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19/05/2022 | FRANCE | N°21NC02618

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 19 mai 2022, 21NC02618


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 10 mars 2020 du préfet de l'Aube en tant qu'il a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français.

Par un jugement n° 2002000 du 17 décembre 2020, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 30 septembre 2021, M. B..., représenté par Me Aucher, demande à la

cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 17 décembre 2020 ;

2°)...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 10 mars 2020 du préfet de l'Aube en tant qu'il a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français.

Par un jugement n° 2002000 du 17 décembre 2020, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 30 septembre 2021, M. B..., représenté par Me Aucher, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 17 décembre 2020 ;

2°) à titre principal, d'annuler l'arrêté du 10 mars 2020 du préfet de l'Aube et à titre subsidiaire, d'annuler la décision fixant le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Aube de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à son avocate au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

- elle est insuffisamment motivée en fait en méconnaissance des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ; cette décision est stéréotypée ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen sérieux de sa situation personnelle et familiale ;

- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet a méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation et porte une atteinte disproportionnée à son droit de mener une vie privée et familiale normale ;

- elle contrevient à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation et porte une atteinte disproportionnée à son droit de mener une vie privée et familiale normale ;

- elle contrevient à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée au préfet de l'Aube qui n'a pas produit de mémoire en défense.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 août 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant congolais, originaire de la République démocratique du Congo (RDC), est, selon ses déclarations, entré irrégulièrement sur le territoire français le 9 janvier 2017 afin d'y solliciter la reconnaissance du statut de réfugié, accompagné de son épouse et ses enfants. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 14 septembre 2017, refus confirmé par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 19 septembre 2018. Par un arrêté du 2 novembre 2018, dont la légalité a été confirmée par un arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy par une ordonnance du 29 avril 2019, le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français. L'intéressé n'a pas respecté cette mesure d'éloignement. Le 4 novembre 2019, il a sollicité son admission au séjour sur le fondement de l'article L. 311-12 et L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 10 mars 2020, le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays renvoi et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans. M. B... relève appel du jugement du 17 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté en tant qu'il a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français

Sur la légalité de la décision de refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 de ce code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".

3. L'arrêté comporte de manière suffisamment précise les considérations de droit et de fait, nonobstant les circonstances qu'il n'apporte pas de précisions sur l'état de santé et ainsi que sur le handicap de la fille de M. B.... Par ailleurs, contrairement à ce qu'indique le requérant, le préfet de l'Aube fait bien état de la scolarisation des enfants de l'intéressé en France en soulignant son caractère récent et le fait que rien ne s'oppose à ce qu'elle se poursuive en République démocratique du Congo. Par suite, la décision attaquée, qui n'est pas stéréotypée, est ainsi suffisamment motivée au regard des dispositions citées au point précédent.

4. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier ni des termes de la décision contestée que le préfet de l'Aube n'aurait pas examiné sérieusement la situation personnelle et familiale de M. B.... Par conséquent, le moyen tiré du défaut d'examen particulier de la situation du requérant doit être écarté.

5. Aux termes de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si leur présence constitue une menace pour l'ordre public, une autorisation provisoire de séjour est délivrée aux parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions mentionnées au 11° de l'article L. 313-11, ou à l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. / L'autorisation provisoire de séjour mentionnée au premier alinéa, qui ne peut être d'une durée supérieure à six mois, est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues au 11° de l'article L. 313-11. Cette autorisation provisoire de séjour ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle. Elle est renouvelée pendant toute la durée de la prise en charge médicale de l'étranger mineur, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites ". Aux termes de l'article L. 313-11 de ce même code, " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée. Chaque année, un rapport présente au Parlement l'activité réalisée au titre du présent 11° par le service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ainsi que les données générales en matière de santé publique recueillies dans ce cadre ".

6. Il ressort de l'avis du 17 février 2020 du collège des médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) sur lequel s'est fondé le préfet pour refuser la délivrance du titre de séjour sollicité, que l'état de santé de la fille de M. B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que son état de santé lui permet de voyager sans risque vers son pays d'origine. M. B... se prévaut du fait que sa fille souffre d'un handicap qui se traduit par un retard scolaire et des apprentissages. Toutefois, par les pièces produites, consistant notamment en des attestations médicales du centre médico-psycho-pédagogique (CMPP) de l'Aube du 26 février et du 24 octobre 2019, la notification de la décision de la maison départementale pour les personnes handicapées du 30 août 2018, le certificat médical du 13 octobre 2018, l'accord d'orientation " Ulis " de l'enfant par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées, plusieurs programmations de rendez-vous au CMPP médical et diverses ordonnances, le requérant n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause l'avis du collège de médecins de l'OFII sur lequel s'est fondé le préfet pour prendre la décision contestée. Dès lors, les moyens soulevés par M. B... quant à l'absence d'une prise en charge adaptée du handicap de sa fille dans son pays d'origine et sur son absence de prise en compte par le préfet, sont inopérants à l'encontre de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour. Le requérant n'est par suite pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué a été pris en méconnaissance des dispositions de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile citées au point 4 ni que le préfet de l'Aube a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions.

7. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. /2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ".

8. M. B... fait valoir qu'il réside avec sa famille en France depuis 2016 et que ses cinq enfants y sont scolarisés. Il affirme y avoir transféré le centre de ses intérêts personnels et familiaux. Toutefois, le requérant ne produit aucun document justifiant d'une intégration en France, alors qu'il s'y est maintenu irrégulièrement après le rejet de sa demande d'asile, en dépit d'une première mesure d'éloignement prise à son encontre et qu'il a refusé de quitter le centre d'accueil pour demandeurs d'asile au sein duquel il avait été accueilli malgré la mesure d'expulsion dont il a fait l'objet. Il n'est par ailleurs pas établi qu'il serait dépourvu d'attaches familiales au Congo (RDC), où il a vécu jusqu'à l'âge de 37 ans. En outre, ainsi qu'il a été dit au point 6 du présent arrêt, l'état de santé de la fille du requérant ne justifie pas la délivrance à M. B... d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Enfin, il est constant que son épouse fait également l'objet d'une mesure d'éloignement et que rien ne fait obstacle à ce que sa famille se reconstitue en République démocratique du Congo où ses enfants pourront poursuivre leur scolarisation. Par suite, et alors que le requérant ne peut pas utilement invoquer la méconnaissance de la circulaire du 12 mai 1998, les moyens tirés d'une erreur manifeste d'appréciation et de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés. Pour les mêmes raisons, le moyen tiré de ce que le préfet a commis un erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle et familiale du requérant ne peut être accueilli.

En ce qui concerne la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

9. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 8 du présent arrêt, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'erreur manifeste d'appréciation invoqué à l'encontre de la mesure d'éloignement ne peuvent qu'être écartés.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces deux décisions. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte et celles tendant à l'application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée pour information au préfet de l'Aube.

Délibéré après l'audience du 28 avril 2022, à laquelle siégeaient :

M. Agnel, président,

Mme Stenger, première conseillère,

Mme Roussaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 mai 2022.

La rapporteure,

Signé : L. STENGER Le président,

Signé : M. A...

La greffière,

Signé : C. SCHRAMM

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. SCHRAMM

N° 21NC02618 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC02618
Date de la décision : 19/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. AGNEL
Rapporteur ?: Mme Laurence STENGER
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : AUCHER-FAGBEMI

Origine de la décision
Date de l'import : 31/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-05-19;21nc02618 ?
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