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07/04/2022 | FRANCE | N°21NC01229

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 07 avril 2022, 21NC01229


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 2 janvier 2019 par laquelle le préfet du Bas-Rhin a rejeté sa demande tendant à l'obtention d'une " petite licence de restaurant ", à ce qu'il soit enjoint à la préfète du Bas-Rhin de lui accorder une petite licence restaurant, à défaut de réexaminer sa demande dans un délai de huit jours à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte.

Par un jugement n° 1901772 du 23 février 2021,

le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du préfet du Bas-Rhin du...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 2 janvier 2019 par laquelle le préfet du Bas-Rhin a rejeté sa demande tendant à l'obtention d'une " petite licence de restaurant ", à ce qu'il soit enjoint à la préfète du Bas-Rhin de lui accorder une petite licence restaurant, à défaut de réexaminer sa demande dans un délai de huit jours à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte.

Par un jugement n° 1901772 du 23 février 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du préfet du Bas-Rhin du 2 janvier 2019 portant rejet de la demande de M. B... tendant à l'obtention d'une " petite licence de restaurant " et a enjoint à la préfète du Bas-Rhin de réexaminer la demande de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à M. B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédures devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 26 avril 2021, sous le n° 21NC01230, le ministre de l'intérieur demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1901771 du tribunal administratif de Strasbourg du

23 février 2021 ;

2°) de rejeter la demande de M. B....

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif a considéré que l'article 33 du code local des professions n'était pas applicable aux commerces de restauration situés en Alsace-Moselle qui servent des boissons uniquement pendant les repas ;

- en application de l'article L. 3331-2 du code de la santé publique, sur tout le territoire, les restaurants qui détiennent une licence de débit de boissons, une petite licence ou une licence restaurant sont qualifiés de " débits de boisson ", il doit en être de même en Alsace-Moselle ;

- le régime déclaratoire de l'article L. 3332-4-1 du code précité ne s'appliquant pas en Alsace-Moselle, les commerces de restauration situés en Alsace-Moselle doivent donc être soumis à l'autorisation de l'article 33 du code local des professions dès lors que :

* le guide des débits de boisson élaboré par les services des ministères de la santé et de l'intérieur qualifie les restaurants de sous-catégorie de débits de boisson soumis au droit local en application de l'article L. 3332-5 du code précité, conformément à l'esprit de la loi de 1909 ;

* les articles L. 3331-2 et L. 3332-5 figurent dans une partie du code de la santé publique relative aux débits de boisson.

Par un mémoire en défense enregistré le 16 août 2021, M. B..., représenté par Me Schmitt, conclut :

1°) à titre principal, à la confirmation du jugement du 23 février 2021 du tribunal administratif de Strasbourg et au rejet de la requête d'appel ;

2°) à titre subsidiaire, dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, à l'annulation de la décision du 2 janvier 2019 du préfet du Bas-Rhin et à ce qu'il soit enjoint à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer une " petite licence restaurant " ou à défaut de réexaminer sa situation dans un délai de 8 jours à compter de la décision à intervenir ;

3°) en toutes hypothèses à ce que l'Etat soit condamné à lui verser la somme de 2000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le champ d'application de l'article 33 du code local des professions du 26 juillet 1900 est limité aux débits de boissons et ne s'applique pas aux restaurants dans lesquels les boissons sont vendues uniquement à l'occasion des repas, ce qui est le cas de l'établissement " L'île aux fleurs " ;

- à titre subsidiaire, la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, ne pourra qu'annuler la décision du 2 janvier 2019 car :

- l'auteur de la décision du 2 janvier 2019 est incompétent ;

- l'article 33 du code local des professions du 26 juillet 1900 est inopposable à sa demande ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

II. Par une requête enregistrée le 26 avril 2021, sous le n° 21NC01229, la préfète du Bas-Rhin demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1901771 du tribunal administratif de Strasbourg du

23 février 2021

2°) de rejeter la demande de M. B....

Elle s'en réfère aux écritures d'appel produites par le ministre de l'intérieur et enregistrées le même jour à la cour administrative d'appel de Nancy, pour solliciter l'annulation du jugement litigieux.

