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27/09/2022 | FRANCE | N°21NC00151

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 27 septembre 2022, 21NC00151


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 12 mai 2020 par lequel la préfète de la Haute-Saône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il serait renvoyé et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2001161 du 12 novembre 2020, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande

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Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 janvier 2021, M. B..., r...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 12 mai 2020 par lequel la préfète de la Haute-Saône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il serait renvoyé et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2001161 du 12 novembre 2020, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 janvier 2021, M. B..., représenté par la selarl Abdelli-Alves, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 12 novembre 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 12 mai 2020 pris à son encontre par la préfète de la Haute-Saône ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Haute-Saône de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans le même délai et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour, sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 200 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la préfète de la Haute-Saône n'établit pas que les actes d'état civil qu'il a produits pour justifier de son état-civil et de son identité seraient des faux ;

- la préfète de la Haute-Saône a entaché sa décision de refus de séjour d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- les décisions portant obligation de quitter le territoire, fixant le pays de destination et l'interdisant de retour sur le territoire français pour une durée d'un an doivent être annulées par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 juin 2021, la préfète de la Haute-Saône conclut, à titre principal, au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, à enjoindre au réexamen de la situation administrative du requérant et à limiter la somme mise à la charge de l'Etat au titre des frais d'instance à 300 euros.

Elle soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 février 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Picque, première conseillère,

- et les observations de M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant malien, qui déclare être né le 15 février 2002 et être entré en France le 5 septembre 2018, a été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance du département de la Haute-Saône par une ordonnance de placement provisoire du substitut du procureur au tribunal de grande instance de Grenoble du 24 septembre 2018 puis par une décision de la juge des tutelles des mineurs du tribunal de grande instance de Vesoul du 15 octobre 2018, jusqu'à sa majorité. Le 18 décembre 2019, l'intéressé a présenté une demande de titre de séjour. Par un arrêté du 12 mai 2020, la préfète de la Haute-Saône a refusé de l'admettre exceptionnellement au séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire pour une période d'un an. M. B... relève appel du jugement du 12 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la décision de refus de titre de séjour :

2. Aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé ".

3. Pour refuser d'admettre exceptionnellement au séjour M. B... sur le fondement de ces dispositions, la préfète de la Haute-Saône, après avoir indiqué que l'intéressé était scolarisé en première année de CAP " électricité " depuis la rentrée 2019, s'est fondée sur le fait que son état-civil n'est pas établi, qu'il entretient des liens avec les membres de sa famille dans son pays d'origine et qu'il n'est pas intégré au sein de la société française.

4. En premier lieu, aux termes de l'article R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente les documents justifiant de son état civil et de sa nationalité et, le cas échéant, de ceux de son conjoint, de ses enfants et de ses ascendants ". En vertu de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. (...) ". L'article 47 du code civil dispose que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".

5. Ces dispositions posent une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère. Cependant, la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

6. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.

7. Il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui de sa demande de titre de séjour, M. B... a produit l'extrait conforme du jugement supplétif n° 05683 tenant lieu d'acte de naissance du tribunal de grande instance de Bamako du 17 juillet 2017 ainsi que le volet n° 3 de l'acte de naissance n° 04509 portant transcription de ce jugement du 26 juillet 2017, auquel était également joint un extrait et une copie littérale de cet acte de naissance des 27 juillet et 20 novembre 2017.

8. Pour contester l'authenticité de ces actes, la décision de refus de titre de séjour en litige se fonde sur le rapport de l'analyse technique réalisée le 14 novembre 2018 par le service territorial de Pontarlier de la police aux frontières. Ce rapport, pour conclure à l'existence de contrefaçons, se borne à relever que les mentions pré-imprimées sont issues d'une impression toner " alors qu'un document authentique est en offset ", que plusieurs mentions ne sont pas renseignées sur l'acte de naissance et que seul un extrait conforme et non l'original du jugement supplétif est produit. Alors que l'autorité administrative ne fournit aucun élément sur la qualité des supports des actes d'état civil maliens, les sécurités qu'ils doivent comporter et la façon dont ils doivent être complétés selon la réglementation malienne applicable, ces seuls éléments ne sont pas de nature à établir que les documents produits par M. B... seraient falsifiés ni, au demeurant, que les mentions qui y sont inscrites seraient inexactes. Ceux-ci font donc foi, en application de l'article 47 du code civil auquel renvoie l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

9. En second lieu, lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation ainsi portée.

10. Il est constant que lorsque M. B... a été pris en charge par l'aide sociale à l'enfance il était âgé de seize ans et six mois et qu'à la date de la décision attaquée il suivait une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle depuis plus de six mois. Les bulletins de notes produits montrent qu'au cours de sa première année de CAP (2019-2020), l'intéressé a obtenu des appréciations valorisantes et de très bons résultats, qu'il a au surplus confirmés postérieurement à la décision attaquée en obtenant son diplôme au mois de juin 2021. Par ailleurs, si M. B... a conservé des liens avec sa mère au Mali, les dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'exigent pas que le demandeur soit isolé dans son pays d'origine. En revanche, il ressort des pièces du dossier, et en particulier de la note d'information de l'AFSAME du 14 décembre 2018 adressée au conseil départemental de la Haute-Saône, du signalement adressé par le président du département au parquet de Vesoul le 25 janvier 2019 et de l'enquête administrative réalisée au mois de mars 2020 que, durant sa première année en France, le requérant a tenu des propos méprisant envers les femmes, refusant parfois d'être en contact avec du personnel féminin, et a fait primer sa pratique religieuse sur ses obligations scolaires. Dans ces conditions, compte tenu de cette attitude peu compatible avec une insertion dans la société française, et malgré l'avis favorable de la structure qui l'accueillait depuis la rentrée 2019 et les témoignages de ses professeurs de CAP sur l'évolution positive de son comportement, c'est sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation que le préfet, dans le cadre du large pouvoir discrétionnaire dont il dispose, a pu refuser d'admettre le requérant exceptionnellement au séjour sur le fondement des dispositions de l'article précité.

Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français, fixant le pays de destination et portant interdiction de retour :

11. Il résulte de ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à demander l'annulation par voie de conséquences de ces décisions.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 novembre 2020 de la préfète de la Haute-Saône. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète de la Haute-Saône.

Délibéré après l'audience du 5 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente,

- Mme Samson-Dye, présidente assesseure,

- Mme Picque, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 septembre 2022.

La rapporteure,

Signé : A.-S. PicqueLa présidente,

Signé : V. Ghisu-Deparis

La greffière,

Signé : M. A...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

M. A....

2

N° 21NC00151


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC00151
Date de la décision : 27/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Anne-Sophie PICQUE
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : ABDELLI - ALVES

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-09-27;21nc00151 ?
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