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02/06/2022 | FRANCE | N°21NC03033

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 02 juin 2022, 21NC03033


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 29 juillet 2021 par lequel le préfet des Vosges lui a retiré son attestation de demande d'asile, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2102383 du 22 octobre 2021, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 novembre 2021, M. A..., r

eprésenté par Me Caillol, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 22 octobre 2021;

2°)...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 29 juillet 2021 par lequel le préfet des Vosges lui a retiré son attestation de demande d'asile, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2102383 du 22 octobre 2021, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 novembre 2021, M. A..., représenté par Me Caillol, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 22 octobre 2021;

2°) d'annuler cet arrêté du 29 juillet 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Vosges de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt sous astreinte de cent euros par jour de retard et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans cette attente ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce qu'il ne répond pas à toutes les branches du moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté contesté soulevés dans un mémoire complémentaire ;

- l'auteur de l'arrêté en litige était incompétent pour adopter une telle décision puisqu'il n'est démontré ni que la nomination du titulaire de la délégation de signature avait été régulièrement publiée, ni que l'arrêté de délégation était signé et définitif à la date de la décision en litige ;

- l'arrêté est insuffisamment motivé en fait et en droit en ce qu'il est motivé par référence à la décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), est dépourvu d'éléments circonstanciés et ne précise pas les considérations de droit et de fait ayant justifié son obligation de quitter le territoire français ;

- il est entaché d'un vice de procédure dans la mesure où une procédure préalable contradictoire n'a pas été mise en œuvre en méconnaissance des articles L. 211-2 et L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

- l'arrêté méconnaît les 3° et 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans la mesure où en l'absence de notification de la décision de la CNDA, le préfet ne pouvait lui retirer son attestation de demande d'asile ;

- il est entaché d'une erreur de droit et d'appréciation au regard des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la mesure où le Sénégal n'est pas un pays sûr pour les personnes homosexuelles ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 mars 2022, le préfet des Vosges conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 mai 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., né le 8 janvier 2000 à Fatick (Sénégal), de nationalité sénégalaise, est entré irrégulièrement en France le 30 mars 2019 afin d'y solliciter l'asile. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision du 16 octobre 2020 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), confirmée par une décision du 23 juillet 2021 de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Par un arrêté du 29 juillet 2021, le préfet des Vosges a retiré son attestation de demande d'asile, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 22 octobre 2021 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement :

2. M. A... soutient que la magistrate désignée n'a pas statué sur les branches du moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté contesté, soulevées dans un mémoire complémentaire, à savoir l'absence de preuve de publication régulière du décret de nomination du titre de la délégation de signature, de signature de l'arrêté portant délégation de signature et de justification de son caractère définitif. Les branches de ce moyen étant opérantes, la magistrate désignée était tenue de se prononcer sur l'intégralité du moyen tel qu'il ressortait des dernières écritures produites par le requérant. Il s'ensuit qu'à défaut d'examen de l'intégralité du moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté attaqué, ce jugement est irrégulier et doit être annulé.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Nancy.

Sur la légalité de l'arrêté du 29 juillet 2021 :

4. En premier lieu, l'arrêté en litige est signé par M. C... E..., nommé secrétaire général de la préfecture par un décret du Président de la République du 20 avril 2021 publié au journal officiel du jour suivant, auquel le préfet des Vosges a délégué sa signature à l'effet de signer, notamment, les décisions en matière d'éloignement des étrangers par un arrêté signé par le préfet, du 7 mai 2021, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le même jour. Par ailleurs, il n'est nullement démontré que cette délégation de signature ne serait pas définitive. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté comme manquant en fait.

5. En deuxième lieu, l'arrêté en litige cite notamment le 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et indique que sa demande d'asile a été rejetée en dernier lieu par la CNDA le 23 juillet 2021 et que M. A... n'a pas communiqué d'éléments de nature à remettre en cause ce rejet. La circonstance que cette décision n'était pas encore notifiée au requérant à la date de l'édiction de cet arrêté est sans incidence sur la régularité de la motivation. Le préfet des Vosges, qui n'avait pas à viser toutes les circonstances de fait de la situation de M. A..., a cité les éléments pertinents dont il avait connaissance et qui fondent l'absence de méconnaissance des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable. ". L'article L. 211-2 du même code dispose : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; (...) /4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ; (...) / 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ; (...) "

