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26/07/2022 | FRANCE | N°19NC02731

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 26 juillet 2022, 19NC02731


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat CGT des agents du service départemental d'incendie et de secours de la Moselle a demandé au tribunal de Strasbourg d'annuler la délibération du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours de la Moselle du 19 décembre 2017 relative à la mise en œuvre du temps de travail des sapeurs-pompiers du service départemental d'incendie et de secours de la Moselle.

Par un jugement n° 1802855 du 2 juillet 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a prononcé l'ann

ulation des dispositions de la délibération du 19 décembre 2017 fixant les moda...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat CGT des agents du service départemental d'incendie et de secours de la Moselle a demandé au tribunal de Strasbourg d'annuler la délibération du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours de la Moselle du 19 décembre 2017 relative à la mise en œuvre du temps de travail des sapeurs-pompiers du service départemental d'incendie et de secours de la Moselle.

Par un jugement n° 1802855 du 2 juillet 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a prononcé l'annulation des dispositions de la délibération du 19 décembre 2017 fixant les modalités du décompte des congés de maladie, mis à la charge du service départemental d'incendie et de secours de la Moselle la somme de 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 30 août 2019, le syndicat CGT des agents du service départemental d'incendie et de secours de la Moselle, représenté par Me Ponseele, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1802855 du tribunal administratif de Strasbourg du 2 juillet 2019 en tant qu'il s'est borné à annuler les dispositions de la délibération du 19 décembre 2017 fixant les modalités du décompte des congés de maladie et a rejeté le surplus des conclusions de la demande ;

2°) d'annuler la délibération du 19 décembre 2017 dans son intégralité ;

3°) de mettre à la charge du service départemental d'incendie et de secours de la Moselle la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement de première instance doit être confirmé en ce qu'il a annulé partiellement la délibération du 19 décembre 2017 au motif que les modalités du décompte des congés de maladie dans le calcul du temps de travail méconnaissent les dispositions de l'article 57 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

- la délibération en litige est entachée d'un vice de procédure dès lors que, d'une part, les membres du conseil d'administration n'ont pas reçu une information suffisante pour délibérer valablement, d'autre part, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail n'a pas été consulté, enfin, les modifications apportées au projet à la suite du dialogue social n'ont pas été porté à la connaissance des membres du comité technique huit jours au moins avant la tenue de la réunion du 19 décembre 2017.

- il existe une contradiction entre la durée annuelle du temps de travail fixée au premier alinéa du point 1 du paragraphe A de la délibération en litige et celle résultant des régimes de garde prévus au point 2 du paragraphe C de cette même délibération ;

- la durée annuelle de travail des sapeurs-pompiers professionnels logés, qui est de 2 544 heures, méconnaît les dispositions de l'article 3 du décret n° 2001-1382 du 31 décembre 2001, relatif au temps de travail des sapeurs-pompiers professionnels ;

- en fixant la durée hebdomadaire du travail effectif (heures supplémentaires comprises) à 48 heures " au cours d'une même semaine ", et non pas au cours de toute période de sept jours, déterminée de manière glissante, les dispositions du point 4 du paragraphe A de la délibération en litige méconnaissent les dispositions de l'article 6 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail et celles de l'article 3 du décret n° 2000-815 du 25 août 2000, relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique de l'Etat et dans la magistrature ;

- les dispositions de la délibération en litige concernant, d'une part, les temps d'habillage et de déshabillage de la garde, d'autre part, le temps consacré à la prise des repas méconnaissent celles de l'article 1er du décret n° 2001-1382 du 31 décembre 2001 ;

- l'institution et le maintien des gardes de 24 heures méconnaissent les dispositions de l'article 3 de la directive 2003/88CE du 4 novembre 2003 consacrées au temps de repos journalier ;

- en permettant au sapeur-pompier concerné, dans le cadre d'une garde de 24 heures, de poursuivre une intervention au-delà de la fin de cette garde, la délibération en litige méconnaît les dispositions de l'article 3 du décret n° 2001-1382 du 31 décembre 2001 concernant le dépassement du temps de travail.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 janvier 2020, le service départemental d'incendie et de secours de la Moselle, représenté par Me Keller, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge du syndicat CGT des agents du service départemental d'incendie et de secours de la Moselle de la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 ;

- le décret n° 85-565 du 30 mai 1985 ;

- le décret n° 85-603 du 10 juin 1985 ;

