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07/07/2022 | FRANCE | N°21NC03266

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 07 juillet 2022, 21NC03266


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision par laquelle le préfet de l'Aube a rejeté sa demande de renouvellement de son titre de séjour présentée le 25 avril 2019 et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1902336 du 11 juin 2021, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par u

ne requête enregistrée sous le n° 21NC03266 le 14 décembre 2021, M. A..., représenté par Me B...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision par laquelle le préfet de l'Aube a rejeté sa demande de renouvellement de son titre de séjour présentée le 25 avril 2019 et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1902336 du 11 juin 2021, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée sous le n° 21NC03266 le 14 décembre 2021, M. A..., représenté par Me Boumediene-Thiery, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 11 juin 2021 ;

2°) d'annuler la décision par laquelle le préfet de l'Aube a rejeté sa demande de renouvellement de son titre de séjour présentée le 25 avril 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Aube, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention "vie privée et familiale" d'une validité de 10 ans dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, à titre subsidiaire de lui délivrer un titre de séjour pluriannuel "vie privée et familiale" dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- il a été privé de son droit de recours en raison de l'absence de date portée sur la décision contestée ;

- il appartient au juge de respecter le principe du contradictoire et de la communication des pièces résultant des articles 16 et 132 à 137 du code de procédure civile ;

- le rapport administratif établi le 20 juin 2019 ne lui a pas été communiqué, en méconnaissance de son droit à l'information et de son droit au recours ;

- la décision du préfet est entachée d'un défaut d'examen personnalisé, sérieux et approfondi et d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- le préfet s'est abstenu irrégulièrement de consulter la commission du titre de séjour ;

- la décision du préfet méconnaît l'article 2, alinéa 2 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;

- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant.

Le 13 juin 2022 à 14 heures 36, postérieurement à la clôture de l'instruction, le préfet de l'Aube a déposé un mémoire, qui n'a pas été communiqué.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 18 octobre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Goujon-Fischer, premier conseiller,

- et les observations de Me Boumediene, pour M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant marocain, est entré irrégulièrement en France le 15 juin 2004. Le préfet de l'Aube lui a successivement délivré une carte de séjour temporaire " circonstances humanitaires " valable du 22 septembre 2015 au 21 septembre 2016, puis renouvelée jusqu'au 17 juillet 2017, et une carte de séjour pluriannuelle " liens privés et familiaux ", valable du 25 juillet 2017 au 24 juillet 2019. Le 25 avril 2019, M. A... a sollicité du préfet de l'Aube le renouvellement de ce dernier titre de séjour. Par un arrêté non daté, notifié à l'intéressé le 28 août 2019, le préfet de l'Aube a rejeté cette demande au motif de son incompétence territoriale. M. A... relève appel du jugement du 11 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Le principe du caractère contradictoire de la procédure juridictionnelle interdit au juge administratif de se fonder sur des éléments invoqués par une partie sans que les autres parties aient été en mesure d'en prendre connaissance et d'y répondre.

3. Par son arrêté notifié le 28 août 2019 à M. A..., le préfet de l'Aube a rejeté la demande de ce dernier tendant au renouvellement de sa carte de séjour pluriannuelle au motif de son incompétence territoriale après avoir estimé, au vu des conclusions d'un rapport de la gendarmerie nationale du 20 juin 2019, que l'intéressé n'avait pas sa résidence dans le département de l'Aube. Si, pour rejeter la demande de M. A... dirigée contre l'arrêté du préfet, le tribunal s'est fondé sur les conclusions de ce rapport de gendarmerie, citées dans cet arrêté, il ressort des éléments de la procédure conduite devant le tribunal que ce rapport a été produit à l'appui du mémoire en défense du préfet, enregistré le 16 mars 2021 et communiqué à la même date à l'avocat de M. A.... Le tribunal ne s'est donc pas fondé sur un élément qui n'aurait pas été communiqué à M. A.... Ainsi, M. A..., qui ne peut par ailleurs utilement se prévaloir des dispositions des articles 16 et 132 à 137 du code de procédure civile, lesquelles ne sont pas applicables à la procédure suivie devant le juge administratif, n'est pas fondé à soutenir que le principe du caractère contradictoire de la procédure juridictionnelle a été méconnu.

Sur la légalité de l'arrêté notifié le 28 août 2019 :

4. En premier lieu, si M. A... fait valoir que l'arrêté du préfet de l'Aube qu'il conteste ne mentionne pas la date de sa signature, il ne résulte d'aucune disposition législative ou réglementaire ni d'aucun principe que l'arrêté litigieux aurait dû comporter cette mention à peine d'irrégularité. L'absence de cette mention ne saurait avoir privé M. A... de son droit au recours, alors au demeurant que celui-ci a été mis en mesure de contester en temps utile cet arrêté, dont il a reçu régulièrement notification le 28 août 2019.

