La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/09/2022 | FRANCE | N°21NC02974

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 29 septembre 2022, 21NC02974


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 2 juillet 2021 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2101389 du 21 octobre 2021, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 novembre 2021, M. A..., rep

résenté par la SELARL Abdelli et Alves, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribuna...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 2 juillet 2021 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2101389 du 21 octobre 2021, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 novembre 2021, M. A..., représenté par la SELARL Abdelli et Alves, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 21 octobre 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 2 juillet 2021 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;

3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, à défaut, dans ce même délai, de procéder au réexamen de sa situation personnelle et, dans chaque cas, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 200 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision de refus de séjour est entachée d'une erreur de fait alors qu'il n'a pas eu connaissance du rapport de la police aux frontières de septembre 2020 sur lequel le préfet s'est fondé pour décider que les actes d'état civil produits étaient dépourvus d'authenticité ;

- le préfet du Doubs a méconnu l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire est illégale par voie de conséquence de l'illégalité entachant la décision de refus de séjour ;

- la décision fixant le pays de renvoi est illégale par voie de conséquence de l'illégalité entachant la décision portant obligation de quitter le territoire.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 novembre 2021, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 23 novembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret 2020-1370 relatif à la légalisation des actes publics établis par une autorité étrangère ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Barrois, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... A..., ressortissant guinéen, qui déclare être né le 6 août 2002 et être entré en France le 1er octobre 2018, a été pris en charge par l'aide sociale à l'enfance du département du Doubs à compter du 22 janvier 2019. Le 20 juillet 2020, l'intéressé a déposé une demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15, désormais codifié à l'article L. 435-3, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et à défaut sur le 7° de l'article L. 313-11 de ce même code. Par un arrêté du 2 juillet 2021, dont M. A... demande l'annulation, le préfet du Doubs a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. A... relève appel du jugement du 21 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. Aux termes de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, se substituant à compter du 1er mai 2021 à l'article L. 313-15 du même code : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable ".

3. Lorsqu'il examine une demande de titre de séjour portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans le cadre de l'admission exceptionnelle au séjour, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans et qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle. Disposant d'un large pouvoir d'appréciation, il doit ensuite prendre en compte la situation de l'intéressé appréciée de façon globale au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient seulement au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation qu'il a portée.

4. D'une part, aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : 1° les documents justifiant de son état civil ; 2° les documents justifiant de sa nationalité ; (...) ". L'article L. 811-2 du même code prévoit que la vérification des actes d'état civil étrangers doit être effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. Ce dernier article dispose quant à lui que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Aux termes de l'article 16 de la loi du 23 mars 2019 susvisée : " (...) II. - Sauf engagement international contraire, tout acte public établi par une autorité étrangère et destiné à être produit en France doit être légalisé pour y produire effet. / La légalisation est la formalité par laquelle est attestée la véracité de la signature, la qualité en laquelle le signataire de l'acte a agi et, le cas échéant, l'identité du sceau ou timbre dont cet acte est revêtu (...) ". Aux termes de l'article 3 du décret du 10 novembre 2020 relatif à la légalisation des actes publics établis par une autorité étrangère : " I. - L'ambassadeur ou le chef de poste consulaire français peut légaliser : / 1° Les actes publics émis par les autorités de son Etat de résidence, légalisés le cas échéant par l'autorité compétente de cet Etat ; (...) ". Aux termes de l'article 4 du même décret : " Par dérogation au 1° du I de l'article 3, peuvent être produits en France ou devant un ambassadeur ou chef de poste consulaire français : / 1° Les actes publics émis par les autorités de l'Etat de résidence dans des conditions qui ne permettent manifestement pas à l'ambassadeur ou au chef de poste consulaire français d'en assurer la légalisation, sous réserve que ces actes aient été légalisés par l'ambassadeur ou le chef de poste consulaire de cet Etat en résidence en France. / Le ministre des affaires étrangères rend publique la liste des Etats concernés ; (...) ".

