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10/03/2022 | FRANCE | N°21NC01723

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 10 mars 2022, 21NC01723


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 5 août 2020 par laquelle le préfet de l'Aube a rejeté sa demande de regroupement familial ainsi que la décision du 19 novembre 2020 par laquelle le préfet de l'Aube a rejeté le recours gracieux formé contre cette décision, d'enjoindre au préfet de l'Aube, à titre principal, de faire droit à sa demande dans le délai de quinze jours sous astreinte de 50 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire d'e

njoindre au préfet de réexaminer sa situation et de mettre à la charge de l'Et...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 5 août 2020 par laquelle le préfet de l'Aube a rejeté sa demande de regroupement familial ainsi que la décision du 19 novembre 2020 par laquelle le préfet de l'Aube a rejeté le recours gracieux formé contre cette décision, d'enjoindre au préfet de l'Aube, à titre principal, de faire droit à sa demande dans le délai de quinze jours sous astreinte de 50 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation et de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Par un jugement n° 2002610 du 15 avril 2021, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé les décisions du préfet de l'Aube des 5 août et 19 novembre 2020, a enjoint au préfet de l'Aube de faire droit à la demande de regroupement familial de M. A... dans un délai d'un mois suivant la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat le versement à M. A... d'une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée sous le n° 21NC01723 le 15 juin 2021, le préfet de l'Aube demande à la cour :

1) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 15 avril 2021 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne.

Il soutient que :

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la condamnation de M. A... témoigne de ce qu'il ne se conforme pas aux principes essentiels qui, conformément aux lois de la République, régissent la vie familiale en France au sens du 3° de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il existait un doute sérieux sur la domiciliation de M. A... à l'adresse dont il s'est prévalu pour justifier qu'il remplissait la condition relative au logement prévue par le 2° de ce même article.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 octobre 2021, M. A..., représenté par Me Garcia, conclut :

1) au rejet de la requête ;

2) à ce qu'il soit enjoint au préfet de l'Aube de lui accorder le bénéfice du regroupement familial ;

3) à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- les moyens soulevés par le préfet de l'Aube ne sont pas fondés ;

- le refus de regroupement familial méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Goujon-Fischer, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant kosovar, titulaire d'une carte de résident valable jusqu'au 12 novembre 2025, a sollicité du préfet de l'Aube le bénéfice du regroupement familial au profit de son épouse et de son fils né en 2006. Par une décision du 5 août 2020, confirmée sur recours gracieux le 19 novembre 2020, le préfet de l'Aube a rejeté cette demande. Le préfet de l'Aube relève appel du jugement du 15 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé ces décisions et lui a enjoint d'accorder à M. A... le bénéfice du regroupement familial sollicité dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement.

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :

2. Aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint, si ce dernier est âgé d'au moins dix-huit ans, et les enfants du couple mineurs de dix-huit ans ". Aux termes de l'article L. 411-5 du même code : " Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : / 2° Le demandeur ne dispose pas ou ne disposera pas à la date d'arrivée de sa famille en France d'un logement considéré comme normal pour une famille comparable vivant dans la même région géographique ; /3° Le demandeur ne se conforme pas aux principes essentiels qui, conformément aux lois de la République, régissent la vie familiale en France, pays d'accueil. ". Aux termes de l'article R. 411-5 de ce code : " Pour l'application du 2° de l'article L. 411-5, est considéré comme normal un logement qui : (...) 2° Satisfait aux conditions de salubrité et d'équipement fixées aux articles 2 et 3 du décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent pris pour l'application de l'article 187 de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbain (...) ".

3. D'une part, il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision contestée du préfet de l'Aube, M. A... disposait d'un logement de 57 m² dont il était locataire à Nogent-sur-Seine, sans qu'il soit établi que ce logement n'aurait pas satisfait aux conditions de salubrité et d'équipement fixées aux articles 2 et 3 du décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 auxquels se réfère l'article R. 411-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pris pour l'application du 2° de l'article L. 411-5 de ce code. Au demeurant, M. A... a produit diverses factures d'achats de mobilier et d'appareils électroménagers établies à son adresse, la plupart datées d'octobre 2019. Les circonstances qu'un rapport de visite de la gendarmerie daté du 24 août 2019 ait fait état d'un appartement sommairement meublé et que l'intéressé ait pu ne pas occuper ce logement pendant plusieurs mois ne sont pas de nature à établir qu'il ne disposait pas, pour l'accueil de sa famille, d'un logement considéré comme normal pour une famille comparable vivant dans la même région géographique.

4. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que, par un jugement du tribunal correctionnel de Troyes du 14 décembre 2017, M. A... a été condamné à une peine d'amende de 500 euros, dont 250 euros assortis du sursis pour des faits de violence sans incapacité par une personne étant ou ayant été conjoint, concubin ou partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité commis le 6 juillet 2017 à Les Noë-près-Troyes. Toutefois, eu égard à leur nature, à leur degré de gravité, à leur ancienneté, ces faits, dont il est par ailleurs constant qu'ils sont demeurés isolés, ne sont pas, à eux seuls, de nature à établir que l'intéressé ne se conformait pas aux principes essentiels qui, conformément aux lois de la République, régissent la vie familiale en France, pays d'accueil.

5. Par suite, en refusant d'accorder à M. A... le bénéfice du regroupement familial au profit de son épouse et de son fils sur le fondement des dispositions des 2° et 3° de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de l'Aube a fait une inexacte application de ces dispositions.

6. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de l'Aube n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé ses décisions des 5 août et 19 novembre 2020.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement que le préfet de l'Aube accorde à M. A..., s'il ne l'a déjà fait en exécution du jugement attaqué, le bénéfice du regroupement familial sollicité. En tout état de cause, le préfet demeurant tenu, en l'absence de changement dans les circonstances de droit et de fait, d'exécuter, désormais sans délai, l'injonction prononcée en ce sens par le tribunal, il n'y a pas lieu, pour la cour, de prononcer une nouvelle injonction.

Sur les frais liés à l'instance :

8. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, qui doit être regardé comme partie perdante à l'instance, le versement à M. A... d'une somme de 1 500 euros au titre de ces dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La requête du préfet de l'Aube est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à M. A..., la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfet de l'Aube.

2

N° 21NC01723


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21NC01723
Date de la décision : 10/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: M. Jean-François GOUJON-FISCHER
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : CABINET BENOIT GARCIA

Origine de la décision
Date de l'import : 15/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-03-10;21nc01723 ?
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