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20/07/2021 | FRANCE | N°20NC00301

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 20 juillet 2021, 20NC00301


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... G... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 8 août 2019 par lequel le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n°1902221 du 20 décembre 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé l'arrêté du 8 août 2019, a enjoint au préfet de l'Aube de délivrer à Mme G... un titre

de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à com...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... G... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 8 août 2019 par lequel le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n°1902221 du 20 décembre 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé l'arrêté du 8 août 2019, a enjoint au préfet de l'Aube de délivrer à Mme G... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros au conseil de Mme G... sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 février 2020, le préfet de l'Aube, représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 20 décembre 2019 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;

2°) de rejeter la demande de Mme G....

Il soutient que :

- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la reconnaissance de paternité de l'enfant de Mme G..., né le 9 août 2016, est frauduleuse ;

- Mme G... ne remplit donc pas les conditions du 6° de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour se voir délivrer le titre de séjour sollicité ;

- sa décision du 8 août 2019 ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 juillet 2020, Mme G..., représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge du préfet de l'Aube la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- à titre principal, les moyens soulevés par le préfet de l'Aube ne sont pas fondés ;

- à titre subsidiaire :

- le préfet a commis une erreur de droit car le 6° de l'article L.313-11 dans sa version applicable au litige, ne prévoit pas la condition de la contribution effective à l'entretien et à l'éducation de l'enfant du parent français ;

- la décision méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

Mme G... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 9 juin 2020.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme E..., première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme G..., de nationalité congolaise, née le 22 janvier 1977, a sollicité le 23 juin 2017 la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à la suite de la naissance de son fils le 9 août 2016. Par un arrêté préfectoral du 8 août 2019, le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle sera le cas échéant reconduite. Elle a alors saisi le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'une demande d'annulation de cet arrêté préfectoral. Le préfet de l'Aube relève appel du jugement du 20 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé son arrêté préfectoral du 8 août 2019.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée ; 7° (...) ". Aux termes de l'article 18 du code civil : " Est français l'enfant dont l'un des parents au moins est français ". L'article 316 de ce même code dispose : " Lorsque la filiation n'est pas établie dans les conditions prévues à la section I du présent chapitre, elle peut l'être par une reconnaissance de paternité ou de maternité, faite avant ou après la naissance. / La reconnaissance n'établit la filiation qu'à l'égard de son auteur. / Elle est faite dans l'acte de naissance, par acte reçu par l'officier de l'état civil ou par tout autre acte authentique. (...) ".

3. Si la reconnaissance d'un enfant est opposable aux tiers, en tant qu'elle établit un lien de filiation et, le cas échéant, en tant qu'elle permet l'acquisition par l'enfant de la nationalité française, dès lors que cette reconnaissance a été effectuée conformément aux conditions prévues par le code civil, et s'impose donc en principe à l'administration tant qu'une action en contestation de filiation n'a pas abouti, il appartient néanmoins au préfet, s'il est établi, lors de l'examen d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française ou d'un titre de séjour, de faire échec à cette fraude et de refuser, tant que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'est pas acquise, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par la personne se présentant comme père ou mère d'un enfant français.

4. Pour refuser de délivrer à Mme G... un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige, le préfet de l'Aube a retenu qu'un faisceau d'indices concordants conduit " à soupçonner très fortement une reconnaissance frauduleuse de paternité destinée à permettre à l'intéressée d'obtenir sa régularisation administrative ". Il ressort des pièces du dossier que M. F... a reconnu le 23 août 2016 l'enfant A..., né le 9 août 2016, de sa relation avec Mme G.... Il ressort du certificat de nationalité française produit ainsi que de la carte nationalité d'identité du père, que celui-ci est de nationalité française. Mme G... relate, par un récit cohérent, les circonstances dans lesquelles elle a rencontré le père de son enfant français, alors qu'il était en vacances au Congo, s'est installée en France dans l'espoir d'une vie commune avec lui alors même qu'il était marié mais que ce dernier avait interrompu leur relation lorsque les deux enfants de la requérante ainsi que sa belle-fille sont venus la rejoindre en France en 2016. Si le préfet relève que Mme G... indique ne plus avoir de contact avec le père de son enfant depuis le mois de juillet 2017, qu'il ne contribue, ni à l'éducation, ni à l'entretien de l'enfant qu'il a reconnu et qu'elle vit dans un logement pris en charge par le père, également de nationalité congolaise, de ses autres enfants dont un né en France après sa séparation, ces éléments ne suffisent pas à établir, que M. F... aurait reconnu l'enfant aux seules fins de permettre à sa mère d'obtenir un titre de séjour. Dans ces conditions, le préfet de l'Aube n'apporte pas la preuve qui lui incombe que la reconnaissance de l'enfant a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention par Mme G... d'un titre de séjour.

5. Il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Aube n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé l'arrêté préfectoral du 8 août 2019 et lui a enjoint de délivrer à Mme G... un titre de séjour dans un délai de deux mois.

Sur les frais liés à l'instance :

6. Mme G... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me D..., représentant Mme G... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat une somme globale de 1 500 euros au titre des frais d'instance de l'intimé.

D E C I D E :

Article 1er : La requête du préfet de l'Aube est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Me D... une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me D... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à Mme B... G... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Aube.

4

N° 20NC00301


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC00301
Date de la décision : 20/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Sophie ROUSSAUX
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : SCP CHOFFRUT BOIA

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-07-20;20nc00301 ?
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