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01/07/2021 | FRANCE | N°20NC02491

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 01 juillet 2021, 20NC02491


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 14 mai 2019 par laquelle le préfet de la Meurthe-et-Moselle a refusé de lui renouveler son titre de séjour.

Par un jugement n° 1901998 du 23 juin 2020, le tribunal administratif de Nancy a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 août 2020, Mme A... C..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 23 juin 2020 ;

2

°) d'annuler cette décision du 14 mai 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 14 mai 2019 par laquelle le préfet de la Meurthe-et-Moselle a refusé de lui renouveler son titre de séjour.

Par un jugement n° 1901998 du 23 juin 2020, le tribunal administratif de Nancy a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 août 2020, Mme A... C..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 23 juin 2020 ;

2°) d'annuler cette décision du 14 mai 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de trois jours à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de cent euros par jour de retard et de réexaminer sa situation en lui délivrant une carte de séjour temporaire en application des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " en application des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ou, à tout le moins, de l'admettre au séjour à titre exceptionnel en application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et au regard des critères posés par la circulaire dite " Valls " du 28 novembre 2012, et ce, dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision attaquée n'est pas motivée ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;

- son droit d'être entendue, garanti par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, a été méconnu ;

- la décision a été prise au terme d'une procédure irrégulière dès lors que l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 19 octobre 2018 n'est pas produit, ce qui ne permet pas d'assurer que la procédure de consultation médicale a été respectée ;

- le préfet a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 avril 2021, le préfet de la Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 novembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., née en 1983 et de nationalité moldave, serait entrée irrégulièrement en France le 30 septembre 2012 selon ses déclarations, accompagnée de sa fille mineure. Elle a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 3 décembre 2013 confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 4 septembre 2014. Le 30 septembre 2016, Mme C... s'est vu délivrer un titre de séjour en raison de son état de santé. Le 14 novembre 2017, elle a demandé le renouvellement de ce titre. Par décision du 14 mai 2019, le préfet de la Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour. Mme C... relève appel du jugement du 23 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision du 14 mai 2019.

2. En premier lieu, la décision attaquée, qui vise le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'avis défavorable rendu le 19 octobre 2018 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), et précise que la décision ne portera pas atteinte à son droit au respect d'une vie privée et familiale au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par ailleurs, cette décision a été prise au vu de la seule demande de renouvellement du titre de séjour, délivré pour raisons de santé, formulée par Mme C... par courrier du 14 novembre 2017. L'intéressée ne saurait donc se prévaloir de son courrier du 13 février 2019 par lequel elle a sollicité son admission exceptionnelle au séjour. Par suite, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que la décision de refus de séjour est insuffisamment motivée au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Enfin, il ne ressort pas des termes même de la décision attaquée que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de Mme C.... Si le préfet mentionne dans sa décision la procédure d'instruction des demandes de titres de séjour des ressortissants nigérians, cette erreur pour regrettable qu'elle soit ne saurait démontrer à elle-seule un défaut d'examen particulier dès lors que la décision attaquée mentionne bien le système de santé moldave. Il s'ensuit que les moyens tirés du défaut de motivation et d'examen particulier de la situation de l'intéressée doivent être écartés.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) ". Il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que cet article s'adresse non pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union. Ainsi, le moyen tiré de leur violation par une autorité d'un Etat membre est inopérant. En outre, Mme C..., à l'occasion du dépôt de sa demande, a été conduite à préciser à l'administration les motifs pour lesquels elle demandait que son titre de séjour lui soit renouvelé et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartenait, lors du dépôt de cette demande, laquelle doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'elle jugeait utiles. Il lui était également loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Par suite, le moyen tiré de ce que Mme C... aurait été privée du droit à être entendue doit être écarté.

4. En troisième lieu, aucune disposition législative et réglementaire n'imposait au préfet de communiquer à la requérante l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Par suite, la requérante ne peut utilement soutenir que la procédure d'instruction de sa demande de titre de séjour serait irrégulière pour ce motif. Au demeurant, le préfet de Meurthe-et-Moselle a produit cet avis en première instance, démontrant ainsi que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a bien été saisi et que la procédure est régulière. Il s'ensuit que le moyen tiré d'une irrégularité de la procédure sera écarté.

5. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. ".

6. Il ressort des pièces du dossier, notamment de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 3 octobre 2018, que si l'état de santé de Mme C... nécessite une prise en charge médicale, le défaut de celle-ci ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. La seule production d'un certificat médical d'un rhumatologue du 10 mai 2019 se bornant à préciser que Mme C... est suivie pour une pathologie chronique justifiant un suivi régulier et spécialisé, sans aucune indication quant à une éventuelle indisponibilité de son traitement en Moldavie, ne peut suffire à infirmer l'avis émis collégialement par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. La requérante ne saurait soutenir qu'elle ne peut avoir accès à la bibliothèque d'information sur le système de soins des pays d'origine dès lors qu'il lui est possible d'apporter tout autre élément utile permettant de contredire l'avis des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Enfin, l'intéressée ne fait pas état de circonstances exceptionnelles tenant aux particularités de sa situation personnelle qui l'empêcheraient d'accéder effectivement aux soins et traitements appropriés à son état de santé dans son pays d'origine. Par suite, le préfet n'a pas méconnu les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il n'a pas non plus entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

7. En cinquième lieu, si Mme C... invoque la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ressort des pièces du dossier, et en particulier de sa demande de titre de séjour du 14 novembre 2017 et des termes de la décision attaquée, que la requérante n'a pas présenté de demande sur ces fondements et que le préfet n'a pas examiné d'office sa situation au regard de ces dispositions. Par suite, ce moyen est inopérant et doit être écarté.

8. En sixième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

9. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... était en France depuis sept ans à la date de la décision attaquée. La durée de son séjour en France est en majeure partie consécutive à l'instruction de sa demande d'asile, en définitive rejetée, et de sa demande de renouvellement de son titre de séjour. Si le concubin de Mme C... est également présent en France, son titre de séjour a expiré le 4 décembre 2017 et la requérante n'apporte aucun élément quant au renouvellement de son titre de séjour à la date de la décision attaquée. Il n'est ainsi pas établi que son compagnon aurait vocation à demeurer en France et que la cellule familiale ne pourrait se reconstituer en Moldavie avec leurs enfants. Mme C... ne saurait se prévaloir de la scolarisation de sa fille née en 2012 et de celle à venir de son fils né 2016, dès lors qu'il n'est pas justifié que ses enfants ne pourraient poursuivre leur scolarité débutante en Moldavie. Mme C... n'établit pas être dépourvue d'attaches dans son pays d'origine. Enfin, la seule production de l'immatriculation au registre du commerce et des sociétés de l'activité d'achat-revente de pièces automobiles et de véhicules d'occasion de Mme C..., de sa participation durant une année à un atelier d'apprentissage du français et de son attestation de perception d'aides sociales ne suffisent pas à justifier d'une insertion particulière en France. Dans ces conditions, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que le préfet aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a édicté sa décision. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

10. Enfin, pour les mêmes motifs que ceux précédemment développés, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que la décision contestée serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur situation personnelle.

11. Il résulte de tout ce qui précède, que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Il y a lieu de rejeter, par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et au ministre de l'intérieur.

Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet de la Meurthe-et-Moselle.

2

N° 20NC02491


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC02491
Date de la décision : 01/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Stéphanie LAMBING
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : BOULANGER

Origine de la décision
Date de l'import : 09/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-07-01;20nc02491 ?
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