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22/03/2022 | FRANCE | N°19NC02432

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 22 mars 2022, 19NC02432


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Grenke Location a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner la commune de Saint-Sébastien-de-Morsent à lui payer la somme de 29 400 euros au titre du contrat n° 058-20190 du 27 décembre 2011 et la somme de 28 236 euros au titre du contrat n° 058-23658 du 6 juin 2013, augmentées des intérêts au taux légal à compter du 19 janvier 2016 et de leur capitalisation, à lui restituer le matériel objet des contrats n° 058-20190 et n° 058-23658 à ses frais et risques et de mettr

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Grenke Location a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner la commune de Saint-Sébastien-de-Morsent à lui payer la somme de 29 400 euros au titre du contrat n° 058-20190 du 27 décembre 2011 et la somme de 28 236 euros au titre du contrat n° 058-23658 du 6 juin 2013, augmentées des intérêts au taux légal à compter du 19 janvier 2016 et de leur capitalisation, à lui restituer le matériel objet des contrats n° 058-20190 et n° 058-23658 à ses frais et risques et de mettre à la charge de la commune de Saint-Sébastien-de-Morsent une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1605019 du 6 juin 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a condamné la commune de Saint-Sébastien-de-Morsent à verser à la société Grenke Location la somme 17 611,20 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 21 janvier 2016 et de leur capitalisation, à lui restituer les biens et logiciels pris en location au titre des contrats signés les 27 décembre 2011 et 6 juin 2013 dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, à ses frais et risques et a rejeté le surplus de ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 30 juillet 2019, la société Grenke Location, représentée par Me Thiery, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif du 6 juin 2019 en ce qu'il a limité l'indemnisation allouée au titre du contrat n° 058-20190 du 27 décembre 2011 et a rejeté sa demande au titre du contrat n° 058-23658 du 6 juin 2013 ;

2°) de confirmer ce jugement pour le surplus ;

3°) de condamner la commune de Saint-Sébastien-de-Morsent à lui payer les sommes de 29 400 euros au titre du contrat n° 058-20190 du 27 décembre 2011 et 27 787,02 euros au titre du contrat n° 058-23658 du 6 juin 2013, augmentées des intérêts au taux légal à compter du 19 janvier 2016 et de leur capitalisation ;

4°) de condamner la commune de Saint-Sébastien-de-Morsent à lui restituer le matériel objet des contrats en cause, à ses frais et risques ;

5°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Sébastien-de-Morsent une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande d'indemnisation à raison de la résiliation du contrat n° 058-23658 du 6 juin 2013 au motif qu'il ne fixait pas de durée conventionnelle dès lors que la commune intention des parties était de fixée sa durée à 21 trimestres ;

- la décision de résilier le contrat n° 058-23658 du 6 juin 2013 n'est fondée ni sur la faute, ni sur l'intérêt général et ne comporte aucune motivation, ce qui la rend manifestement irrégulière et abusive et est de nature à engager la responsabilité contractuelle pour faute de la commune de Saint-Sébastien de Morsent ;

- elle a droit à l'indemnisation intégrale du préjudice résultant de la résiliation du contrat n° 058-23658 du 6 juin 2013, soit 22 116,29 euros toutes taxes comprises (TTC) au titre des investissements non amortis et 5 670,73 euros TTC au titre de la perte du bénéfice escompté, soit une somme de 27 787,02 euros qui équivaut au montant des loyers qu'elle aurait été en droit d'encaisser si le contrat était allé à son terme ;

- elle a droit à l'indemnisation intégrale du préjudice résultant de la résiliation du contrat n° 058-20190 du 27 décembre 2011, soit 18 739,04 euros TTC au titre des investissements non amortis et 5 467,98 euros TTC au titre de la perte de bénéfice escompté, représentant une somme totale de 24 207,02 euros.