7. L'étranger qui présente une demande d'asile ne saurait ignorer qu'en cas de rejet de sa demande, il pourra, si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire lui a été définitivement refusé et qu'il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 542-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, faire l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire français prise, comme en l'espèce, sur le fondement du 4° de l'article L. 611-1 de ce code. Il lui appartient, lors du dépôt de sa demande d'asile, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur à la préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles, notamment celles de nature à permettre à l'administration d'apprécier son droit au séjour au regard d'autres fondements que celui de l'asile. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de la reconnaissance de la qualité de réfugié, n'impose pas à l'autorité administrative de le mettre à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise en conséquence du refus définitif de reconnaissance de la qualité de réfugié ou de l'octroi du bénéfice de la protection subsidiaire. Par suite, M. A..., qui, au demeurant, n'apporte aucune précision au sujet des éléments qu'il aurait pu porter à la connaissance de l'administration s'il avait été invité à le faire, n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté en litige serait entaché d'un vice de procédure à ce titre.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ; / 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° ". Aux termes de l'article L. 542-1 du même code : " En l'absence de recours contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin à la notification de cette décision. / Lorsqu'un recours contre la décision de rejet de l'office a été formé dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit du demandeur de se maintenir sur le territoire français prend fin à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ou, s'il est statué par ordonnance, à la date de la notification de celle-ci ". L'article L. 542-3 de ce code dispose : " Lorsque le droit au maintien sur le territoire français a pris fin dans les conditions prévues aux articles L. 542-1 ou L. 542-2, l'attestation de demande d'asile peut être refusée, retirée ou son renouvellement refusé (...) ".

9. Il ressort de ce qui précède que, dans le cas prévu au 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision portant obligation de quitter le territoire français peut être prise si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, soit, lorsque la CNDA a été saisie, à compter de la date de lecture en audience publique de sa décision. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que la décision de la CNDA rejetant la demande d'asile de M. A... a été lue en audience publique le 23 juillet 2021. M. A... ne disposait donc plus, à compter de cette date, du droit de se maintenir sur le territoire français et c'est à bon droit que le préfet lui a retiré son attestation de demande d'asile en application des dispositions précitées de l'article L. 542-1. Dès lors, en tout état de cause, M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'il disposait de l'un des documents mentionnés au 3° de l'article L. 611-1. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet des Vosges a commis une erreur de droit au regard des 3° et 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en lui retirant son attestation de demande d'asile préalablement à la notification de la décision de la CNDA.

10. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

11. S'il ressort des pièces du dossier que le Sénégal n'est pas un pays sûr pour les personnes homosexuelles, la demande d'asile de M. A..., introduite en raison de son orientation sexuelle, a été rejetée tant par l'OFPRA que par la CNDA et le requérant a fourni des réponses très vagues et dénuées de tout élément personnalisé lors de l'audience pourtant organisée à huis clos à la CNDA. Par ailleurs, M. A... n'apporte aucun élément précis et tangible permettant de justifier de son orientation sexuelle. Dans ces conditions, il n'est nullement démontré que M. A... est homosexuel et de ce fait, est susceptible d'être effectivement et personnellement victime de traitement inhumains et dégradants prohibés par les stipulations précitées de l'article 3. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté en litige est entaché d'une erreur de droit et d'appréciation au regard de l'article 3 et, en tout état de cause, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

12. En sixième et dernier lieu, eu égard à ce qu'il vient d'être dit, le moyen tiré de ce l'arrêté en litige est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur la situation personnelle du requérant doit être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté en litige. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2102383 du 22 octobre 2021 de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Vosges.

Délibéré après l'audience du 12 mai 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Samson-Dye, présidente,

Mme Lambing, première conseillère,

Mme Mosser, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 juin 2022.

La rapporteure,

Signé : C. D...La présidente,

Signé : A SAMSON-DYE

La greffière,

Signé : S. BLAISE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

F. LORRAIN

2

N° 21NC03033


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC03033
Date de la décision : 02/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. SAMSON-DYE
Rapporteur ?: Mme Cyrielle MOSSER
Rapporteur public ?: M. BARTEAUX
Avocat(s) : CAILLOL

Origine de la décision
Date de l'import : 07/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-06-02;21nc03033 ?
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