Par un mémoire en défense enregistré le 16 août 2021, M. B..., représenté par Me Schmitt, conclut :

1°) à titre principal, à la confirmation du jugement du 23 février 2021 du tribunal administratif de Strasbourg et au rejet de la requête d'appel ;

2°) à titre subsidiaire, dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, à l'annulation de la décision du 2 janvier 2019 du préfet du Bas-Rhin et à ce qu'il soit enjoint à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer une " petite licence restaurant " ou à défaut de réexaminer sa situation dans un délai de 8 jours à compter de la décision à intervenir ;

3°) en toutes hypothèses, à ce que l'Etat soit condamné à lui verser la somme de 2000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le champ d'application de l'article 33 du code local des professions du 26 juillet 1900 est limité aux débits de boissons et ne s'applique pas aux restaurants dans lesquels les boissons sont vendues uniquement à l'occasion des repas, ce qui est le cas de l'établissement " L'île aux fleurs " ;

- à titre subsidiaire, la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, ne pourra qu'annuler la décision du 2 janvier 2019 car :

- l'auteur de la décision du 2 janvier 2019 est incompétent ;

- l'article 33 du code local des professions du 26 juillet 1900 est inopposable à sa demande ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par une ordonnance du 14 décembre 2021, la clôture d'instruction des deux affaires a été fixée au 10 janvier 2022 à 12h00.

Les parties ont été informées, dans la requête n° 21NC01230, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt de la cour était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'absence de qualité du ministre de l'intérieur pour faire appel contre le jugement du 23 février 2021 du tribunal administratif de Strasbourg, seul le préfet étant compétent en application des dispositions de l'article R. 811-10-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 2011-302 du 22 mars 2011 portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière de santé, de travail et de communications électroniques ;

- le code de la santé publique ;

- le code local des professions applicable dans les départements du Bas-Rhin, Haut-Rhin et de la Moselle ;

- les avis du tribunal administratifs de Strasbourg du 10 janvier 1978 et du 19 février 2001 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Roussaux, première conseillère,

- et les conclusions de M. Michel, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... est gérant de l'EURL " Schotz " qui exploite l'établissement de restauration " L'île aux fleurs ". Il a demandé une petite licence de restaurant lui permettant de vendre des boissons du troisième groupe pour les consommer sur place à l'occasion des repas. Par une décision du 2 janvier 2019, le préfet du Bas-Rhin a rejeté sa demande sur le fondement de l'article 33 du code local des professions. M. B... a alors saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à l'annulation de cette décision. Par un jugement du 23 février 2021, le tribunal a annulé la décision du 2 janvier 2019 par laquelle le préfet du Bas-Rhin a rejeté sa demande tendant à l'obtention d'une " petite licence de restaurant " et a enjoint à la préfète du Bas-Rhin de réexaminer la demande de M. B.... Par deux requêtes enregistrées sous les n° 21NC01229 et 21NC01230, qu'il y a lieu de joindre pour statuer par un seul arrêt, la préfète du Bas-Rhin et le ministre de l'intérieur relèvent appel du jugement du 23 février 2021 du tribunal administratif de Strasbourg.

Sur la requête n° 21NC01230 :

2. Aux termes de l'article R. 811-10-1 du code de justice administrative : " Par dérogation aux dispositions de l'article R. 811-10, le préfet présente devant la cour administrative d'appel les mémoires et observations produits au nom de l'Etat lorsque le litige est né de l'activité des services de la préfecture dans les matières suivantes : (...) 8° police des débits de boissons (...) ".

3. En l'espèce, la décision litigieuse du 2 janvier 2019 du préfet du Bas-Rhin relève de la police des débits de boissons. Seul la préfète du Bas-Rhin était donc compétent au regard des dispositions de l'article précité pour relever appel du jugement. Dès lors la requête d'appel du ministre de l'intérieur, qui n'avait pas qualité pour la faire, est irrecevable.

Sur la requête n° 21NC01229 :

4. Aux termes, d'une part, de l'article L. 3331-2 du code de la santé publique : " Les restaurants qui ne sont pas titulaires d'une licence de débit de boissons à consommer sur place doivent, pour vendre des boissons alcooliques, être pourvus de l'une des deux catégories de licence ci-après : 1° La " petite licence restaurant " qui permet de vendre les boissons du troisième groupe pour les consommer sur place, mais seulement à l'occasion des principaux repas et comme accessoires de la nourriture ; 2° La " licence restaurant " proprement dite qui permet de vendre pour consommer sur place toutes les boissons dont la consommation est autorisée, mais seulement à l'occasion des principaux repas et comme accessoires de la nourriture. Les établissements dont il s'agit ne sont soumis ni aux interdictions mentionnées aux articles L. 3332-1 et L. 3332-2, ni à la réglementation établie en application des articles L. 3335-1, L. 3335-2 et L. 3335-8 ". Il résulte de ces dispositions, applicables en Alsace et en Moselle, que les restaurants non titulaires d'une licence de débit de boissons peuvent obtenir pour vendre des boissons soumises à autorisation soit une " petite licence restaurant " soit une " licence restaurant ".

