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09/12/2021 | FRANCE | N°21NC00637

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 09 décembre 2021, 21NC00637


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 16 juin 2020 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2001324 du 1er décembre 2020, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 mars 2021, M. A..., représent

par la SELARL Abdelli-Alves, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 1er décembre 2020 ;

...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 16 juin 2020 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2001324 du 1er décembre 2020, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 mars 2021, M. A..., représenté par la SELARL Abdelli-Alves, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 1er décembre 2020 ;

2°) d'annuler cet arrêté du 16 juin 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le même délai et sous la même astreinte, et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision portant refus de titre de séjour : est entachée d'une erreur de droit et d'appréciation au regard de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce qu'il n'est pas démontré que les documents qu'il produit pour justifier de son état civil sont des faux ; est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle et sur son état de santé, de son implication dans sa scolarité et de son insertion dans la société française ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est privée de base légale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- la décision fixant le pays de renvoi est privée de base légale du fait de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistrés le 26 mars 2021, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 février 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code pénal ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Mosser a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... déclare être né le 1er octobre 2001 à Oumé en Côte d'Ivoire et être entré en France le 12 juin 2018. Eu égard à sa situation de mineur non accompagné, il a été confié à l'aide sociale à l'enfance du Doubs. Le 15 mai 2020, M. A... a sollicité un titre de séjour sur le fondement des 2° et 7° de l'article L. 313-11 et des articles L. 313-14 et L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 16 juin 2020, le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer ce titre, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 1er décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 16 juin 2020.

Sur la décision portant refus de tire de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé. ".

3. Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation ainsi portée.

4. Aux termes de l'article R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente les documents justifiant de son état civil et de sa nationalité et, le cas échéant, de ceux de son conjoint, de ses enfants et de ses ascendants. ". L'article L. 111-6 du même code dispose que : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. ". L'article 47 du code civil précise que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ".

5. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

6. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.

7. M. A... a produit à l'appui de sa demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile un extrait du registre des actes de l'Etat civil de l'année 2001 n° 57 en date du 31 décembre 2001, rédigé le 22 août 2018 par un officier d'état de la sous-préfecture d'Oumé et un certificat de nationalité ivoirienne n°4511238 établi le 22 janvier 2019 par le tribunal d'instance d'Abidjan. Or l'avis des services de la direction interdépartementale de la police aux frontières de Pontarlier du 9 mars 2020 conclut qu'au regard des caractéristiques physiques de l'extrait du registre des actes de l'Etat civil ivoirien, celui-ci devait être regardé comme une contrefaçon. L'analyste en fraude documentaire note dans ce rapport que cet extrait, ne précisant ni l'âge, ni la nationalité des parents de l'intéressé, ne constitue pas un acte de naissance au sens de l'article 42 de la loi ivoirienne n° 99-691 du 14 décembre 1999 et a été imprimé à l'aide d'une imprimante à jet d'encre sur du papier ordinaire réagissant fortement à l'éclairage ultraviolet alors que ce type de document est normalement obtenu à l'aide d'une impression offset, impression à plat d'excellente qualité présentant un gage d'authenticité certain. Il souligne par ailleurs que le certificat de nationalité ayant été délivré sur le fondement de cet extrait des registres et de la carte nationale d'identité de la mère du requérant, il a été obtenu de manière indue et est donc irrecevable en vertu de l'article 47 du code civil précité.

8. Si M. A... fait valoir que le recours à une imprimante à jet d'encre pour l'impression des actes d'état civil serait usuel dans certaines communes de Côte d'Ivoire, il n'apporte aucun élément de preuve en ce sens. S'il soutient également que l'article 52 de la loi ivoirienne du 7 octobre 1964 ne prescrit pas pour les extraits du registre de l'acte d'état civil, contrairement à l'article 42 précité, la mention de l'âge et de la nationalité des parents de la personne concernée, les dispositions de cet article qu'il cite, exigent toutefois que l'heure de la naissance soit mentionnée sur l'extrait, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Par ailleurs, le certificat de nationalité dont il se prévaut étant fondé sur cet extrait et sur la carte d'identité nationale de la mère du requérant, il ne peut venir corroborer l'état civil de celui-ci. Dans ces conditions, les éléments apportés par M. A... ne permettent pas de remettre en cause les indices de contrefaçon sérieux et concordants relevés par l'analyste en fraude documentaire et à l'identité de la police aux frontières, alors que le requérant n'a produit aucun autre document d'état civil de nature à confirmer sa date de naissance. Dans ces conditions, en l'absence de doute quant au caractère inauthentique des actes présentés, il ne saurait être reproché au préfet du Doubs, qui a contacté sans succès la représentation diplomatique française en Côte d'ivoire, de ne pas avoir procédé à une saisine formelle des autorités ivoiriennes. Il s'ensuit que les moyens tirés de ce que le préfet du Doubs aurait commis une erreur manifeste d'appréciation et une erreur de droit au regard de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en estimant que le requérant ne justifiait pas avoir été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans doivent être écartés.

9. En second lieu, si M. A... bénéficie d'un suivi psychiatrique depuis le 6 février 2019 et a été hospitalisé quelques jours pour cette raison en avril 2019 puis en juin et août 2020, démontre de sa volonté d'insertion depuis son arrivée en France et suit avec sérieux une formation professionnelle depuis août 2019, il n'est nullement démontré qu'il ne pourrait pas poursuivre son traitement médical et sa formation dans son pays d'origine. Il ressort en outre des pièces du dossier que l'intéressé, célibataire et présent en France depuis deux ans à la date de la décision contestée, n'établit ni avoir déplacé le centre de ses intérêts personnels sur le territoire français, ni être dépourvu d'attache familiale dans son pays d'origine où il a lui-même vécu la majorité de son existence. Dans ces conditions, le préfet du Doubs ne saurait être regardé comme ayant entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle du requérant.

Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi :

10. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité du refus de titre de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre les décisions l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation ainsi que par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet du Doubs.

3

N° 21NC00637


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC00637
Date de la décision : 09/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Cyrielle MOSSER
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : ABDELLI - ALVES

Origine de la décision
Date de l'import : 21/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-12-09;21nc00637 ?
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