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28/04/2022 | FRANCE | N°21NC01246

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 5ème chambre, 28 avril 2022, 21NC01246


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... F... et Mme B... F... ont demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler, chacun en ce qui le concerne, les arrêtés du 10 août 2020 par lesquels la préfète de la Haute-Marne leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé leur pays de destination.

Par un jugement n° 2002298-2002299 du 17 décembre 2020, le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leurs demandes.

Procédures devant la

cour :

I/ Par une requête enregistrée le 29 avril 2021 sous le n° 21NC01243, Mme F..., r...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... F... et Mme B... F... ont demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler, chacun en ce qui le concerne, les arrêtés du 10 août 2020 par lesquels la préfète de la Haute-Marne leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé leur pays de destination.

Par un jugement n° 2002298-2002299 du 17 décembre 2020, le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leurs demandes.

Procédures devant la cour :

I/ Par une requête enregistrée le 29 avril 2021 sous le n° 21NC01243, Mme F..., représentée par Me Merger, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 17 décembre 2020 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en ce qui la concerne ;

2°) d'annuler l'arrêté du 10 août 2020 pris à son encontre par la préfète de la Haute-Marne ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Haute-Marne de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans le même délai et sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- l'arrêté n'est pas suffisamment motivé ;

- la préfète a commis une erreur manifeste d'appréciation ;

- la préfète a méconnu les dispositions des articles L. 313-14 et L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur version applicable au litige ;

- la préfète a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'arrêté attaqué méconnaît les articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle et sa famille encourent des risques en cas de retour dans leur pays d'origine ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 juillet 2021, la préfète de la Haute-Marne conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

II/ Par une requête enregistrée le 29 avril 2021 sous le n° 21NC01246, M. F..., représenté par Me Merger, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 17 décembre 2020 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en ce qui le concerne ;

2°) d'annuler l'arrêté du 10 août 2020 pris à son encontre par la préfète de la Haute-Marne ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Haute-Marne de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans le même délai et sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté n'est pas suffisamment motivé ;

- la préfète a commis une erreur manifeste d'appréciation ;

- la préfète a méconnu les dispositions des articles L. 313-14 et L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur version applicable au litige ;

- la préfète a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'arrêté attaqué méconnaît les articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; sa famille et lui encourent des risques en cas de retour dans leur pays d'origine ;

Par un mémoire en défense enregistré le 28 juillet 2021, la préfète de la Haute-Marne conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. et Mme F... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par des décisions en date du 15 avril 2021.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Roussaux a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme F..., de nationalité algérienne, sont entrés en D... à la date déclarée du 6 mars 2016. Leurs demandes d'asile ont été rejetées le 24 janvier 2018 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, décisions confirmées par la Cour nationale du droit d'asile le 31 décembre 2018. Par la suite, M. F... a déposé une demande de certificat de résidence " salarié " le 22 juin 2022. Le 10 août 2020, la préfète de la Haute-Marne a pris à l'encontre de Mme F... une décision portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de destination. Par un second arrêté du même jour, la préfète de la Haute-Marne a pris à l'encontre de M. F... un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de destination. Par deux requêtes enregistrées sous les n° 21NC01243 et 21NC01246, qu'il y a lieu de joindre pour statuer par un seul arrêt, M. et Mme F... relèvent appel du jugement du 17 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.

2. En premier lieu, les arrêtés attaqués comportent les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Ils rappellent les parcours des intéressés depuis leur arrivée en D..., notamment le rejet de leurs demandes d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile. Ils mentionnent également la situation familiale des requérants ainsi que la présence de leurs enfants en D.... La seule circonstance que les arrêtés ne font pas mention pas de la scolarisation de leurs enfants, A... la naissance en D... de deux d'entre eux et du fait que Mme F... effectue régulièrement des emplois d'aide ménagères est sans incidence sur la motivation de ceux-ci. Le moyen tiré de l'absence de motivation doit être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "

4. M. et Mme F... font valoir qu'ils résident depuis près de cinq ans en D... avec leurs enfants, dont deux sont nés en D..., et que leurs enfants nés en 2016 et 2011 sont scolarisés. Ils font également valoir qu'ils sont parfaitement intégrés, que Mme F... effectue régulièrement des prestations d'aide-ménagère et que M. F... est en mesure de s'insérer rapidement en D... puisqu'il dispose d'une promesse d'embauche en qualité d'ouvrier forestier. Enfin, ils se prévalent des activités bénévoles auxquelles ils participent. Toutefois, et malgré leurs efforts pour s'intégrer en D..., leur présence sur le territoire français demeure récente et les deux époux faisant l'objet tous les deux d'une mesure d'éloignement, rien ne s'oppose à ce que la cellule familiale se reconstitue dans leur pays d'origine où M. et Mme F... ont vécu l'essentiel de leur vie et où leurs enfants pourront poursuivre leur scolarité. Par suite, en prenant les décisions attaquées, la préfète de la Haute-Marne n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. et Mme F... au respect de leur vie privée et familiale. Pour les mêmes raisons, les décisions prises par la préfète de la Haute-Marne ne sont pas entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur la situation personnelle des requérants.

5. En troisième lieu, M. et Mme F... ne peuvent utilement se prévaloir des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au litige, dès lors que la situation des ressortissants algériens est exclusivement régie par les stipulations de l'accord franco-algérien. Au surplus, il ne ressort pas des termes de la décision attaquée que le préfet se soit fondé sur les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 précité pour prendre les arrêtés litigieux.

6. En quatrième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 ".

7. D'une part, l'article L. 313-14 précité ne s'applique pas aux ressortissants algériens, dont la situation est régie de manière exclusive par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Par suite, M. et Mme F... ne peuvent utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige.

8. D'autre part, bien que l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ne prévoit pas de modalités d'admission exceptionnelle au séjour semblables à celles prévues à l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, un préfet peut délivrer un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit et il dispose à cette fin d'un pouvoir discrétionnaire pour apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation. Eu égard aux éléments relatifs aux situations de M. et Mme F... rappelés au point 4, en s'abstenant de les faire bénéficier d'une mesure de régularisation, le préfet n'a pas entaché ses décisions d'une erreur manifeste d'appréciation.

9. Enfin, aux termes de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. (...) ". Aux termes de l'article 3 de la même convention : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".

10. Si M. et Mme F... soutiennent encourir des risques en cas de retour dans leur pays d'origine en raison de la menace terroriste, ils n'apportent aucun élément probant à l'appui de leurs allégations alors qu'au demeurant, leurs demandes d'asile ont été rejetées par les autorités compétentes. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur, doivent être écartés.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme F... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction, sous astreinte, ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Les requêtes de M. et Mme F... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... F..., à Mme B... F... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète de la Haute-Marne.

Délibéré après l'audience du 7 avril 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Laubriat, président,

- M. Meisse, premier conseiller,

- Mme Roussaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 avril 2022.

La rapporteure,

signé

S. ROUSSAUXLe président,

signé

A. LAUBRIAT

La greffière,

signé

C. JADELOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

signé

C. JADELOT

2

N°s 21NC01243, 21NC01246


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC01246
Date de la décision : 28/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAUBRIAT
Rapporteur ?: Mme Sophie ROUSSAUX
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : MERGER

Origine de la décision
Date de l'import : 30/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-04-28;21nc01246 ?
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