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06/05/2021 | FRANCE | N°20NC00145

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 06 mai 2021, 20NC00145


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... E... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 10 septembre 2019 par lequel le préfet des Vosges a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 1902798 du 17 décembre 2019, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy

a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 j...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... E... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 10 septembre 2019 par lequel le préfet des Vosges a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 1902798 du 17 décembre 2019, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 janvier 2020, M. C... A..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 17 décembre 2019 ;

2°) d'annuler cet arrêté du 10 septembre 2019 ;

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué a été pris en méconnaissance du principe du contradictoire dès lors qu'il n'a pu faire valoir ses observations ;

- l'arrêté est entaché d'erreurs de fait dès lors le préfet ne peut pas lui reprocher d'être entré irrégulièrement sur le territoire français alors qu'il s'est introduit en France pour y solliciter le statut de réfugié, et qu'il ne peut lui reprocher de ne pas avoir exécuté trois mesures d'éloignement alors que l'administration s'est elle-même abstenue de les exécuter et qu'il a sollicité la régularisation de sa situation ;

- la mesure d'éloignement porte atteinte à sa vie privée et familiale ;

- la décision fixant le pays de renvoi contrevient aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et aux dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il n'a pas été informé de la possibilité de faire l'objet d'une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'il ne peut lui être reproché d'avoir exercé des recours à l'encontre des mesures qui ont été prises à son encontre.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- l'ordonnance n° 2020-1402 et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., né en 1991 et de nationalité nigériane, serait entré irrégulièrement en France en 2009 selon ses déclarations. Il a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 29 juillet 2011. Par arrêté du 29 novembre 2011, le préfet de la Somme a pris à son encontre une mesure d'éloignement. M. A... a déposé une demande de réexamen de sa demande d'asile qui a été définitivement rejetée par la Cour nationale du droit d'asile le 21 juillet 2015. Le 25 juillet 2015, M. A... a déposé une demande de titre de séjour en qualité d'étudiant qui a été refusée par arrêté du 23 août 2015 assorti d'une obligation de quitter le territoire français. Par arrêté du 2 février 2018, le préfet de la Somme a refusé sa demande d'admission exceptionnelle au séjour et lui a opposé à nouveau une mesure d'éloignement. Par arrêté du 10 septembre 2019, le préfet des Vosges l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. M. A... relève appel du jugement du 17 décembre 2019 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 10 septembre 2019.

Sur l'arrêté pris dans son ensemble :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ".

3. M. A... soutient que l'arrêté attaqué a été pris en méconnaissance du principe du contradictoire dès lors qu'il n'a pas pu faire valoir ses observations préalablement à l'édiction des mesures contestées, conformément aux dispositions précitées de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration. Il ressort toutefois des dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative contentieuse auxquelles sont soumises les décisions portant obligation de quitter le territoire français ainsi que les décisions qui l'accompagnent. Dès lors, les dispositions précitées de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration, qui fixent les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu de l'article L. 211-2 de ce même code, ne sauraient être utilement invoquées par le requérant à l'encontre de l'arrêté attaqué. En tout état de cause, M. A... a pu présenter ses observations lors de son audition du 7 septembre 2019 par le commissariat de police d'Epinal, qui ont été reprises dans le courrier de notification de l'arrêté attaqué du 10 septembre 2019. Si le requérant argue que ce courrier a été rempli par le fonctionnaire chargé de lui notifier l'arrêté, il n'en demeure pas moins qu'il a pu fournir oralement toutes les indications qu'il a estimé utiles sur sa situation en France et sur l'absence d'attache familiale au Nigéria. Il n'est ni établi, ni même allégué, que M. A... aurait disposé d'autres informations tenant à sa situation personnelle qu'il aurait été empêché de porter à la connaissance de l'administration avant que ne soit prise à son encontre les décisions l'obligeant à quitter le territoire français, fixant le pays de destination et lui faisant interdiction de retour sur le territoire français et qui, si elles avaient pu être communiquées à temps, auraient été de nature à faire obstacle à l'édiction de telles mesures. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire ne peut qu'être écarté.

4. En deuxième lieu, M. A... soutient que l'arrêté est entaché d'erreurs de fait aux motifs que le préfet ne peut lui reprocher ni d'être entré irrégulièrement sur le territoire français dès lors qu'il sollicitait le statut de réfugié, ni de ne pas avoir exécuté trois mesures d'éloignement alors même que l'administration s'est abstenue de les exécuter et qu'il a sollicité la régularisation de sa situation. D'une part, en admettant même que sa situation de demandeur d'asile aurait fait obstacle à toute démarche pour obtenir un visa permettant une entrée régulière en France, il n'en demeure pas moins qu'il s'est maintenu irrégulièrement en France à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire français tel que le préfet lui a opposé par l'arrêté attaqué. D'autre part, il est constant que M. A... n'a pas exécuté les trois mesures d'éloignement prises à son encontre dans le délai qui lui était accordé. Il ne peut utilement se prévaloir de l'absence d'exécution forcée de ces mesures. Dans ces conditions, les circonstances invoquées par le requérant ne caractérisent pas l'existence d'erreurs de fait qui entacheraient d'illégalité l'arrêté attaqué.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

6. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., s'il était entré en France près de dix ans avant l'édiction de l'arrêté attaqué, ne justifie d'aucune insertion particulière. La durée de son séjour résulte de son maintien irrégulier en France en dépit de trois mesures d'éloignement dont la première lui a été notifiée dès le 29 novembre 2011. L'intéressé a été admis à l'aide sociale à l'enfance à compter du 11 mai 2009 et dans ce cadre, a suivi une scolarité en certificat d'aptitude professionnelle d'agent d'entreposage et messagerie au titre des années 2012-2013 et 2013-2014, qui ne s'est pas avérée concluante en raison de son manque de sérieux et de ses absences importantes. Le requérant soutient vivre chez sa soeur depuis cinq ans sans apporter cependant aucune pièce établissant la réalité de cette allégation. Comme le fait valoir le préfet en première instance, M. A... a déclaré lors de son audition du 7 septembre 2019 ne pas avoir de famille en France et résider au 6 rue Gribeauval à Amine chez un tiers. Par suite, l'arrêté attaqué ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit à une vie privée et familiale normale, garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

7. Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " et aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

8. M. A... soutient qu'il encourt des risques de traitements inhumains et dégradants en cas de retour au Nigéria en raison de son appartenance à la tribu des Urhobos. Le requérant n'établit cependant pas le caractère réel, personnel et actuel des risques allégués en cas de retour dans ce pays. Par suite, et alors au demeurant que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile ont rejeté sa demande au titre de l'asile et sa demande de réexamen, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 13-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.

Sur la décision portant interdiction de retour en France :

9. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " III. _ L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour (...) ".

10. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.

11. Il ressort des termes même de l'arrêté que le préfet n'a pas entendu se fonder sur les recours exercés par M. A... pour prendre sa décision portant interdiction de retour sur le territoire français mais a seulement pris en considération, outre les autres critères prévus par les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité, les trois mesures d'éloignement auxquelles le requérant n'avait pas déféré. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit n'est pas fondé.

12. Il résulte de tout ce qui précède, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... E... et au ministre de l'intérieur.

Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet des Vosges.

2

N° 20NC00145


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC00145
Date de la décision : 06/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. AGNEL
Rapporteur ?: Mme Stéphanie LAMBING
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : ENGUELEGUELE STÉPHANE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-05-06;20nc00145 ?
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