La requête a été communiquée à la commune de Saint-Sébastien-de-Morsent, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Picque, première conseillère,

- et les conclusions de M. Michel, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société Grenke Location et la commune de Saint-Sébastien-de-Morsent ont conclu le 27 décembre 2011 un premier contrat de location longue durée n° 058-20190 par lequel la société s'engageait à acheter auprès d'un fournisseur désigné, la société H Trade, du matériel de téléphonie pour le donner en location à la personne publique pour une durée de soixante-trois mois en contrepartie du versement d'un loyer mensuel de 1 400 euros hors taxe (HT), soit 1 674,40 euros toutes taxes comprises (TTC). Le 6 juin 2013, la société et la commune ont conclu un second contrat de location longue durée n° 058-23658 (également identifié sous le n°058-064063) par lequel la société Grenke Location s'engageait à acheter auprès d'un fournisseur désigné, la société H Com, du matériel de téléphonie pour le donner en location à la personne publique en contrepartie du versement d'un loyer trimestriel de 2 172 euros HT sans indication du nombre de loyers à verser. Le 25 mars 2015, la commune de Saint-Sébastien-de-Morsent a informé la société Grenke Location de la résiliation de ces deux contrats à compter du 2 avril 2015. La société Grenke Location a alors saisi le tribunal administratif de Strasbourg de demandes, présentées sur le fondement de la responsabilité contractuelle pour faute, tendant à la condamnation de la commune à lui payer, d'une part, la somme de 29 400 euros au titre du contrat du 27 décembre 2011 et, d'autre part, la somme de 28 236 euros au titre du contrat du 6 juin 2013, augmentées des intérêts au taux légal à compter du 19 janvier 2016 et de leur capitalisation ainsi qu'à lui restituer à ses frais et risques le matériel. La société Grenke Location fait appel du jugement du 6 juin 2019 en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à sa demande concernant le premier contrat, en limitant l'indemnisation du préjudice résultant de la résiliation anticipée du contrat à la somme de 17 611,20 euros, sur le fondement de la responsabilité contractuelle pour faute, et qu'il a rejeté sa demande concernant le second contrat.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne le contrat n° 058-20190 du 27 décembre 2011 :

2. La réparation intégrale du préjudice résultant d'une résiliation infondée doit couvrir tant les pertes éventuelles supportées par le cocontractant de la personne publique que le manque à gagner directement lié à cette résiliation.

3. Il résulte de l'instruction que, compte tenu notamment de l'absence de restitution du matériel, la perte subie par la société Grenke Location, du fait de la résiliation anticipée du contrat de location de matériel de téléphonie, s'élève à la somme de 15 668,09 euros, correspondant à la différence entre la valeur hors taxe du matériel (74 468,09 euros HT) qu'elle a acheté à son fournisseur et le montant des loyers qu'elle a encaissé (58 800 euros HT). La perte du bénéfice escompté de l'exécution du contrat indemnisable doit être calculée non sur l'intégralité de la durée du contrat mais sur celle restant à courir à compter de la résiliation. Cette perte, qui doit s'apprécier hors taxe, peut être évaluée à la somme 4 577,37 euros eu égard aux vingt-et-un loyers restant à verser à compter de la résiliation. Il sera ainsi fait une juste appréciation du préjudice effectivement subi par la société Grenke du fait de la résiliation en fixant l'indemnité à laquelle elle a droit à la somme totale de 20 245,46 euros (15 668,09 euros + 4 577,37 euros).

4. Il résulte de ce qui précède que la somme à laquelle la commune de Saint-Sébastien-de-Morsent a été condamnée à verser à la société Grenke Location par l'article 1er du jugement du 6 juin 2019, doit être portée à la somme de 20 245,46 euros. L'article 1er du jugement contesté doit être réformé dans cette mesure.

En ce qui concerne le contrat n° 058-23658 du 6 juin 2013 :

Quant à l'exception de nullité du contrat :

5. Lorsqu'une partie à un contrat administratif soumet au juge un litige relatif à l'exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat. Toutefois, dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel.

6. La seule circonstance que le contrat de location de longue durée n° 058-23658 conclu le 6 juin 2013 entre la commune de Saint-Sébastien-de-Morsent et la société Grenke Location ne contenait pas la mention du nombre de loyers à verser n'est pas de nature à avoir fait naître entre les parties un engagement perpétuel d'autant plus que l'article 10 des conditions générales du contrat de location longue durée en litige stipule qu'il est à durée déterminée. Par suite, la société Grenke Location est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le contrat en litige devait être regardé comme engageant indéfiniment la personne publique et que, dans ces conditions, la commune ne pouvait être regardée comme ayant commis une faute en le résiliant. Il appartient dès lors à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société Grenke Location tant en première instance qu'en appel.

