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26/04/2022 | FRANCE | N°19NC03305

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 26 avril 2022, 19NC03305


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Chalons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du l'arrêté du 26 juin 2019 par lequel le préfet de l'Aube lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1901831 du 17 octobre 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé l'arrêté du 26 juin 2019 en tant qu'il porte obligation de quitter le territoi

re et qu'il fixe le pays de destination de Mme B....

Procédure devant la cour :

Par u...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Chalons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du l'arrêté du 26 juin 2019 par lequel le préfet de l'Aube lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1901831 du 17 octobre 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé l'arrêté du 26 juin 2019 en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire et qu'il fixe le pays de destination de Mme B....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée sous le n° 1903305, le 14 novembre 2019 le préfet de l'Aube, représenté par Me Ancelet, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 17 octobre 2019 en tant qu'il annule l'obligation de quitter le territoire français et le pays de destination ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté est suffisamment motivé ;

- l'arrêté ne méconnaît pas les dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation sur la capacité de l'intéressée à voyager ; il est étonnant que le tribunal contredise l'avis de l'OFII ; ni les dialyses hebdomadaires ni sa cécité ne l'empêchent de voyager.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 janvier 2020, Mme B..., représentée par Me Gaffuri demande à la cour :

1°) d'infirmer le jugement du 17 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande d'annulation du refus de séjour opposée par le préfet de l'Aube ;

2°) de rejeter la requête en appel ;

3°) d'enjoindre au préfet de réexaminer sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile dans un délai de 15 jours à compter de la décision à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 00° euros à verser à son conseil sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle fait valoir que :

S'agissant du refus de séjour :

- la décision est insuffisamment motivée ;

- elle n'a pas bénéficié d'un examen particulier et approfondi de sa situation ;

- la décision est entachée d'erreur de fait et d'erreur de droit en ce qu'elle ne peut disposer d'un traitement approprié dans son pays ; le préfet n'apporte aucun élément de nature à établir qu'elle pourrait disposer des soins nécessités par son état dans son pays ;

- la décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation et qu'elle ne peut pas voyager sans risque dans son pays d'origine compte tenu de son état de santé ;

S'agissant des décisions portant obligation de quitter le territoire français et le pays de destination :

- les moyens soulevés par le préfet ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 14 mai 2020.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Grossrieder, présidente.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante arménienne, est entrée en France régulièrement le 18 avril 2011. Elle a sollicité le 17 juillet 2018 le renouvellement de son titre de séjour " étranger malade " obtenu depuis le 16 juin 2014. Le préfet de l'Aube a, par un arrêté du 26 juin 2019 refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée. Le préfet de l'Aube relève appel du jugement 17 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé l'arrêté du 26 juin 2019 en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français et fixe le pays de destination. Mme B... par la voie de l'appel incident demande l'annulation du même jugement en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 26 juin 2019 portant refus de séjour.

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :

2. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement opposer une obligation de quitter le territoire français que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans le pays dont l'étranger est originaire et que si ce dernier y a effectivement accès. Toutefois, en vertu des règles gouvernant l'administration de la preuve devant le juge administratif, la partie qui justifie de l'avis d'un collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier l'impossibilité d'éloignement. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié et effectivement accessible dans le pays de renvoi.

4. Dans l'avis qu'il a émis le 1er juillet 2018, préalablement à l'arrêté en litige, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a estimé que si l'état de santé de Mme B... nécessite des soins médicaux dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont elle est originaire, elle peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et voyager sans risque vers ce pays.

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... souffre d'un diabète ayant causé une insuffisance rénale chronique nécessitant des dialyses trois fois par semaine, ainsi que d'une cécité. Toutefois, les certificats médicaux produits à la demande de l'intéressée, ses ordonnances, comptes rendus médicaux, ainsi que les attestations non circonstanciées produites par des amis et membres de la famille de l'intéressée ne permettent pas d'infirmer l'avis du collège de l'OFII dès lors que ces documents ne se prononcent pas précisément sur l'absence des traitements adaptés à la situation de Mme B... dans son pays d'origine ni sur les raisons qui l'empêcheraient de voyager au regard des pathologies dont elle souffre. Il n'est par ailleurs pas établi que les décès de membres de sa famille seraient imputables au système sanitaire de son pays. Dans ces conditions, ces documents ne remettent pas en cause l'appréciation du collège de médecins de l'OFII selon laquelle l'intéressée peut bénéficier des soins qui lui sont nécessaires dans son pays d'origine et y voyager. Dès lors, le préfet de l'Aube, qui n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées et ne s'est pas mépris dans l'appréciation de l'état de santé et de la situation personnelle de l'intéressée, est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont retenu ce motif pour annuler l'arrêté en litige du 26 juin 2019 en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire et qu'il fixe le pays de destination de Mme B....

6. Il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B... tant devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne que devant la cour.

Sur les autres moyens :

7. En premier lieu, la décision attaquée vise les textes dont elle fait application notamment les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle comporte également les considérations de fait qui en constituent le fondement. Ainsi, cette décision, qui ne comporte pas une motivation stéréotypée et qui démontre que le préfet a procédé à un examen particulier de sa situation eu égard aux éléments qui avaient été portés à sa connaissance, comporte une motivation suffisante en droit et en fait mettant à même la requérante de comprendre les raisons pour lesquelles le préfet a refusé de lui délivrer un titre de séjour. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et du défaut d'examen particulier de la situation de l'intéressée doivent être écartés.

8. En deuxième lieu, et eu égard à ce qui a été exposé aux points 4 et 5, les moyens tirés de l'erreur de fait et de l'erreur de droit, au regard des dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile ne sont pas fondés.

8. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

9. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... est entrée en France en 2011. Si ses frères et ses neveux résident en France en situation régulière, Mme B... célibataire sans enfant, n'établit pas ne plus avoir d'attaches dans son pays d'origine, dans lequel elle a vécu jusqu'à l'âge de 52 ans. Elle ne justifie par ailleurs pas d'une intégration particulière dans la société française et comme il a été dit au point 5, en tout état de cause, il n'est pas établi qu'elle ne pourrait pas poursuivre son traitement médical en Arménie. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est pas fondé. Pour les mêmes motifs que, l'arrêté attaqué n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation de Mme B....

10. Il résulte de tout ce qui précède, que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter les conclusions présentées par Mme B... à fin d'injonction.

Sur les frais de l'instance :

11. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le conseil de Mme B... demande au titre des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... le versement de la somme que le préfet de l'Aube demande sur le fondement des mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1901831 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 17 octobre 2019 est annulé.

Article 2 : La demande de Mme B... est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de Mme B... présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Aube.

Délibéré après l'audience du 5 avril 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Grossrieder, présidente de chambre,

Mme Stenger, première conseillère.

Mme Barrois, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 26 avril 2022.

L'assesseure la plus ancienne,

Signé : L. StengerLa présidente-rapporteure,

Signé : S. Grossrieder

La greffière,

Signé : N. Basso

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N. Basso

2

N° 19NC03305


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC03305
Date de la décision : 26/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GROSSRIEDER
Rapporteur ?: Mme Sophie GROSSRIEDER
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : SCP ANCELET DOUCHIN ELIE SAUDUBRAY

Origine de la décision
Date de l'import : 10/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-04-26;19nc03305 ?
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