5. Aux termes, d'autre part, de l'article L. 3332-4-1 du même code, créé par la loi n° 2011-302 du 22 mars 2011 : " Une personne qui veut ouvrir un débit de boissons mentionné aux articles L. 3331-2 ou L. 3331-3 est tenue de faire, dans les conditions prévues aux premier à septième alinéas de l'article L. 3332-3, une déclaration qui est transmise au représentant de l'Etat dans le département conformément au dernier alinéa du même article. Les services de la préfecture de police ou de la mairie lui en délivrent immédiatement un récépissé qui justifie de la possession de la licence de la catégorie sollicitée. (...) ". Ces dispositions instituent un régime déclaratif, dont les dispositions de l'article L. 3332-5 prévoient qu'il n'est pas applicable " (...) dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle, dans lesquels l'article 33 du code local des professions du 26 juillet 1900 reste en vigueur : a) Pour les débits de boissons dont l'ouverture n'est pas interdite par les articles L. 3332-1 et L. 3332-2, pour les hôtelleries et pour le commerce de détail des eaux-de-vie et spiritueux ; b) Pour le transfert ou le retrait d'autorisation des débits de boissons dont l'ouverture est interdite. Les autorisations délivrées en vertu de l'article 33 ne peuvent l'être qu'à des personnes justifiant qu'elles sont françaises ou ressortissantes d'un Etat de l'Union européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen. ". L'article 33 du code local des professions du 26 juillet 1900 en vigueur notamment dans le département du Bas-Rhin et auquel renvoie l'article L. 3332-5 du code de la santé publique prévoit que : " Quiconque veut exploiter une hôtellerie, un débit de boisson ou un commerce au détail d'eau de vie ou de spiritueux doit obtenir une licence (Erlaubnis) à cet effet. Cette licence ne peut être refusée que dans les cas suivants : 1 - Lorsqu'il existe contre le requérant des faits qui permettent de supposer qu'il fera un mauvais usage de sa profession en favorisant l'ivrognerie, les jeux prohibés, le recel ou la débauche ; 2 - Lorsque le local destiné à l'exploitation ne satisfait pas, par sa disposition ou sa situation, aux exigences de la police ".

6. En premier lieu, il résulte des termes mêmes de l'article 33 du code local des professions que la licence qu'il institue ne concerne que les établissements exploitant une hôtellerie, un débit de boissons ou un commerce au détail d'eau de vie ou de spiritueux, sans inclure les commerces de restauration, qui sont des établissements dans lesquels les boissons ne sont servies qu'à l'occasion des principaux repas et comme accessoires de la nourriture, et qui sont régis, ainsi que cela est mentionné au point 2, y compris en Alsace-Moselle, par l'article L. 3331-2 du code de la santé publique.

7. En deuxième lieu, il ne ressort pas des travaux parlementaires préalables à l'adoption de la loi n° 2011-302 du 22 mars 2011 que le législateur, en excluant les départements d'Alsace-Moselle de la procédure déclarative de l'article L. 3332-4-1 du code de la santé publique, tout en les maintenant dans le champ d'application de l'article L. 3331-2, ait entendu étendre celui de l'article 33 du code local des professions tel que défini au point 4 ci-dessus.

8. En troisième lieu, la circonstance que les articles L. 3331-2 et L. 3332-5 du code de la santé publique cités ci-dessus figurent dans une partie du code relative aux débits de boissons ne permet pas de déduire que les restaurants situés en Alsace-Moselle constituent des débits de boissons soumis à l'article 33 du code local des professions. La qualification de débit de boissons ne saurait pas davantage résulter de l'article L. 3331-2 du même code, applicable en Alsace-Moselle, qui ouvre la possibilité à ces établissements de vendre des boissons alcooliques à condition d'être pourvus d'une licence spécifique " petite licence restaurant " ou " licence restaurant ".

9. Enfin, compte tenu de l'absence de valeur règlementaire du guide des débits de boissons élaboré par les services des ministères de la santé et de l'intérieur, la préfète du Bas-Rhin ne peut utilement s'en prévaloir pour soutenir que les restaurants situés en Alsace-Moselle relèveraient du seul code local des professions.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la préfète du Bas-Rhin n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé, au motif de la méconnaissance du champ d'application de la loi, la décision du 2 janvier 2019 par laquelle le préfet du Bas-Rhin a rejeté la demande de " petite licence de restaurant " à M. B... sur le fondement de l'article 33 du code local des professions.

Sur les frais liés aux instances :

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. B... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E

Article 1er : Les requêtes sont rejetées.

Article 2 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à M. B... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... B...

Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 1er mars 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente,

- Mme Roussaux, première conseillère,

- Mme Picque, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 avril 2022.

Le rapporteur,

Signé : S. RoussauxLa présidente,

Signé : V. Ghisu-Deparis

La greffière,

Signé : N. Basso

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N. Basso

2

Nos 21NC01229, 21NC01230


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC01229
Date de la décision : 07/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-05-04 Police. - Polices spéciales. - Police des débits de boissons.


Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Sophie ROUSSAUX
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : SCHMITT

Origine de la décision
Date de l'import : 26/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-04-07;21nc01229 ?
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