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10/11/2022 | FRANCE | N°20NC02135

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 10 novembre 2022, 20NC02135


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision fixant sa notation pour l'année 2018 ainsi que la décision du 1er février 2019 par laquelle le directeur du centre hospitalier spécialisé de Sarreguemines a rejeté sa demande de révision.

Par un jugement n° 1902353 du 4 juin 2020, la magistrate désignée du tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision de notation et a enjoint au centre hospitalier de retirer celle-ci du dossier administratif de l'a

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Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés resp...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision fixant sa notation pour l'année 2018 ainsi que la décision du 1er février 2019 par laquelle le directeur du centre hospitalier spécialisé de Sarreguemines a rejeté sa demande de révision.

Par un jugement n° 1902353 du 4 juin 2020, la magistrate désignée du tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision de notation et a enjoint au centre hospitalier de retirer celle-ci du dossier administratif de l'agent.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 28 juillet 2020 et le 1er février 2021, le centre hospitalier spécialisé de Sarreguemines, représenté par Me Dangel et Me Marcantoni du cabinet Adven avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 4 juin 2020 ;

2°) de rejeter la demande de première instance de Mme C... ;

3°) de mettre à la charge de Mme C... une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la notation de Mme C... au titre de l'année 2018 ne procède d'aucune erreur de droit, dès lors, d'une part, que l'article 1er de l'arrêté du 6 mai 1959 ne fixe pas l'année civile comme période de référence pour la notation des agents, et d'autre part, que la présence effective de l'agent sur la période de référence pour les agents du centre hospitalier, soit du 1er septembre 2017 au 31 août 2018, était suffisante pour pouvoir l'évaluer ;

- la fiche de notation 2018 ne méconnaît pas les dispositions de l'article 2 de l'arrêté du 6 mai 1959, dès lors d'une part que la notation de l'année 2017 ayant été expressément maintenue, la répartition des notes pour les différents éléments de notation a été conservée et, d'autre part, que les appréciations littérales se rapportent à ces différents éléments ;

- la fiche de notation 2018 n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 octobre 2020, Mme C..., représentée par Me Maetz, doit être regardée comme concluant au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge du centre hospitalier une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la critique relative à la période de référence retenue par le tribunal est inopérante ;

- quelle que soit la période de référence retenue, il n'était pas possible de procéder à sa notation au titre de l'année 2018 ;

- les moyens soulevés par le centre hospitalier spécialisé de Sarreguemines ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- l'arrêté du 6 mai 1959 relatif à la notation du personnel des établissements d'hospitalisation, de soins et de cure publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de Mme D...,

- et les observations de Me Picoche, avocat de Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. Adjoint des cadres au sein du centre hospitalier spécialisé de Sarreguemines, Mme C... a fait l'objet, au titre de sa notation de l'année 2018, d'un maintien de la note chiffrée obtenue au titre de l'année 2017. Sur avis de la commission administrative paritaire, saisie pour révision par l'agent, le directeur du centre hospitalier a, par une décision du 1er février 2019, maintenu tant la note chiffrée que l'appréciation littérale portée sur la fiche de notation. Le centre hospitalier spécialisé de Sarreguemines relève appel du jugement du 4 juin 2020 par lequel la magistrate désignée du tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision fixant la notation de Mme C... au titre de l'année 2018.

Sur les motifs d'annulation retenus par la magistrate désignée :

2. Aux termes de l'article 17 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Les notes et appréciations générales attribuées aux fonctionnaires et exprimant leur valeur professionnelle leur sont communiquées ". Aux termes du premier alinéa de l'article 65 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " Le pouvoir de fixer les notes et appréciations générales exprimant la valeur professionnelle des fonctionnaires dans les conditions définies à l'article 17 du titre Ier du statut général est exercé par l'autorité investie du pouvoir de nomination, après avis du ou des supérieurs hiérarchiques directs. / (...) ".

