision de la CNDA en date du 17 novembre 2017. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet des Vosges se serait senti lié par les décisions de l'OFPRA et de la CNDA. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations et dispositions précitées ne peut qu'être écarté.

20. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à annuler l'arrêté du préfet des Vosges du 11 juin 2018. Ses conclusions aux fins d'injonction doivent être rejetées, par voie de conséquence.

Sur les frais liés à l'instance :

21. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

22. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le conseil de Mme A... demande au titre des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Vosges.

2

N° 20NC00638


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20NC00638
Date de la décision : 15/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme GROSSRIEDER
Rapporteur ?: M. Jean-Marc FAVRET
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : BOULANGER

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-04-15;20nc00638 ?
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