- le décret n° 85-1250 du 26 novembre 1985 ;

- le décret n° 2000-815 du 25 août 2000 ;

- le décret n° 2001-623 du 12 juillet 2001 ;

- le décret n° 2001-1382 du 31 décembre 2001 ;

- le décret n° 2013-1186 du 18 décembre 2013 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Barteaux, rapporteur public,

- et les observations de Me Ponseele pour le syndicat CGT des agents du service départemental d'incendie et de secours de la Moselle et de Me Hassan pour le service départemental d'incendie et de secours de la Moselle.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 19 décembre 2017, le conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours de la Moselle a adopté le règlement relatif à la mise en œuvre du temps de travail des sapeurs-pompiers du service départemental d'incendie et de secours de la Moselle. Son recours gracieux formé le 11 janvier 2018 ayant été rejeté le 26 février 2018, le syndicat CGT des agents du service départemental d'incendie et de secours de la Moselle a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à l'annulation de cette délibération. Il relève appel du jugement n° 1802855 du 2 juillet 2019, en tant qu'il s'est borné à annuler partiellement la délibération contestée et à rejeter le surplus des conclusions de sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la légalité externe de la délibération du 19 décembre 2017 :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 1424-16 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction alors applicable : " En application de l'article L. 1424-29, le conseil d'administration règle, par ses délibérations, les affaires relatives à l'administration du service départemental d'incendie et de secours. / Il fixe son règlement intérieur, sur proposition de son président. Ce règlement précise les règles générales d'organisation et de fonctionnement du conseil. / Il se réunit sur convocation de son président. Il ne peut valablement délibérer que lorsque la majorité de ses membres en exercice est présente. / (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article 25 du règlement intérieur du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours de la Moselle approuvé par le conseil d'administration le 20 mai 2015 : " Le conseil d'administration se réunit à l'initiative de son président au moins deux fois par semestre. ". Aux termes de l'article 26 de ce même règlement intérieur : " Toute convocation est faite par le président du conseil d'administration. / Elle mentionne le jour, l'heure et le lieu de la réunion. / Elle est adressée avec l'ordre du jour et toutes les pièces disponibles aux membres du conseil d'administration, par écrit à l'adresse indiquée par chacun d'eux. / Le délai de convocation est fixé à cinq jours francs. Ce délai est porté à 12 jours pour les réunions portant sur l'adoption du budget primitif. ".

3. Il ressort des pièces du dossier que les membres du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours de la Moselle, qui s'est réuni le 19 décembre 2017 en vue de l'adoption de la délibération en litige, ont été convoqués le 12 décembre 2017 et qu'ils ont pris connaissance, à cette occasion, en sus de l'ordre du jour, du rapport relatif à la mise en œuvre du temps de travail, lequel était complété par des annexes et par le projet de délibération. Il résulte du procès-verbal de la réunion du conseil d'administration du 19 décembre 2017, dont les mentions font foi jusqu'à preuve du contraire, que les membres du conseil d'administration ont été informés de la teneur du rapport et de l'avis favorable du comité technique émis le jour même. S'il ressort des échanges que ce rapport a été modifié sur quelques points, qui ont donné lieu à un débat devant le comité technique, il ne ressort pas des pièces du dossier que les modifications en cause auraient nécessité, eu égard à leur nature et à leur importance, une information préalable des membres du conseil d'administration, ni que ceux-ci se seraient prononcés sur une version non actualisée du projet de délibération. Dans ces conditions et alors que la délibération en litige prend soin de viser le rapport relatif à la mise en œuvre du temps de travail et l'avis du comité technique du 19 décembre 2017, le syndicat CGT des agents du service départemental d'incendie et de secours de la Moselle n'est pas fondé à soutenir que les membres du conseil d'administration, qui s'est tenu le 19 décembre 2017, n'ont pas bénéficié d'une information suffisante pour délibérer valablement.