3. En premier lieu, s'il résulte des dispositions précitées que, sauf dérogation prévue par les statuts particuliers, doit être attribuée chaque année à tout fonctionnaire en activité une note chiffrée accompagnée d'une appréciation écrite exprimant sa valeur professionnelle, l'application de ces dispositions est subordonnée à la présence effective du fonctionnaire au cours de l'année en cause pendant une durée suffisante, eu égard notamment à la nature des fonctions exercées, pour permettre à son chef de service d'apprécier sa valeur professionnelle.

4. D'une part, le centre hospitalier spécialisé de Sarreguemines faisait valoir devant les premiers juges, sans d'ailleurs être contesté, que la période de référence pour l'évaluation de ses agents au titre de l'année 2018 allait du 1er septembre 2017 au 31 août 2018. Il en justifie par la production, pour la première fois en appel, d'un courrier du 5 juillet 2018 par lequel le directeur adjoint du centre hospitalier a adressé ses consignes pour la campagne de notation de l'année 2018. Mme C... ne saurait ainsi soutenir qu'il n'existe aucune procédure interne au centre hospitalier instituant une période de référence différente de l'année civile. D'autre part, il n'est pas contesté que la fonctionnaire a été absente du 12 février au 22 avril 2018 inclus puis à partir du 18 juin 2018, soit pour une durée totale de 145 jours ou quasiment cinq mois au cours de la période de référence. Cependant, il ne ressort pas des pièces du dossier que, alors même que Mme C..., qui exerçait ses fonctions d'adjoint des cadres au sein des services économiques depuis mai 2015, a changé de fonctions le 1er janvier 2018 en devenant acheteur territorial, la durée de sa présence effective, soit un peu plus de sept mois sur l'année évaluée, dont trois à compter du changement de fonctions, n'était pas suffisante pour permettre à son chef de service d'apprécier sa valeur professionnelle, y compris dans ses nouvelles fonctions. Ainsi, c'est à tort que la magistrate désignée du tribunal administratif s'est fondée, pour annuler la décision de notation pour 2018, sur un premier motif tiré de l'impossibilité d'évaluer Mme C... compte tenu de la durée de ses absences.

5. En second lieu, les modalités de la notation prévue par les dispositions citées au point 2 ci-dessus sont fixées par l'arrêté du 6 mai 1959 relatif à la notation du personnel des établissements d'hospitalisation, de soins et de cure publics, dont le 1° du B de l'article 1er établit les cinq éléments pris en compte pour la détermination de la note chiffrée attribuée chaque année aux agents exerçant les fonctions d'adjoint des cadres. Par ailleurs, l'article 2 du même arrêté dispose que : " L'autorité ayant pouvoir de nomination attribue annuellement à chaque agent titulaire ou stagiaire et pour chacun des éléments de notation qui sont applicables à l'intéressé une note chiffrée établie selon un barème de 0 à 5 et correspondant aux qualifications suivantes : (...). / En vue de la notation de chaque agent, le chef de service ou supérieur hiérarchique et éventuellement le directeur économe sont appelés à fournir à l'autorité investie du pouvoir de nomination un avis écrit sur la qualification de l'agent pour chacun des cinq éléments prévus à l'article 1er ci-dessus. / La note chiffrée est égale au total des points attribués pour chacun desdits éléments (...) ".

6. D'une part, il ressort de la fiche de notation 2018 de Mme C... que l'autorité investie du pouvoir de nomination a, sur avis exprès de la cheffe de service de l'agent, maintenu la note chiffrée globale de l'année 2017, soit 17,25/25. Ainsi, et alors même que les cinq éléments de notation prévus à l'article 1er de l'arrêté du 6 mai 1959 ne sont pas renseignés au titre de l'année 2018, l'autorité administrative doit être regardée comme ayant maintenu chacune des notes attribuées en 2017, telles qu'elles sont reportées sur la fiche. D'autre part, il ne ressort pas des dispositions de l'article 2 de l'arrêté du 6 mai 1959 citées ci-dessus que l'autorité investie du pouvoir de nomination doive émettre une appréciation littérale sur chacun de ces cinq éléments de notation composant la note globale de l'agent. Enfin, il ressort de la fiche de notation en litige que, si la cheffe de service n'a pas formalisé d'avis sur les critères " 4. Comportement envers le public et les hospitalisés " et " 5. tenue et présentation ", l'autorité investie du pouvoir de nomination a cependant été mise en mesure, ainsi qu'il ressort avec précision de son appréciation écrite très circonstanciée, d'évaluer la valeur professionnelle de l'agent au cours de l'année de référence. Dans ces conditions, c'est également à tort que la magistrate désignée du tribunal administratif s'est fondée sur ce second motif tiré de la méconnaissance des dispositions de l'arrêté du 6 mai 1959 pour annuler la décision de notation en litige.

7. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme C... devant le tribunal administratif de Strasbourg.

Sur les autres moyens soulevés par Mme C... devant le tribunal :

8. Pour maintenir, au titre de l'année 2018, la note de 17,25 / 25 déjà attribuée à Mme C... au titre de l'année 2017, l'autorité investie du pouvoir de nomination a retenu, d'une part, un défaut d'ardeur de travail et de collaboration de l'agent dans le cadre de la clôture comptable 2017/2018, d'autre part, une incapacité à s'adapter à la nouvelle organisation de la fonction " achat de territoire ", en dépit de ses connaissances approfondies en droit des marchés publics, de gestion budgétaire et comptable et d'organisation des systèmes d'informations logistiques, au point de déstabiliser une partie de l'équipe et, enfin, une légèreté dans l'instruction de dossiers achats importants associée à une rétention d'informations, conduisant le directeur adjoint du centre hospitalier à indiquer qu'elle ne jouissait plus d'aucune confiance de la part de l'encadrement et du directeur. D'une part, il ne ressort des mentions portées sur la fiche de notation attaquée aucune incohérence entre la note chiffrée et l'appréciation écrite formulée par le directeur adjoint. D'autre part, la circonstance que la notation de Mme C... avait augmenté chaque année depuis 2012 est sans incidence sur l'appréciation de sa manière de servir au titre de l'année de référence évaluée. Enfin, l'autorité investie du pouvoir de nomination pouvait tenir compte du contexte dans lequel est intervenu un courrier, cosigné par Mme C... le 31 janvier 2018, dénonçant auprès du directeur du centre hospitalier des difficultés au sein de la direction des achats de territoire issue d'une nouvelle organisation, pour reprocher à l'agent d'avoir adopté " une communication négative voire déloyale vis-à-vis de l'encadrement ". Il ne ressort pas, en revanche, des pièces du dossier que, compte tenu des éléments d'appréciation de la valeur professionnelle de l'agent rappelés ci-dessus, le maintien de la note obtenue en 2017 aurait eu pour seul but de sanctionner Mme C... pour avoir cosigné ce courrier. Ainsi, et dès lors que la décision de notation pour 2018 prend en compte l'ensemble des services effectués par Mme C... pendant l'année au titre de laquelle sa notation a été effectuée et qu'il n'est pas allégué qu'elle serait entachée d'inexactitude matérielle, la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'autorité investie du pouvoir de nomination aurait entaché son évaluation de sa valeur professionnelle d'une erreur manifeste d'appréciation.

9. Il résulte de tout ce qui précède que le centre hospitalier spécialisé de Sarreguemines est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée du tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision de notation 2018 de Mme C....

Sur les frais de l'instance :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier spécialisé de Sarreguemines, qui n'est pas la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par Mme C... et non compris dans les dépens.

11. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme C... la somme demandée par le centre hospitalier spécialisé de Sarreguemines au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 4 juin 2020 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Strasbourg est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du centre hospitalier spécialisé de Sarreguemines est rejeté.

Article 4 : Les conclusions présentées par Mme C... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier spécialisé de Sarreguemines et à Mme A... C....

Délibéré après l'audience du 13 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président,

M. Agnel, président-assesseur,

Mme Brodier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 novembre 2022.

La rapporteure,

Signé : H. B... Le président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

2

N° 20NC02135


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC02135
Date de la décision : 10/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Hélène BRODIER
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : ADVEN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-11-10;20nc02135 ?
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