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19/10/2021 | FRANCE | N°20NC03727

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 19 octobre 2021, 20NC03727


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du préfet de la Moselle du 28 février 2020 en tant qu'il l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2003537 du 11 août 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2

1 décembre 2020, M. B..., représenté par Me Dollé, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du préfet de la Moselle du 28 février 2020 en tant qu'il l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2003537 du 11 août 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 décembre 2020, M. B..., représenté par Me Dollé, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2003537 du tribunal administratif de Strasbourg du 11 août 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 28 février 2020 du préfet de la Moselle en tant qu'il l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa demande dans un délai à déterminer, le cas échéant sous astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 97-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :

- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît les stipulations du 1. de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est entachée d'un défaut de motivation ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'appréciation des conséquences de la mesure sur sa situation personnelle.

S'agissant de l'interdiction de retour sur le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen.

Par une ordonnance du 12 août 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 31 août 2021.

Un mémoire en défense présenté par le préfet de la Moselle a été enregistré le 22 septembre 2021, postérieurement à la clôture de l'instruction.

M. B... a été admis à l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 novembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Marchal a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant kosovar, né le 18 février 1984, est, selon ses déclarations, entré en France, en dernier lieu, le 31 août 2015. Par un arrêté du 28 février 2020, le préfet de la Moselle a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an. M. B... fait appel du jugement du 11 août 2020 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français, de la décision de renvoi et de l'interdiction de retour susmentionnées.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ".

3. La partie qui justifie d'un avis du collège des médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect du secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et d'établir l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi et de la possibilité pour l'intéressé d'y accéder effectivement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. B... souffre de troubles anxieux généralisés et suit de ce fait un traitement constitué d'anxiolytiques. Le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a toutefois, dans son avis du 3 février 2020, indiqué que l'état de santé de M. B... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'au vu des éléments du dossier et à la date de l'avis, il pouvait voyager sans risque vers son pays d'origine. Pour contester cet avis, le requérant se prévaut d'un certificat médical de son médecin traitant, qui souligne que le traitement actuel doit être continué et qui indique, sans plus de précisions, qu'un retour au Kosovo aurait des conséquences sévères. Ce certificat, s'il évoque, de manière au demeurant sommaire, l'existence de conséquences en cas d'arrêt des soins, ne remet pas en cause l'absence de conséquences d'une exceptionnelle gravité en cas de défaut de soin. Le requérant n'apporte aucun autre élément probant sérieux pour remettre en cause l'appréciation portée par le préfet sur la gravité de son état de santé. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

6. Il ressort des pièces du dossier que si M. B... est entré, en dernier lieu, en France en août 2015, il se maintient irrégulièrement sur le territoire français depuis lors et a d'ailleurs fait l'objet de plusieurs mesures d'éloignement, auxquelles il n'a pas déféré. Il ne justifie pas d'une intégration sociale particulière et la promesse d'embauche, dont il se prévaut au dossier, ne valait que jusqu'au 1er juin 2019 et était donc expirée lors de l'introduction de sa demande de titre de séjour et à la date de l'arrêté litigieux. De plus, le requérant n'établit, ni même n'allègue être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine, où son épouse, qui est également de nationalité kosovare et fait l'objet d'une mesure d'éloignement, pourra le suivre avec leurs enfants pour y reconstituer la cellule familiale. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision attaquée sur la situation de l'intéressé doivent être écartés.

7. En troisième lieu, aux termes du 1. de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

8. M. B... ne fait état d'aucun obstacle à ce que sa cellule familiale se reconstitue au Kosovo, alors que la mère de ses trois enfants est également de nationalité kosovare et fait également l'objet d'une mesure d'éloignement. Dans ces circonstances, M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Sur la décision fixant le pays de destination :

8. En premier lieu, la décision attaquée vise les textes dont elle fait application et comporte les considérations de fait et de droit sur lesquelles elle se fonde. Elle rappelle notamment, après avoir visé l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la situation personnelle de M. B... et précise qu'il n'a pas justifié pouvoir être reconduit dans un autre pays que le Kosovo et n'a pas plus établi être menacé d'y être exposé à des traitements inhumains ou dégradants contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le moyen tiré du défaut de motivation de la décision attaquée doit donc être écarté.

9. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le renvoi de M. B..., ainsi que de son épouse, vers leur pays d'origine entraînerait une aggravation de leurs états de santé s'opposant à ce que le Kosovo soit fixé comme pays de destination. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation du requérant doit être écarté.

Sur l'interdiction de retour sur le territoire français :

10. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger./Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour.(...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ".

11. Il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs.

12. La décision en litige, qui rappelle les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mentionne que M. B... est présent sur le territoire national depuis le 31 août 2015, que son épouse fait également l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, qu'il a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement et que son comportement ne représente pas une menace pour l'ordre public. Dans ces conditions, le préfet de la Moselle n'a pas entaché sa décision d'une insuffisance de motivation. Ce moyen doit par suite être écarté.

13. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant aurait invoqué dans sa demande des circonstances humanitaires pouvant s'opposer au prononcé d'une interdiction de retour sur le territoire français. Par ailleurs le préfet de la Moselle n'était pas tenu de rechercher d'office si de telles circonstances existaient. Par suite le moyen tiré du défaut d'examen particulier de la situation du requérant doit en tout état de cause être écarté.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'annulation et, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ne peuvent par suite qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête présentée par M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.

N° 20NC03727 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC03727
Date de la décision : 19/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Swann MARCHAL
Rapporteur public ?: M. BARTEAUX
Avocat(s) : DOLLÉ

Origine de la décision
Date de l'import : 26/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-10-19;20nc03727 ?
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