Quant à la responsabilité contractuelle de la commune de Saint-Sébastien-de-Morsent :

S'agissant de la faute :

7. Il résulte de l'instruction que la commune de Saint-Sébastien-de-Morsent a résilié le contrat qui la liait à la société Grenke Location au motif que son fournisseur de matériel de téléphonie s'était engagé dans le cadre de deux nouveaux contrats signés avec la commune en 2015 à prendre en charge le solde des contrats la liant à la société requérante, engagement qui n'a jamais été tenu. Un tel motif n'était pas de nature à justifier légalement la résiliation unilatérale par la commune du contrat la liant à la société Grenke Location. Dès lors, la commune de Saint-Sébastien-de-Morsent a commis une faute de nature à engager sa responsabilité contractuelle.

S'agissant du préjudice :

8. Il résulte de l'instruction que, compte tenu notamment de l'absence de restitution du matériel, la perte subie par la société Grenke Location, du fait de la résiliation anticipée du contrat de location de matériel de téléphonie, s'élève à la somme de 18 557,46 euros, correspondant à la différence entre la valeur hors taxe du matériel (38 105,46 euros HT) qu'elle a acheté à son fournisseur et le montant des loyers qu'elle a encaissés (19 548 HT). La perte du bénéfice escompté de l'exécution du contrat indemnisable doit être calculée non sur l'intégralité de la durée du contrat mais sur celle restant à courir à compter de la résiliation. Cette perte, qui doit s'apprécier hors taxe, peut être évaluée à la somme 4 289,45 euros eu égard aux douze loyers restant à échoir à compter de la résiliation. Il sera ainsi fait une juste appréciation du préjudice effectivement subi par la société Grenke du fait de la résiliation en fixant l'indemnité à laquelle elle a droit à la somme totale de 22 846,91 euros (18 557,46 euros + 4 289,45 euros).

9. Il résulte de tout ce qui précède que la société Grenke Location est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Saint-Sébastien-de-Morsent à lui verser la somme de 22 846,91 euros au titre du contrat n° 058-23658 du 6 juin 2013. L'article 3 du jugement contesté est réformé dans cette mesure.

Quant aux intérêts et à leur capitalisation :

10. En premier lieu, la société Grenke a droit aux intérêts au taux légal de la somme de 22 846,91 euros à compter de la décision de la réception de sa première demande préalable du 19 janvier 2016.

11. En second lieu, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, même si, à cette date, les intérêts sont dus depuis moins d'une année. En ce cas, cette demande ne prend toutefois effet qu'à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière.

12. La capitalisation des intérêts a été demandée dans la requête de première instance du 30 juillet 2019. Il y a lieu de faire droit à cette demande de la date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

En ce qui concerne les conclusions tendant à la restitution du matériel :

13. Le jugement contesté a fait droit aux conclusions de la société Grenke Location tendant à la restitution du matériel. Elle n'est par suite pas recevable à le demander à nouveau à hauteur d'appel.

Sur les frais de l'instance :

14. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Saint-Sébastien-de-Morsent le versement de 1 000 euros à la société Grenke Location sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La somme de 17 611,20 euros que la commune de Saint-Sébastien-de-Morsent a été condamnée à verser à la société Grenke Location par l'article 1er du jugement n° 1605019 du 6 juin 2019 est portée à la somme de 20 245,46 euros.

Article 2 : La commune de Saint-Sébastien-de-Morsent est condamnée à verser à la société Grenke Location la somme de 22 846,91 euros au titre du contrat n° 058-23658 du 6 juin 2013. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la réception de la demande préalable du 19 janvier 2016. Les intérêts échus au bout d'une année d'intérêts seront capitalisés, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 6 juin 2019 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : La commune de Saint-Sébastien-de-Morsent versera à la société Grenke Location une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société Grenke Location et à la commune de Saint-Sébastien-de-Morsent .

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N° 19NC02432


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC02432
Date de la décision : 22/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-04-02-03 Marchés et contrats administratifs. - Fin des contrats. - Résiliation. - Droit à indemnité.


Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Anne-Sophie PICQUE
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : THIERY

Origine de la décision
Date de l'import : 29/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-03-22;19nc02432 ?
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