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06/07/2021 | FRANCE | N°20NC02330-20NC02331

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 06 juillet 2021, 20NC02330-20NC02331


Vu les procédures suivantes :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... C..., épouse A... et M. D... A... ont demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler les arrêtés du 22 janvier 2020 par lesquels la préfète de la Haute-Marne a refusé d'abroger l'interdiction de retour du 25 janvier 2017, leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour, les a obligés à quitter sans délai le territoire français et a fixé le pays à destination duquel ils sont susceptibles d'être renvoyés.

Par un jugement n°s 2000239, 2000240 du 24 juin 202

0, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande.

Procédures...

Vu les procédures suivantes :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... C..., épouse A... et M. D... A... ont demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler les arrêtés du 22 janvier 2020 par lesquels la préfète de la Haute-Marne a refusé d'abroger l'interdiction de retour du 25 janvier 2017, leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour, les a obligés à quitter sans délai le territoire français et a fixé le pays à destination duquel ils sont susceptibles d'être renvoyés.

Par un jugement n°s 2000239, 2000240 du 24 juin 2020, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande.

Procédures devant la cour :

I - Par une requête, enregistrée sous le n° 20NC02330 le 10 août 2020, Mme A..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 24 juin 2020 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;

2°) d'annuler l'arrêté du 22 janvier 2020 de la préfète de la Haute-Marne ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Haute-Marne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, le tout dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision portant refus de titre de séjour n'est pas suffisamment motivée ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour entache d'illégalité la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale pour les mêmes motifs que la décision portant refus de titre de séjour ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale en raison de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est illégale pour les mêmes motifs que la décision portant refus de titre de séjour ;

- le refus d'abroger l'interdiction de retour édictée à son encontre le 25 janvier 2017 est illégal en raison de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;

- il est illégal pour les mêmes motifs que la décision portant refus de titre de séjour ;

- elle n'avait pas à résider hors de France pour demander l'abrogation de l'interdiction de retour, dès lors que son recours contre l'arrêté du 22 janvier 2020 présentait un caractère suspensif.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 janvier 2021, le préfet de la Haute-Marne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requérante ne résidait pas hors de France au moment de sa demande d'abrogation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français du 25 janvier 2017, cette demande n'étant pas recevable ;

- les autres moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

II - Par une requête, enregistrée sous le n° 20NC02331 le 10 août 2020, M. A..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 24 juin 2020 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;

2°) d'annuler l'arrêté du 22 janvier 2020 de la préfète de la Haute-Marne ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Haute-Marne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, le tout dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision portant refus de titre de séjour n'est pas suffisamment motivée ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour entache d'illégalité la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale pour les mêmes motifs que la décision portant refus de titre de séjour ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale en raison de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est illégale pour les mêmes motifs que la décision portant refus de titre de séjour ;

- le refus d'abroger l'interdiction de retour édictée à son encontre le 25 janvier 2017 est illégal en raison de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;

- il est illégal pour les mêmes motifs que la décision portant refus de titre de séjour ;

- il n'avait pas à résider hors de France pour demander l'abrogation de l'interdiction de retour, dès lors que son recours contre l'arrêté du 22 janvier 2020 présentait un caractère suspensif.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 janvier 2021, le préfet de la Haute-Marne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le requérant ne résidait pas hors de France au moment de sa demande d'abrogation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français du 25 janvier 2017, cette demande n'étant pas recevable ;

- les autres moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

M. et Mme A... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 septembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Grenier, présidente assesseure, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme A..., ressortissants de la république de Macédoine, nés respectivement les 8 juillet 1977 et 29 octobre 1978, sont entrés sur le territoire français le 22 septembre 2010. Le 13 décembre 2019, ils ont sollicité leur admission au séjour à titre exceptionnel ainsi que l'abrogation des arrêtés du 25 janvier 2017 portant interdiction de retour d'une durée de deux ans. Par des arrêtés du 22 janvier 2020, la préfète de la Haute-Marne a rejeté leur demande d'abrogation des arrêtés du 25 janvier 2017 portant interdiction de retour, a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel ils sont susceptibles d'être éloignés. Par un jugement du 24 juin 2020, dont M. et Mme A... relèvent appel par deux requêtes qu'il y a lieu de joindre pour statuer par un seul arrêt, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande tendant à l'annulation des arrêtés du 22 janvier 2020.

Sur les décisions portant refus de titre de séjour :

2. L'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ". Aux termes du 7° de l'article L. 311-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier et n'est pas contesté que M. et Mme A..., entrés en France en septembre 2010, y résidaient depuis près de dix ans à la date des décisions portant refus de titre de séjour. Leurs trois enfants, qui sont entrés avec eux en France, sont désormais chacun titulaires d'un titre de séjour en France et ont, pour les deux aînés, constitué leur propre cellule familiale en France. En outre, les parents de M. et Mme A... sont décédés. Leurs attaches familiales les plus proches se trouvent désormais en France. Ainsi, dans les circonstances très particulières de l'espèce, alors même que M. et Mme A... se sont maintenus, pour l'essentiel, en situation irrégulière en France et n'ont pas exécuté les décisions d'éloignement édictées à leur encontre, les décisions de refus de titre de séjour portent, au regard de la durée de leur séjour et de la présence de leurs enfants qui séjournent régulièrement en France, une atteinte disproportionnée à leur droit à une vie privée et familiale normale, garanti notamment par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 7° de l'article L. 311-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur.

4. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés à l'encontre des décisions portant refus de titre de séjour litigieuses, celles-ci doivent être annulées. Les décisions du 22 janvier 2020 par lesquelles la préfète de la Haute-Marne a refusé d'abroger l'interdiction de retour du 25 janvier 2017, a obligé M. et Mme A... à quitter sans délai le territoire français et a fixé le pays de destination doivent être annulées par voie de conséquence.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ".

6. Le motif de l'annulation prononcée au point 4 implique nécessairement que le préfet de la Haute-Marne délivre un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à M. et Mme A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans cette attente, du fait de l'annulation par voie de conséquence de l'obligation de quitter le territoire français, le préfet délivrera immédiatement à M. et Mme A... une autorisation provisoire de séjour sur le fondement de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés à l'instance :

7. M. et Mme A... ont obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, leur avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me B..., avocat de M. et Mme A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me B... de la somme de 1 500 euros.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du 24 juin 2020 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne et les arrêtés du 22 janvier 2020 de la préfète de la Haute-Marne sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à la préfète de la Haute-Marne de délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à M. et Mme A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans l'attente, de leur délivrer immédiatement une autorisation provisoire de séjour sur le fondement de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Article 3 : L'Etat versera à Me B... une somme de 1 500 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me B... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par M. et Mme A... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... C..., épouse A..., à M. D... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée pour information à la préfète de la Haute-Marne.

2

N°s 20NC02330, 20NC02331


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC02330-20NC02331
Date de la décision : 06/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Christine GRENIER
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : MERGER

Origine de la décision
Date de l'import : 03/08/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-07-06;20nc02330.20nc02331 ?
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