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01/02/2022 | FRANCE | N°21NC00259

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 01 février 2022, 21NC00259


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 3 septembre 2020 par lequel le préfet des Vosges lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2002400 du 23 décembre 2020, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 25 jan

vier 2021 et 4 janvier 2022, Mme A..., représentée par Me Boulanger, demande à la cour, dans ses ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 3 septembre 2020 par lequel le préfet des Vosges lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2002400 du 23 décembre 2020, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 25 janvier 2021 et 4 janvier 2022, Mme A..., représentée par Me Boulanger, demande à la cour, dans ses dernières écritures :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 23 décembre 2020 en tant que celui-ci, dans son article 2, a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 3 septembre 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 3 septembre 2020 du préfet des Vosges ;

3°) d'enjoindre au préfet des Vosges de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de trois jours à compter de la décision à intervenir ;

4°) d'enjoindre au préfet des Vosges de réexaminer sa situation et de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- les décisions de refus de séjour et d'éloignement sont insuffisamment motivées et ont été prises sans qu'il ait été procédé à un examen effectif de sa situation ;

- les décisions de refus de séjour et d'éloignement ont été prises en méconnaissance de son droit d'être entendue qu'elle tient de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'union européenne ; le préfet a pris la décision litigieuse le 3 septembre 2020, sans attendre son entretien fixé à la préfecture le 16 septembre 2020 ;

- la décision de refus de titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige ;

- la décision de refus de titre de séjour est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision de refus de titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la décision de refus de titre de séjour est contraire à l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige ;

- par exception d'illégalité, la décision d'éloignement qui est également motivée au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être annulée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 décembre 2021, le préfet des Vosges conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées le 21 décembre 2021 en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative que la cour était susceptible de relever d'office le moyen tiré de la méconnaissance de l'autorité de la chose jugée attachée au jugement n° 1904007 du tribunal administratif de Bordeaux en date du 3 juillet 2020.

Par un mémoire enregistré le 31 décembre 2021, le préfet des Vosges a émis des observations au moyen d'ordre public communiqué.

Par un mémoire enregistré le 4 janvier 2021, Mme A..., représentée par Me Boulanger, a émis des observations au moyen d'ordre public communiqué.

Les parties ont été informées le 6 janvier 2022 en application de l'article R.611-7 du code de justice administrative que la cour était susceptible de relever d'office le moyen tiré de ce que les conclusions à fin d'injonction de délivrance de titre de séjour de Mme A... sont dépourvues d'objet dès lors que le tribunal administratif de Bordeaux dans son jugement du 3 juillet 2020 n° 1904007 a déjà enjoint à l'Etat de lui délivrer un titre de séjour.

Un mémoire du préfet des Vosges a été enregistré le 11 janvier 2021 et n'a pas été communiqué.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 avril 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le jugement n°1904007 du 3 juillet 2020 du tribunal administratif de Bordeaux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Roussaux, première conseillère,

- et les conclusions de M. Michel, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., née en 1993, de nationalité nigériane est entrée en France le 9 octobre 2015 pour y demander l'asile. Sa demande a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile par des décisions des 11 janvier et 13 novembre 2018. Le 7 décembre 2018, elle a sollicité un titre de séjour auprès de la préfète de la Gironde qui lui a opposé un refus implicite, lequel a été annulé par un jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 3 juillet 2020 qui a enjoint à la préfète de la Gironde de délivrer à Mme A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de sa décision. Concomitamment, par un courrier du 23 octobre 2019, elle a sollicité auprès du préfet des Vosges la délivrance d'un titre de séjour au regard de sa vie privée et familiale. Par une décision du 3 septembre 2020, le préfet des Vosges lui a refusé le séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme A... relève appel du jugement du 23 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision du 3 septembre 2020.

Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté préfectoral du 3 septembre 2020 :

2. L'autorité absolue de chose jugée s'attachant au dispositif d'un jugement d'annulation devenu définitif ainsi qu'aux motifs qui en sont le support nécessaire fait obstacle à ce que, en l'absence de modification de la situation de droit ou de fait, le titre de séjour sollicité soit à nouveau refusé par l'autorité administrative pour un motif identique à celui qui avait été censuré par le tribunal administratif.

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... a sollicité un titre de séjour auprès de la préfète de la Gironde sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, soit un titre de séjour de plein droit au titre de la vie privée et familiale, et, d'autre part, sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 de ce code, soit un titre de séjour pour des motifs humanitaires ou exceptionnels, dans leur version applicable au litige. Par un jugement du 3 juillet 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision rejetant implicitement sa demande de titre de séjour et a enjoint à la préfète de la Gironde de délivrer à Mme A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de son jugement. Il a considéré qu'en refusant de délivrer un titre de séjour à Mme A..., la préfète de la Gironde avait porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et avait ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

4. Ce jugement, qui n'a pas été frappé d'appel, est devenu définitif. Ainsi, et en l'absence de circonstance nouvelle, ce jugement faisait obstacle à ce que le préfet des Vosges saisi d'une demande de titre de séjour par Mme A... au titre de sa vie privée, sur les mêmes fondements que ceux pour lesquels la préfète de la Gironde avait été saisie, lui oppose le 3 septembre 2020 un refus de titre de séjour au titre de sa vie privée et familiale pour un motif censuré par le tribunal administratif de Bordeaux

5. La décision portant refus de titre de séjour du préfet des Vosges du 3 septembre 2020 a méconnu, par suite, l'autorité absolue de la chose jugée attachée à ce jugement et doit être annulée, ainsi que par voie de conséquence les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination.

6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué et les autres moyens de la requête, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 3 septembre 2020.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. Il ressort des termes du jugement du 3 juillet 2020 que le tribunal administratif de Bordeaux a enjoint à la préfète de la Gironde de délivrer à Mme A... un titre de séjour " vie privée et familiale ". Il appartient en conséquence à l'Etat, et en particulier à l'autorité territorialement compétente au regard du lieu de résidence de Mme A... d'exécuter ce jugement et de délivrer ce titre à Mme A.... Les conclusions d'injonction formulées dans la présente requête, auxquelles il a déjà été fait droit par le jugement du tribunal administratif de Bordeaux, que l'Etat, sous peine d'une procédure d'exécution, est tenu d'exécuter, étaient donc dès l'enregistrement de la requête sans objet et donc irrecevables.

Sur les frais de l'instance :

8. Mme A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Boulanger, avocat de Mme A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Boulanger de la somme de 1 200 euros.

D E C I D E :

Article 1er : L'article 2 du jugement n° 2002400 du tribunal administratif de Nancy du 23 décembre 2020 et l'arrêté du préfet des Vosges du 3 septembre 2020 sont annulés.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 3 : L'Etat versera à Me Boulanger une somme de 1 200 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Boulanger renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., au ministre de l'intérieur et à Me Boulanger.

Copie en sera adressée au préfet des Vosges.

2

N° 21NC00259


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC00259
Date de la décision : 01/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Sophie ROUSSAUX
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : BOULANGER

Origine de la décision
Date de l'import : 08/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-02-01;21nc00259 ?
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