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06/04/2022 | FRANCE | N°21NC02129

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 06 avril 2022, 21NC02129


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... C..., épouse G... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 12 janvier 2021 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification

du jugement à intervenir ainsi qu'un " récépissé avec droit au travail " dans u...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... C..., épouse G... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 12 janvier 2021 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir ainsi qu'un " récépissé avec droit au travail " dans un délai de huit jours à compter de cette même notification et, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation personnelle et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours à compter de cette notification et sous astreinte de 50 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 200 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Par un jugement n° 2100463 du 1er juillet 2021, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée sous le n° 21NC02129 le 23 juillet 2021 et un mémoire enregistré le 29 octobre 2021, Mme G..., représentée par Me Boukhelifa, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Besançon du 1er juillet 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 12 janvier 2021 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;

3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour en qualité de parent d'enfant malade ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- en estimant que l'état de santé de son fils nécessitait des soins dont le défaut ne devrait pas entrainer de conséquences d'une exceptionnelle gravité, le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation et méconnu l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration sur lequel s'est fondé le préfet n'est pas conforme aux exigences de l'arrêté du 27 décembre 2016 en ce qu'il ne précise pas s'il existe un accès effectif à un traitement approprié dans le pays d'origine ;

- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 octobre 2021, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Goujon-Fischer premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., épouse G..., ressortissante tunisienne, entrée en France en février 2017 sous couvert d'un visa C " visiteur ", a successivement bénéficié, à compter du 3 décembre 2018, de deux autorisations provisoires de séjour délivrées sur le fondement de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le 28 novembre 2019, elle a sollicité du préfet du Doubs le renouvellement de son droit au séjour en qualité de " parent d'enfant malade ". Par un arrêté du 12 janvier 2021, le préfet du Doubs a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme G... relève appel du jugement du 1er juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté de 12 janvier 2021 :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, désormais codifié à l'article L. 425-10 de ce code : " Sauf si leur présence constitue une menace pour l'ordre public, une autorisation provisoire de séjour est délivrée aux parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions mentionnées au 11° de l'article L. 313-11 (...). / L'autorisation provisoire de séjour mentionnée au premier alinéa, qui ne peut être d'une durée supérieure à six mois, est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médicale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues au 11° de l'article L. 313-11 (...) ". Selon le 11° de l'article L. 313-11 du même code, désormais codifié à l'article L. 425-9 de ce code, l'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an.

3. Il ressort des pièces du dossier que, dans un avis du 27 juin 2018, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que l'état de santé du fils de A... G..., prénommé F... et né en 2017, nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'il n'existait pas de traitement approprié dans son pays d'origine et que les soins nécessités par son état de santé devaient être poursuivis en France pour une durée de 12 mois. Par un autre avis, daté du 24 juin 2019, le collège des médecins a estimé que si l'état de santé du jeune F... G... nécessitait une prise en charge médicale, le défaut d'une telle prise en charge ne devrait en revanche pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Au vu de ces avis, le préfet du Doubs a délivré à Mme G... une autorisation provisoire de séjour, laquelle a été renouvelée jusqu'au 3 janvier 2020. En réponse à la demande de renouvellement de cette autorisation provisoire de séjour formulée le 28 novembre 2019 par Mme G..., les services de la préfecture ont adressé à celle-ci un dossier médical à compléter en vue de l'actualisation de l'état de santé de son fils. A... G... n'ayant pas transmis au préfet ce dossier complété, celui-ci a estimé qu'elle ne remplissait pas les conditions de délivrance d'une autorisation provisoire de séjour fixées par l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a rejeté sa demande de renouvellement par son arrêté du 12 janvier 2021.

4. Mme G... a depuis lors produit divers certificats médicaux, établis par le professeur B..., médecin, adjoint au chef de service du pôle médico-chirurgical de l'enfant et de l'adolescent du Centre hospitalier régional universitaire de Besançon des 18 septembre 2017, 25 janvier et 25 février 2021 ainsi que du docteur H..., médecin généraliste, du 3 février 2021, dont il ressort qu'un diagnostic prénatal de dilatation kystique du cholédoque a été posé et confirmé à la naissance chez le jeune F.... Cette malformation des voies biliaires a fait l'objet d'une intervention chirurgicale consistant en une exérèse de la dilation du kyste et une dérivation bilo-digestive, le 31 janvier 2018. L'enfant présente depuis cette intervention des phénomènes de cholestase à répétition faisant suspecter le développement d'une sténose de l'anastomose bilo-digestive, ce qui nécessite, selon le professeur B..., d'une part, un suivi médical spécialisé et pluridisciplinaire d'une durée minimale de 18 mois, dont le défaut aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité, et, d'autre part, les avis techniques du centre de référence national du Centre hospitalier universitaire de Bicêtre. Il ressort de ces éléments de diagnostic récents, précis et documentés qu'à la date de l'arrêté du préfet, l'état de santé du jeune F... nécessitait des soins dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Eu égard à la nature et à la gravité de la pathologie en cause, au suivi médical qu'elle implique, ainsi qu'aux conclusions du premier avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration en date du 27 juin 2018, il ne ressort pas des pièces dossier que l'enfant pourrait disposer effectivement d'un traitement approprié dans l'état d'origine de Mme G.... Par suite, et pour regrettable qu'ait été l'absence de réponse de l'intéressée à la demande d'actualisation transmise par les services préfectoraux, le préfet du Doubs a fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant à la requérante le renouvellement de son autorisation provisoire de séjour.

5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme G... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Eu égard au motif d'annulation, mais également au caractère évolutif de la pathologie du jeune F..., l'exécution du présent arrêt implique uniquement le réexamen, par le préfet du Doubs, de la situation de Mme G..., au vu d'un nouvel avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration sur la base, notamment, des certificats médicaux évoqués au point 4 du présent arrêt, sous réserve de l'accord de la requérante à les produire. Il y a lieu, dès lors, d'enjoindre au préfet du Doubs de procéder à ce réexamen dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés à l'instance :

7. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

8. Mme G... n'a pas obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Ainsi, son avocat ne peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement Mme G... d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Besançon du 1er juillet 2021 et l'arrêté du préfet du Doubs du 12 janvier 2021 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Doubs de réexaminer la demande de renouvellement d'autorisation provisoire de séjour de Mme G... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Mme G... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... C... épouse G... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Doubs.

Délibéré après l'audience du 15 mars 2022, à laquelle siégeaient :

M. Agnel, président,

M. Goujon-Fischer, premier conseiller,

M. Marchal, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 avril 2022.

Le rapporteur,

Signé : J.-F. Goujon-FischerLe président,

Signé : M. Agnel

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

2

N° 21NC02129


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC02129
Date de la décision : 06/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. AGNEL
Rapporteur ?: M. Jean-François GOUJON-FISCHER
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : BOUKHELIFA

Origine de la décision
Date de l'import : 12/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-04-06;21nc02129 ?
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