5. D'autre part, l'article 47 du code civil pose une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère dans les formes usitées dans ce pays. Il incombe donc à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question. Toutefois, en l'absence de convention internationale contraire, les copies ou extraits d'actes d'état civil établis par les autorités étrangères doivent, selon la coutume internationale, être légalisés pour recevoir effet en France. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

6. En l'espèce, il résulte des dispositions de l'article 4 du décret du 10 novembre 2020 relatif à la légalisation des actes publics établis par une autorité étrangère ainsi que du tableau récapitulatif de l'état actuel du droit conventionnel en matière de légalisation en date du 7 juin 2022, que les actes publics émis par les autorités de la République de Guinée dans des conditions qui ne permettent manifestement pas à l'ambassadeur ou au chef de poste consulaire français d'en assurer la légalisation peuvent être légalisés par l'ambassadeur ou le chef de poste consulaire de cet Etat en résidence en France. Il en résulte que la légalisation effectuée par Mme B..., chargée des affaires financières et consulaires au sein de l'ambassade, pour laquelle l'ambassadeur de Guinée en France a attesté le 9 juin 2020 qu'elle était habilitée à signer et à légaliser les actes d'état civil, est régulière.

7. Pour établir son identité et son âge, M. A... a produit un jugement supplétif établi le 3 avril 2019 par le tribunal de première instance de Conakry ainsi que sa transcription sur les registres de l'état civil guinéen tous deux légalisés le 9 septembre 2021 par l'ambassade de Guinée en France, une carte consulaire valable du 9 septembre 2021 au 9 septembre 2023 ainsi qu'un récépissé de demande de passeport en date du 6 mars 2022. Par suite, la circonstance que le rapport de la police aux frontières de Pontarlier du 1er septembre 2020 qui a émis un avis défavorable sur la valeur probante des documents au seul motif qu'ils étaient dans l'impossibilité de déterminer l'origine de ces documents en raison de la mauvaise qualité du matériel utilisé, de l'absence de sécurité documentaire et d'une fraude généralisée qui existerait en Guinée sans toutefois apporter d'élément sur la qualité des supports des actes d'état civil guinéens et les sécurités qu'ils devraient comporter selon la législation guinéenne, n'est pas de nature à établir que les mentions relatives à son identité et notamment à sa date de naissance sont irrégulières, falsifiées ou inexactes. Il résulte de ce qui précède, qu'en application de l'article L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 47 du code civil auquel il renvoie, il n'est pas établi que les actes d'état civil fournis par M. A... sont dépourvus de valeur probante.

8. Ainsi, le 20 juillet 2020 lorsqu'il a déposé sa demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 désormais codifié à L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il allait entrer dans sa dix-huitième année le 2 août suivant. Par ailleurs, aucune pièce au dossier ne permet de regarder M. A... comme ayant gardé des liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. En outre, à la date de l'arrêté attaqué, le requérant avait suivi pendant plus de six mois une formation qualifiante de CAP en carrosserie qui présente un caractère réel et sérieux. Enfin, le rapport de la structure d'accueil fait valoir la bonne intégration de M. A... et il n'est fait état d'aucune circonstance qui permettrait de considérer que la présence de ce dernier en France constitue une menace pour l'ordre public.

9. Il en résulte que le préfet du Doubs a méconnu les dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'arrêté du 2 juillet 2021 rejetant la demande de titre de séjour de M. A..., lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi doit être annulée.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

11. Eu égard au motif d'annulation de l'arrêté attaqué ci-dessus retenu et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que des éléments de fait ou de droit nouveaux justifieraient que l'autorité administrative oppose une nouvelle décision de refus, le présent arrêt implique nécessairement que cette autorité délivre à M. A... un titre de séjour. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet du Doubs de délivrer ce titre dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a toutefois pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

12. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Abdelli avocat de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Abdelli de la somme de 1 200 euros.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2101389 du 21 octobre 2021 du tribunal administratif de Besançon et l'arrêté en date du 2 juillet 2021 par lequel le préfet du Doubs a rejeté la demande de titre de séjour présentée par M. A... et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant son pays de destination sont annulés.

Article 2: Il est enjoint au préfet du Doubs de délivrer à M. A... une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Abdelli, avocat de M. A..., une somme de 1 200 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Abdelli renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A..., et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressé au préfet du Doubs.

Délibéré après l'audience du 8 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Wallerich, président de chambre,

- M. Goujon-Fischer, président-assesseur,

- Mme Barrois, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 septembre 2022.

La rapporteure,

Signé : M. BarroisLe président,

Signé : M. C...

La greffière,

Signé : S. RobinetLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

2

N° 21NC02974


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21NC02974
Date de la décision : 29/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. WALLERICH
Rapporteur ?: Mme Marion BARROIS
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : ABDELLI - ALVES

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-09-29;21nc02974 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award