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08/11/2022 | FRANCE | N°20NC00132

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 08 novembre 2022, 20NC00132


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... C... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 22 octobre 2018 par lequel le préfet de la région Grand-Est a accordé à Mme B... F... l'autorisation d'exploiter une surface de 51 hectares 83 ares et 90 centiares sur les communes d'Herbisse et de Villers-Herbisse.

Par un jugement n° 1802479 du 7 novembre 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé cette décision.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistr

ée le 17 janvier 2020, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation demande à la cour :

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... C... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 22 octobre 2018 par lequel le préfet de la région Grand-Est a accordé à Mme B... F... l'autorisation d'exploiter une surface de 51 hectares 83 ares et 90 centiares sur les communes d'Herbisse et de Villers-Herbisse.

Par un jugement n° 1802479 du 7 novembre 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé cette décision.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 janvier 2020, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 7 novembre 2019 ;

2°) de rejeter la demande de M. C....

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la décision était entachée d'une insuffisance de motivation alors qu'il n'est pas imposé à l'administration de se prononcer expressément sur chacun des critères dont elle doit tenir compte ;

- le tribunal a retenu de manière erronée que M. C... devait relever du rang de priorité n° 1 en sa qualité de jeune agriculteur répondant aux conditions posées par l'article D. 343-4 du code rural et de la pêche maritime, alors que son plan de professionnalisation personnalisé était caduc.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 mars 2020, M. C..., représenté par la SELAS Devarenne associés Grand Est, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat du versement d'une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la cour devra s'interroger sur la tardiveté de la requête ;

- c'est à juste titre que le tribunal a retenu que la motivation était insuffisante, faute d'expliciter le total des points obtenus pour chacun des demandeurs, ce qui ne permet pas de savoir quels critères de priorisation ont été pris en compte pour chacun des candidats ;

- c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé qu'il répondait au premier rang de priorité ;

- subsidiairement, l'attribution de 50 points est manifestement erronée.

Par ordonnance du 1er mars 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 6 avril 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le décret n° 2016-1141 du 22 août 2016 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme H...,

- les conclusions de M. Michel, rapporteur public,

- et les observations de Me Devarenne, pour M. C....

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 22 octobre 2018, le préfet de la région Grand Est a autorisé Mme F... à exploiter les surfaces des parcelles situées sur les communes d'Herbisse et de Villers-Herbisse pour une superficie totale de 51 hectares 83 ares et 90 centiares. Le ministre de l'agriculture et de l'alimentation relève appel du jugement du 7 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a, à la demande de M. C..., candidat à l'exploitation des mêmes parcelles, annulé cette décision.

Sur la légalité de l'arrêté litigieux :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime : " L'autorité administrative (...) vérifie, compte tenu des motifs de refus prévus à l'article L. 331-3-1, si les conditions de l'opération permettent de délivrer l'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2 et se prononce sur la demande d'autorisation par une décision motivée ". Aux termes de l'article R. 331-6 du même code : " (...) II.- La décision d'autorisation ou de refus d'autorisation d'exploiter prise par le préfet de région doit être motivée au regard du schéma directeur régional des exploitations agricoles et des motifs de refus énumérés à l'article L. 331-3-1 (...) ".

3. II appartient au préfet, lorsque les projets de plusieurs candidats relèvent du même type d'opérations parmi ceux définis par le schéma directeur départemental des structures agricoles pour fixer l'ordre des priorités, de déterminer au regard des critères qu'il prévoit si l'un d'eux peut néanmoins être regardé comme prioritaire. Si le préfet doit, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, tenir compte, pour procéder à ce départage, de l'ensemble des critères prévus à cet effet par le schéma directeur, il n'est pas tenu, dans la motivation de sa décision, de se prononcer sur chacun de ces critères mais peut se borner à mentionner ceux qu'il estime pertinents et les éléments de fait correspondants.

4. L'arrêté contesté mentionne que, pour l'application de l'article 3 du schéma directeur départemental des structures agricoles (SDREA) de Champagne-Ardenne, les demandes de Mme F..., M. C... et M. E... D..., qui relèvent du rang de priorité prévu à l'article 3-II-2° a), sont prioritaires. Pour départager les trois demandes de même rang, l'arrêté précise qu'ont été appliqués les critères de priorisation complémentaires prévus par le SDREA et conclut que les intéressés se sont vus respectivement attribuer 60 points, 50 points et 55 points. Toutefois, la décision, qui ne permet pas d'identifier les critères de priorisation complémentaires retenus par l'autorité administrative pour attribuer ces points, est, de ce fait, insuffisamment motivée. Dans ces conditions, le ministre n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont retenu le moyen tiré de l'insuffisance de motivation.