4. En deuxième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article 33 de la loi du 26 janvier 1984, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, alors en vigueur : " Les comités techniques sont consultés pour avis sur les questions relatives : 1° A l'organisation et au fonctionnement des services ; 2° Aux évolutions des administrations ayant un impact sur les personnels ; (...) 6° Aux sujets d'ordre général intéressant l'hygiène, la sécurité et les conditions de travail. ". Aux termes de l'article 33-1 de la même loi, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'article 4 de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique : " I.- (...) / En application de l'article L. 723-1 du code de la sécurité intérieure, un comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail est créé dans chaque service départemental d'incendie et de secours par décision de l'organe délibérant, sans condition d'effectifs. / II.- Le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail a pour mission : 1° De contribuer à la protection de la santé physique et mentale et de la sécurité des agents dans leur travail et à l'amélioration des conditions de travail ; 2° De veiller à l'observation des prescriptions légales prises en ces matières. / (...) ". Aux termes de l'article 36 du décret du 10 juin 1985, relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la médecine professionnelle et préventive dans la fonction publique territoriale, alors en vigueur : " Le comité technique est consulté pour avis sur les sujets d'ordre général intéressant l'hygiène, la sécurité et les conditions de travail. / Le comité technique bénéficie du concours du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail dans les matières relevant de sa compétence et peut le saisir de toute question. Il examine en outre les questions dont il est saisi par le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail créé auprès de lui. / (...) ". Aux termes de l'article 38 du même décret, alors en vigueur : " Conformément à l'article 33-1 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée, et sous réserve des compétences des comités techniques mentionnés à l'article 36 du présent décret, le comité [d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail] a pour mission : 1° De contribuer à la protection de la santé physique et mentale et de la sécurité des agents et du personnel mis à la disposition de l'autorité territoriale et placé sous sa responsabilité par une entreprise extérieure ; 2° De contribuer à l'amélioration des conditions de travail, notamment en vue de faciliter l'accès des femmes à tous les emplois et de répondre aux problèmes liés à la maternité ; 3° De veiller à l'observation des prescriptions légales prises en ces matières. ".

5. Il résulte de la combinaison des dispositions précitées des articles 33 et 33-1 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et des articles 36 et 38 du décret du 10 juin 1985, relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la médecine professionnelle et préventive dans la fonction publique territoriale, qu'une question ou un projet ne doit être soumis à la consultation du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail que si le comité technique ne doit pas lui-même être consulté sur la question ou le projet en cause. Par suite, lorsqu'une question ou un projet concerne à la fois l'une des matières relevant des attributions du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail et l'une de celles relevant des attributions du comité technique, seul ce dernier doit être obligatoirement consulté et peut, le cas échéant, saisir le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de toute question qu'il jugerait utile de lui soumettre. Il résulte des dispositions citées ci-dessus de l'article 36 du décret du 10 juin 1985 que l'adoption de la délibération en litige nécessitait la consultation préalable du comité technique. Dans ces conditions, eu égard aux principes qui viennent d'être rappelés, le syndicat CGT des agents du service départemental d'incendie et de secours de la Moselle n'est pas fondé à soutenir que le défaut de consultation préalable du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail a entaché la procédure d'irrégularité.

6. En troisième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article 28 du décret du 30 mai 1985, relatif aux comités techniques des collectivités territoriales et de leurs établissements publics, alors en vigueur : " Toutes facilités doivent être données aux membres des comités pour exercer leurs fonctions. En outre, communication doit leur être donnée de toutes pièces et documents nécessaires à l'accomplissement de leurs fonctions au plus tard huit jours avant la date de la séance. ".

7. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie. L'application de ce principe n'est pas exclue en cas d'omission d'une procédure obligatoire, à condition qu'une telle omission n'ait pas pour effet d'affecter la compétence de l'auteur de l'acte.

8. Il ressort des pièces du dossier, spécialement du procès-verbal de la réunion du comité technique du 19 décembre 2017, que le vote sur le projet de délibération, initialement inscrit à l'ordre du jour de la séance du comité technique du 24 novembre 2017, a été repoussé au 19 décembre 2017 afin de tenir compte des observations émises à cette occasion par les représentants du personnel et de permettre aux organisations syndicales concernées de formuler éventuellement, au plus tard le 15 décembre 2017, des propositions d'amendement au texte initial. Il est constant que chacune de ces propositions et la réponse apportée par l'administration, qui indique avoir émis un avis favorable ou modifié en conséquence son projet dans 40 % des cas, ont été portées à la connaissance des membres du comité technique lors de la séance du 19 décembre 2017. S'il est vrai que ces éléments n'ont pas été communiqués aux intéressés au plus tard huit jours avant la tenue de cette réunion, ainsi que le prévoient les dispositions du premier alinéa de l'article 28 du décret du 30 mai 1985, il ne ressort pas des pièces du dossier que les modifications en cause, dont la teneur était connue des organisations syndicales qui en étaient à l'origine, auraient eu pour effet de modifier de façon substantielle le texte examiné et débattu lors de la séance du 24 novembre 2017. Dans ces conditions, cette irrégularité n'étant pas susceptible, dans les circonstances de l'espèce, de priver les membres du comité technique d'une garantie ou d'exercer une influence sur le sens de l'avis rendu, elle n'est pas de nature à entacher d'illégalité pour vice de procédure la délibération en litige.