5. En deuxième lieu, aucun principe, notamment pas le " droit à l'information " dont se prévaut le requérant, non plus que son droit au recours, n'imposait au préfet, préalablement à sa décision, de communiquer à M. A... le rapport de gendarmerie sur lequel il s'est fondé pour estimer que ce dernier ne justifiait pas résider dans le département de l'Aube.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 311-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Le titre de séjour est délivré par le préfet du département dans lequel l'étranger a sa résidence (...) ".

7. M. A... a produit un contrat de bail daté du 9 novembre 2018, concernant la prise en en location d'un appartement comportant un séjour, une chambre, une cuisine, ainsi que des sanitaires et situé 5 rue des écoles à Trainel dans le département de l'Aube. Il produit divers documents à son nom comportant cette même domiciliation, notamment un courrier de sa mutuelle du 11 avril 2019, une facture d'électricité du 31 mai 2019 et un relevé de compte de la Banque postale du 9 août 2019. Cette adresse est également celle qu'il a fait connaître aux services préfectoraux et à laquelle ceux-ci lui ont adressé diverses correspondances. Il produit en outre une attestation de contrat d'électricité établie par Engie en 2021, faisant état de la souscription d'un contrat d'électricité à cette même adresse depuis le 25 septembre 2019, soit à une date postérieure à l'arrêté contesté. M. A... produit également des documents portant l'adresse du 1 rue des écoles à Trainel, en particulier un contrat de travail conclu avec une société ayant son siège à Aubervilliers, daté du 2 juillet 2018, un avis d'imposition 2019 concernant les revenus de 2018 et des attestations de paiement de l'Assurance maladie du 29 août 2018 et 12 septembre 2019.

8. Toutefois, un rapport d'enquête établi par les services de la gendarmerie nationale de Nogent-sur-Seine le 20 juin 2019 sur la base d'une visite effectuée au 5 rue des écoles à Trainel le 17 juin 2019, fait état de ce qu'une voisine occupant une maison mitoyenne depuis janvier 2019 a déclaré n'avoir jamais rencontré ni entendu d'occupant de l'appartement situé à cette adresse, tandis que la boîte à lettres, portant le nom de M. A..., était pleine de documents publicitaires et de courriers, et contenait notamment un courrier situé sur le haut de la pile, émanant de la préfecture de l'Aube, sans que l'intéressé fasse mention d'une absence prolongée pour un quelconque motif. Un récapitulatif de la Banque postale, daté du 11 janvier 2019, porte par ailleurs le nom de M. A... et comme adresse le 1 rue des écoles " chez M. C... ". Enfin, M. A... a produit un contrat de travail à durée indéterminée conclu le 2 juillet 2018 avec la société BA Machines, dont M. C... est le gérant, pour l'occupation d'un emploi à temps plein de technicien de maintenance Chemin de Maucourants à Trainel, alors qu'il ressort d'un courrier de la DIRECCTE du 5 juin 2019 que cette société, en liquidation judiciaire depuis le 5 février 2019, n'a déclaré aucun site sur le territoire de la commune de Trainel.

9. Il ressort de l'ensemble de ces éléments, notamment des constatations de la gendarmerie nationale, de l'attestation d'Engie, faisant état de la souscription d'un contrat d'électricité à l'adresse indiqué par M. A... à compter du 25 septembre 2019 seulement, et des incohérences relevées sur le contrat de travail présenté par l'intéressé, que si celui-ci a déclaré une adresse de domiciliation rue des écoles à Trainel, au 1 ou au 5 de cette rue, il ne justifie pas, en revanche, qu'à la date de la décision du préfet, il avait effectivement sa résidence à l'une ou l'autre de ces adresses, dans cette commune ou dans tout autre commune du département de l'Aube. Par suite, le préfet de l'Aube n'était pas compétent, en vertu de l'article R. 311-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour statuer sur la demande de renouvellement de titre de séjour de M. A....

10. En dernier lieu, dès lors que, pour rejeter la demande de renouvellement de titre de séjour de M. A..., le préfet de l'Aube s'est borné à décliner sa compétence territoriale, sans se prononcer sur le droit au séjour de l'intéressé, les moyens tirés de ce qu'il se serait abstenu irrégulièrement de consulter la commission du titre de séjour, n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. A..., aurait méconnu l'article 2, alinéa 2 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation doivent, en tout état de cause, être écartés comme inopérants.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

12. L'exécution du présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, il y a lieu de rejeter les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par M. A....

Sur les frais liés à l'instance :

13. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

14. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Aube.

Délibéré après l'audience du 16 juin 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Rees, président,

- M. Goujon-Fischer, premier conseiller,

- Mme Barrois, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 juillet 2022.

Le rapporteur,

Signé : J.-F. Goujon-FischerLe président,

Signé : P. Rees

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

2

N° 21NC03266


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21NC03266
Date de la décision : 07/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. REES
Rapporteur ?: M. Jean-François GOUJON-FISCHER
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : BOUMEDIENE THIERY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/08/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-07-07;21nc03266 ?
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