5. En second lieu, aux termes de l'article 3 du SDREA de Champagne-Ardenne, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté contesté : " II. Priorités applicables aux demandes portant sur des biens agricoles, à l'exclusion des terres destinées à la production des appellations d'origine contrôlées Champagne, Coteaux champenois ou Rosé des Riceys : 1° Sont classées au premier rang de priorité les opérations non hiérarchisées entre elles et ci-après énumérées, relatives à des biens destinés : a) à un jeune agriculteur qui s'installe en répondant aux conditions précisées à l'article D. 343-4 et qui justifie par tous moyens, qu'à compter de la reprise : /- il s'installe sur une exploitation constituant une unité économique indépendante, gérée distinctement de toute autre, sous réserve des dispositions propres aux sociétés, et comportant ses propres bâtiments d'exploitation et des moyens de production suffisants ; / - il se consacre à l'exploitation effective du bien et participe sur les lieux aux travaux de façon effective et permanente, selon les usages de la région et en fonction de l'importance de l'exploitation. / Un jeune agriculteur qui s'installe en bénéficiant des aides à l'installation mentionnées à l'article D. 343-3 est réputé remplir les conditions prévues dans le présent paragraphe. La priorité accordée au titre du présent a) s'applique dans le cas d'une installation à titre individuel et dans la limite d'une superficie totale mise en valeur par le demandeur après l'opération au plus égale au seuil de contrôle. (...) ". Aux termes de l'article D. 343-4 du code rural et de la pêche maritime : " Pour être éligible au bénéfice des aides mentionnées au I de l'article D. 343-3, le candidat à l'installation doit répondre aux conditions suivantes : (...) 4° Justifier, à la date du dépôt de la demande d'aide, de la capacité professionnelle agricole attestée par la possession cumulée : / -d'un diplôme, titre, ou certificat enregistré au répertoire national des certifications professionnelles, de niveau égal ou supérieur au baccalauréat professionnel spécialité " conduite et gestion de l'entreprise agricole " ou au brevet professionnel option " responsable d'entreprise agricole ", procurant une qualification correspondant à l'exercice du métier de responsable d'exploitation agricole, ou d'un diplôme reconnu par un Etat membre de l'Union européenne ou par un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen conférant le niveau 4 agricole ; / -d'un plan de professionnalisation personnalisé mentionné à l'article D. 343-22 validé par le préfet de département ". Aux termes de l'article D. 343-5 du même code : " Le bénéficiaire des aides mentionnées à l'article D. 343-3 s'engage à : 1° Commencer de mettre en œuvre le plan d'entreprise mentionné à l'article D. 343-7 au plus tôt à la date de dépôt de la demande d'aide et dans un délai maximal de neuf mois à compter de la décision d'octroi d'aide et de vingt-quatre mois à compter de la date de validation ou d'agrément en cas d'acquisition progressive de la capacité professionnelle agricole du plan de professionnalisation personnalisé ; (...)".

6. Les dispositions alors applicables du SDREA de Champagne-Ardenne renvoyaient, pour la définition des conditions que doivent remplir les jeunes agriculteurs pour prétendre au premier rang de priorité, à celles de l'article D. 343-4 du code rural et de la pêche maritime, qui prévoyaient la détention d'un plan de professionnalisation personnalisé validé par le préfet du département pour l'appréciation de la capacité professionnelle agricole. Elles ne conditionnaient pas le bénéfice de la qualité de jeune agriculteur au fait que le délai de 24 mois mentionné à l'article D. 343-5 du même code ne soit pas expiré.

7. Pour contester l'arrêté litigieux, M. C... avait notamment fait valoir devant les premiers juges qu'il relevait d'un rang de priorité supérieur à celui de l'attributaire, dès lors qu'il avait la qualité de jeune agriculteur, de sorte qu'il relevait du premier rang de priorité au sens du 1° de l'article 3-II, et non du deuxième rang ainsi que l'avait retenu l'administration. En défense, le préfet de la région Grand Est avait indiqué qu'il ne pouvait relever du premier rang de priorité en qualité de jeune agriculteur car il ne s'était pas installé dans le délai de 24 mois suivant la validation de son plan de professionnalisation personnalisé, de sorte que ce dernier était devenu caduc. Toutefois, il résulte de ce qui a été dit au point précédent que l'expiration du délai mentionné à l'article D. 343-5 du code rural et de la pêche maritime ne faisait pas obstacle à ce qu'un jeune agriculteur bénéficie du rang de priorité n° 1. C'est donc à bon droit que les premiers juges ont estimé que la circonstance invoquée par le préfet ne faisait pas obstacle à ce que M. C... relève du premier rang de priorité, de sorte que la demande d'autorisation de Mme F..., qui relevait d'un rang moins élevé, ne pouvait être regardée comme prioritaire.

8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par M. C..., que le ministre de l'agriculture et de l'alimentation n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé l'arrêté du préfet de la région Grand Est du 22 octobre 2018 accordant une autorisation d'exploiter à Mme F....

Sur les frais d'instance :

9. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, le versement à M. C... de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête du ministre de l'agriculture et de l'alimentation est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à M. C... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... C..., au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire et à Mme B... F....

Copie en sera adressée au préfet de la région Grand Est

Délibéré après l'audience du 11 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente,

- Mme Samson-Dye, présidente assesseure,

- Mme Roussaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 novembre 2022.

La rapporteure,

Signé : A. H...La présidente,

Signé : V. Ghisu-Deparis

La greffière,

Signé : M. A...

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

M. A...

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N° 20NC00132


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC00132
Date de la décision : 08/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Aline SAMSON-DYE
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : SELAS DEVARENNE ASSOCIES GRAND EST

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-11-08;20nc00132 ?
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