En ce qui concerne la légalité interne de la délibération du 19 décembre 2017 :

9. En premier lieu, aux termes, d'une part, du premier alinéa de l'article 7-1 de la loi du 26 janvier 1984, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction alors applicable : " Les règles relatives à la définition, à la durée et à l'aménagement du temps de travail des agents des collectivités territoriales et des établissements publics mentionnés au premier alinéa de l'article 2 sont fixées par la collectivité ou l'établissement, dans les limites applicables aux agents de l'Etat, en tenant compte de la spécificité des missions exercées par ces collectivités ou établissements. ". Aux termes de l'article 1er du décret du 12 juillet 2001, pris pour l'application de cet article et relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique territoriale : " Les règles relatives à la définition, à la durée et à l'aménagement du temps de travail applicables aux agents des collectivités territoriales et des établissements publics en relevant sont déterminées dans les conditions prévues par le décret du 25 août 2000 susvisé sous réserve des dispositions suivantes. ". Aux termes du deuxième alinéa de l'article 1er du décret du 25 août 2000, relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique de l'Etat et dans la magistrature : " Le décompte du temps de travail est réalisé sur la base d'une durée annuelle de travail effectif de 1 607 heures maximum, sans préjudice des heures supplémentaires susceptibles d'être effectuées ".

10. Aux termes, d'autre part, de l'article 1er du décret du 31 décembre 2001 relatif au temps de travail des sapeurs-pompiers professionnels : " La durée de travail effectif des sapeurs-pompiers professionnels est définie conformément à l'article 1er du décret du 25 août 2000 susvisé auquel renvoie le décret du 12 juillet 2001 susvisé (...). ". Aux termes de l'article 2 du même décret : " La durée de travail effectif journalier définie à l'article 1er ne peut pas excéder 12 heures consécutives. Lorsque cette période atteint une durée de 12 heures, elle est suivie obligatoirement d'une interruption de service d'une durée au moins égale ". Aux termes des premiers et deuxièmes alinéas de l'article 3 du même décret : " Par dérogation aux dispositions de l'article 2 relatives à l'amplitude journalière, une délibération du conseil d'administration du service d'incendie et de secours peut, eu égard aux missions des services d'incendie et de secours et aux nécessités de service, et après avis du comité technique, fixer le temps de présence à vingt-quatre heures consécutives. / Dans ce cas, le conseil d'administration fixe une durée équivalente au décompte semestriel du temps de travail, qui ne peut excéder 1 128 heures sur chaque période de six mois. ".

11. Il ressort des pièces du dossier que la délibération en litige, après avoir fixé la durée annuelle du temps de travail effectif au service départemental d'incendie et de secours de la Moselle à 1 593 heures, a prévu qu'une partie des sapeurs-pompiers professionnels en garde dans les unités opérationnelles devront effectuer, dans l'année, soixante-cinq gardes de 24 heures et quarante gardes de 12 heures, soit un total de 2 040 heures. Toutefois, si le temps de présence des agents concernés ne saurait excéder 1 128 heures par semestre, soit 2 258 heures par an, ainsi que le prévoit la délibération en litige, il est loisible à l'autorité administrative, conformément aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 3 du décret du 31 décembre 2001, d'instituer un temps d'équivalence à la durée annuelle de travail effectif, ce temps d'équivalence constituant un mode particulier de comptabilisation du travail effectif pour les sapeurs-pompiers professionnels, astreints à des gardes de 24 heures, qui consiste à prendre en compte la totalité des heures de présence, tout en leur appliquant un mécanisme de pondération tenant à la moindre intensité du travail fourni pendant les périodes d'inaction. Par suite, le syndicat CGT des agents du service départemental d'incendie et de secours de la Moselle n'est pas fondé à soutenir que la délibération en litige serait entachée d'une illégalité en raison d'une contradiction entre les dispositions du premier alinéa du point 1 du paragraphe A de la délibération en litige concernant la durée annuelle du travail et celles du point 2 du paragraphe C concernant les régimes de garde.

12. En deuxième lieu, aux termes de l'article 1er de la directive n° 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail : " 1. La présente directive fixe des prescriptions minimales de sécurité et de santé en matière d'aménagement du temps de travail. / 2. La présente directive s'applique : a) (...) à la durée maximale hebdomadaire de travail (...) ". Aux termes de l'article 2 de cette même directive : " Aux fins de la présente directive, on entend par : 1. "temps de travail" : toute période durant laquelle le travailleur est au travail, à la disposition de l'employeur et dans l'exercice de son activité ou de ses fonctions, conformément aux législations et/ou pratiques nationales ; (...) ". Aux termes de l'article 2 du décret du 25 août 2000 : " La durée du travail effectif s'entend comme le temps pendant lequel les agents sont à la disposition de leur employeur et doivent se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles. ".

13. Doivent être qualifiées dans leur intégralité de " temps de travail ", au sens du point 1 de l'article 2 de la directive n°2003/88/CE du 4 novembre 2003, les périodes d'astreinte, au cours desquelles les contraintes imposées au travailleur sont d'une nature telle qu'elles affectent objectivement et très significativement la faculté, pour ce dernier, de gérer librement, au cours de ces périodes, le temps pendant lequel ses services professionnels ne sont pas sollicités et de consacrer ce temps à ses propres intérêts. Inversement, lorsque les contraintes imposées au travailleur au cours d'une période de garde déterminée n'atteignent pas un tel degré d'intensité et lui permettent de gérer son temps et de se consacrer à ses propres intérêts sans contraintes majeures, seul le temps lié à la prestation de travail qui est, le cas échéant, effectivement réalisée au cours d'une telle période constitue du " temps de travail ", aux fins de l'application de la directive n°2003/88/CE du 4 novembre 2003. Afin d'apprécier si une période d'astreinte génère, objectivement, des contraintes majeures ayant un impact très significatif sur la gestion, par le travailleur concerné, du temps pendant lequel ses services professionnels ne sont pas sollicités, il convient d'avoir égard, plus particulièrement, au délai dont dispose ce travailleur pour reprendre ses activités professionnelles auprès de l'employeur pour lequel il effectue cette garde à compter du moment où celui-ci le sollicite, conjugué, le cas échéant, à la fréquence moyenne des interventions que ledit travailleur sera effectivement appelé à assurer au cours de cette période.

14. En se bornant à faire valoir qu'une partie des sapeurs-pompiers logés sont tenus, en sus des gardes, d'effectuer dans l'année vingt-et-une astreintes de 24 heures, sans préciser en quoi les contraintes imposées aux intéressés au cours de ces périodes présenteraient un degré d'intensité tel qu'elles affecteraient objectivement et significativement leur faculté de gérer librement le temps pendant lequel leurs services professionnels ne sont pas sollicités et de consacrer ce temps à leurs propres intérêts, le syndicat CGT des agents du service départemental d'incendie et de secours de la Moselle ne démontre pas que le temps de présence des agents concernés serait supérieur au montant maximal de 1 128 heures par semestre fixé par le deuxième alinéa de l'article 3 du décret du 31 décembre 2001.

15. En troisième lieu, aux termes de l'article 6 de la directive n°2003/88/CE du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail : " Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que, en fonction des impératifs de protection de la sécurité et de la santé des travailleurs, (...) la durée moyenne de travail pour chaque période de sept jours n'excède pas quarante-huit heures, y compris les heures supplémentaires. ". Aux termes du premier paragraphe de l'article 3 du décret du 25 août 2000 : " L'organisation du travail doit respecter les garanties minimales ci-après définies. / La durée hebdomadaire du travail effectif, heures supplémentaires comprises, ne peut excéder ni quarante-huit heures au cours d'une même semaine, ni quarante-quatre heures en moyenne sur une période quelconque de douze semaines consécutives et le repos hebdomadaire, comprenant en principe le dimanche, ne peut être inférieur à trente-cinq heures. / (...) ".

16. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la notion de " semaine " mentionnée au premier alinéa du point 4 du paragraphe A de la délibération en litige, qui reprend le deuxième alinéa du premier paragraphe de l'article 3 du décret du 25 août 2000, doive être regardée comme correspondant à la " semaine civile ". Par suite, alors qu'il y a lieu d'interpréter les dispositions en cause à la lumière de l'article 6 de la directive n°2003/88/CE du 4 novembre 2003, qui se réfère à " la durée moyenne de travail pour chaque période de sept jours ", déterminée de façon glissante, le syndicat CGT des agents du service départemental d'incendie et de secours de la Moselle n'est pas fondé à soutenir que la délibération en litige serait illégale en ce qu'elle prévoit que la durée hebdomadaire du travail effectif (heures supplémentaires comprises) ne peut excéder 48 heures " au cours d'une même semaine ".

17. En quatrième lieu, aux termes de l'article 1er du décret du 31 décembre 2001 : " La durée de travail effectif des sapeurs-pompiers professionnels est définie conformément à l'article 1er du décret du 25 août 2000 susvisé auquel renvoie le décret du 12 juillet 2001 susvisé et comprend : 1. Le temps passé en intervention ; 2. Les périodes de garde consacrées au rassemblement qui intègre les temps d'habillage et déshabillage, (...) aux pauses destinées à la prise de repas ; (...) ". Aux termes des troisièmes et quatrièmes alinéas de l'article 3 du même décret : " Lorsque la durée du travail effectif s'inscrit dans un cycle de présence supérieur à 12 heures, la période définie à l'article 1er n'excède pas huit heures. Au-delà de cette durée, les agents ne sont tenus qu'à accomplir les interventions. / Ce temps de présence est suivi d'une interruption de service d'une durée au moins égale. ".

18. Il résulte des dispositions du quatrième alinéa du point 1 du paragraphe A de la délibération en litige que, " concernant la durée du temps de travail des sapeur-pompiers professionnels, elle comprend : (...) les périodes de garde consacrées au rassemblement qui intègrent les temps d'habillage et de déshabillage (...) ". Par suite et alors même que les dispositions du point 3 du paragraphe C de cette même délibération, consacrées à l'" organisation des journées de garde et de travail " et celles du point 4 de ce même paragraphe, intitulé " proposition d'organisation d'une journée type de garde ", se bornent à mentionner les " temps d'habillage et les temps de rassemblement ", sans faire état expressément des " temps de déshabillage ", le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 1er du décret du 31 décembre 2001 ne peut qu'être écarté.

19. En cinquième lieu, aux termes du quatrième alinéa du point 1 du paragraphe A de la délibération du 19 décembre 2017 : " (...) La durée du temps de travail des sapeur-pompiers professionnels (...) comprend : (...) les pauses destinées à la prise des repas (...) ". Et aux termes du point 3 du paragraphe C de cette même délibération : " L'organisation des journées de garde est laissée à la diligence de l'encadrement des centres. Il doit, en toute intelligence, assurer les actions de la journée de garde, dans un ordre de priorité en fonction de l'activité opérationnelle. Au-delà de ces créneaux d'activité les agents sont en veille opérationnelle. / (...) / Dans le cadre de l'organisation de la journée de travail, les encadrant devront avoir à l'esprit l'articulation prioritaire des séquences suivantes : les temps d'habillage et les temps de rassemblement (30 min) ; les temps de vérification des matériels (30 min) les temps de FARL et manœuvre de la garde (1h30) ; les temps de travaux dans les services (3h) ; les temps d'aptitude sportive (1h30). / Le temps de garde active ne peut excéder 7h au cours d'une garde et la totalité des séquences prévues ne peuvent être assurées par les agents ayant été engagés en opération. Quel que soit l'activité opérationnelle, l'ensemble des personnels doit bénéficier d'une pause d'au moins 45 minutes pour le repas. ".

20. Il ne résulte pas de ces dispositions que la durée des séquences susceptibles de constituer le temps de garde active au cours d'une même période de garde présenterait un caractère impératif. Dans ces conditions, si le syndicat CGT des agents du service départemental d'incendie et de secours de la Moselle fait valoir que, au cours d'une garde de 24 heures, les sapeurs-pompiers professionnels concernés seront amenés à prendre deux pauses de quarante-cinq minutes pour le repas, une telle circonstance n'est pas, par elle-même, de nature porter le temps de travail effectif au cours d'une même période de garde à un niveau supérieur à huit heures, en méconnaissance des dispositions du troisième alinéa de l'article 3 du décret du 31 décembre 2001 citées au point 17 du présent arrêt. Par suite, il y a lieu d'écarter ce moyen.

21. En sixième lieu, aux termes de l'article 3 de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 : " Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie, au cours de chaque période de vingt-quatre heures, d'une période minimale de repos de onze heures consécutives. ". Aux termes de l'article 17 de cette même directive : " 2. Les dérogations prévues aux paragraphes 3, 4 et 5 peuvent être adoptées par voie législative, réglementaire et administrative ou par voie de conventions collectives ou d'accords conclus entre partenaires sociaux, à condition que des périodes équivalentes de repos compensateur soient accordées aux travailleurs concernés ou que, dans des cas exceptionnels dans lesquels l'octroi de telles périodes équivalentes de repos compensateur n'est pas possible pour des raisons objectives, une protection appropriée soit accordée aux travailleurs concernés. / 3. Conformément au paragraphe 2 du présent article, il peut être dérogé aux articles 3, 4, 5, 8 et 16 : (...) c) pour les activités caractérisées par la nécessité d'assurer la continuité du service ou de la production, notamment lorsqu'il s'agit : (...) iii) des services de presse, de radio, de télévision, de productions cinématographiques, des postes ou télécommunications, des services d'ambulance, de sapeurs-pompiers ou de protection civile ; / (...) ".

22. Il résulte des dispositions du deuxième paragraphe et du iii) du c) du troisième paragraphe de l'article 17 de la directive n°2003/88/CE du 4 novembre 2003 que la possibilité de déroger aux règles applicables en matière de repos journalier, sous réserve de prévoir des périodes équivalentes de repos compensateur, s'applique aux sapeurs-pompiers et que, s'agissant d'une activité caractérisée par la nécessité d'assurer la continuité du service, eu égard aux missions d'incendie et de secours, le recours à une telle dérogation n'a pas à être justifié par la survenance de circonstances exceptionnelles. Dans ces conditions, dès lors qu'elles sont suivies d'une période équivalente de repos compensateur, le maintien par la délibération en litige des gardes de 24 heures n'est pas contraire aux dispositions de l'article 2 de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003. Par suite et alors que les troisième et quatrième alinéas de l'article 3 du décret du 31 décembre 2001, mentionnés au point 17 du présent arrêt, prévoient que tout cycle de présence d'une durée supérieure à 12 heures doit être " suivi d'une interruption de service d'une durée au moins égale ", ce moyen ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté.

23. En septième et dernier lieu, contrairement à ce que soutient le syndicat CGT des agents du service départemental d'incendie et de secours de la Moselle, la délibération en litige, en prévoyant, au point 2 de son paragraphe C, que, " dans le cadre des activités opérationnelles, pour tout dépassement horaire d'une intervention se prolongeant au-delà de la fin de garde, les heures sont décomptées du temps de travail annuel ", ne contrevient pas aux dispositions précitées du troisième alinéa de l'article 3 du décret du 31 décembre 2001 selon lesquelles, au-delà de huit heures de travail effectif au cours d'une même période de garde, " les agents ne sont tenus qu'à accomplir les interventions ". Par suite, ce dernier moyen ne peut être accueilli.

24. Il résulte de tout ce qui précède que le syndicat CGT des agents du service départemental d'incendie et de secours de la Moselle n'est pas fondé à demander l'annulation de la délibération du 19 décembre 2017 dans son intégralité, ni à soutenir que s'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg s'est borné à annuler les dispositions de cette délibération concernant le décompte des congés de maladie et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Sur les frais de justice :

25. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge du service départemental d'incendie et de secours de la Moselle, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme réclamée par le syndicat CGT des agents du service départemental d'incendie et de secours de la Moselle. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par le défendeur en application de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête du syndicat CGT des agents du service départemental d'incendie et de secours de la Moselle est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le service départemental d'incendie et de secours de la Moselle en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat CGT des agents du service départemental d'incendie et de secours de la Moselle et au service départemental d'incendie et de secours de la Moselle.

Délibéré après l'audience du 5 juillet 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Wurtz, président de de la chambre,

- M. Meisse, premier conseiller,

- M. Marchal, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 juillet 2022.

Le rapporteur,

Signé : E. A...

Le président,

Signé : C. WURTZ

Le greffier,

Signé : F. LORRAIN

La République mande et ordonne au préfet de la Moselle, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

N° 19NC02731 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC02731
Date de la décision : 26/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: M. BARTEAUX
Avocat(s) : M et R AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-07-26;19nc02731 ?
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