La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/12/2022 | FRANCE | N°20NC00253

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 29 décembre 2022, 20NC00253


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme F... A..., et M. C... D... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 5 juillet 2017 par lequel le maire de Stosswhir a délivré à M. E... un permis de construire l'autorisant à transformer un bâtiment de stockage en étable, à construire une fosse à lisier semi-enterrée et un hangar de stockage au lieu-dit Wiedenthal, d'annuler la décision du 11 octobre 2017 par laquelle le maire de Stosswihr a rejeté leur recours gracieux et de mettre à la charge de la commune

de Stosswihr une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme F... A..., et M. C... D... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 5 juillet 2017 par lequel le maire de Stosswhir a délivré à M. E... un permis de construire l'autorisant à transformer un bâtiment de stockage en étable, à construire une fosse à lisier semi-enterrée et un hangar de stockage au lieu-dit Wiedenthal, d'annuler la décision du 11 octobre 2017 par laquelle le maire de Stosswihr a rejeté leur recours gracieux et de mettre à la charge de la commune de Stosswihr une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1706461 du 28 novembre 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du 5 juillet 2017 en tant qu'il autorisait l'implantation d'un bâtiment abritant des animaux à moins de 35 mètres du cours d'eau du Winteltalrus en méconnaissance des règles de distance prescrites à l'article 153.2 du règlement sanitaire départemental du Haut-Rhin, a mis à la charge de la commune de Stosswihr le versement à M. et Mme A... et à M. D... d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée sous le n° 20NC00253 le 28 janvier 2020, M. E..., représenté par Me Gillig, demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 28 novembre 2019, qui annule l'arrêté du maire de Stosswhir du 5 juillet 2017 en tant qu'il autorise l'implantation d'un bâtiment abritant des animaux à moins de 35 mètres du cours d'eau du Winteltalrus, en méconnaissance des règles de distance prescrites à l'article 153.2 du règlement sanitaire départemental du Haut-Rhin ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. et Mme A... et M. D... devant le tribunal administratif de Strasbourg ;

3°) de mettre à la charge de M. et Mme A... et M. D... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la minute du jugement attaqué ne comporte pas la signature des membres de la formation de jugement qui ont siégé lors de l'audience du 7 novembre 2019 ;

- en qualifiant le fossé se trouvant à proximité de la construction litigieuse de " cours d'eau ", alors que ce fossé ne remplit pas les trois conditions cumulatives prévues par l'article L. 215-7-1 du code de l'environnement pour recevoir cette qualification, le tribunal a commis une erreur de droit et a méconnu le champ d'application de l'article 153-2 du règlement sanitaire départemental du Haut-Rhin.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 avril 2020, la commune de Stosswhir, représentée par Me Muller-Pistré, conclut :

1°) à l'annulation de l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 28 novembre 2019, qui annule l'arrêté du maire de Stosswhir du 5 juillet 2017 en tant qu'il autorise l'implantation d'un bâtiment abritant des animaux à moins de 35 mètres du cours d'eau du Winteltalrus, en méconnaissance des règles de distance prescrites à l'article 153.2 du règlement sanitaire départemental du Haut-Rhin ;

3°) à ce qu'il soit mis à la charge de M. et Mme A... et de M. D... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la minute du jugement attaqué ne comporte pas la signature des membres de la formation de jugement qui ont siégé lors de l'audience du 7 novembre 2019 ;

- en qualifiant le fossé se trouvant à proximité de la construction litigieuse de " cours d'eau ", alors que ce fossé ne remplit pas les trois conditions cumulatives prévues par l'article L. 215-7-1 du code de l'environnement pour recevoir cette qualification, le tribunal a commis une erreur de droit et a méconnu le champ d'application de l'article 153-2 du règlement sanitaire départemental du Haut-Rhin.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 juillet 2020, M. et Mme A... et M. D..., représentés par la SCP Chaton-Grillon-Brocard-Gire, concluent :

1°) à titre principal, à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 25 novembre 2019 en tant qu'il annule le permis de construire du 5 juillet 2017 uniquement en ce qu'il autorise l'implantation d'un bâtiment d'élevage à moins de 35 mètres d'un cours d'eau en méconnaissance des règles de distance prescrites à l'article 153.2 du règlement sanitaire départemental du Haut-Rhin ;

2°) à titre subsidiaire, au rejet des requêtes de M. E... et de la commune de Stosswihr ;

3°) à ce qu'il soit mis à la charge de M. E... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir que :

- en annulant l'arrêté du 5 juillet 2017 uniquement en ce qu'il permet l'implantation d'un bâtiment abritant des animaux à moins de 35 mètres d'un cours d'eau, vice qui entache l'arrêté en son entier, et non en tant qu'il autorise la création d'un bâtiment d'élevage, les premiers juges n'ont pas fait une application régulière de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme ;

- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés ;

- les conclusions présentées par la commune de Stosswihr à fin d'annulation du jugement du tribunal administratif de Strasbourg sont irrecevables comme présentées après l'expiration du délai d'appel.

Par un mémoire du 7 février 2022, M. E... déclare se désister purement et simplement de sa requête ;

Par une lettre enregistrée le 16 février 2022, M. et Mme A... et M. D... indiquent qu'ils n'entendent pas se désister de leurs conclusions d'appel incident.

Par un mémoire en enregistré le 27 avril 2022, M. et Mme A... et M. D... concluent aux mêmes fins que dans leurs précédentes écritures par les mêmes moyens et demandent en outre l'annulation de l'arrêté du maire de la commune de Stosswihr du 2 novembre 2021, n° 88/2021, accordant un permis de construire à M. B... E... pour la régularisation d'une construction existante, ensemble la décision implicite, née le 28 février 2022, par laquelle le maire de Stosswihr a rejeté leur recours gracieux.

Ils soutiennent que :

- l'arrêté du 2 novembre 2021 est illégal dès lors que la méconnaissance par l'arrêté initial des articles L. 111-3, L. 111-4, L. 122-10 et L. 122-11 du code de l'urbanisme constituait un vice non régularisable ;

- cet arrêté ne permet pas d'assurer la conformité du projet avec les règles applicables ; en effet, il méconnaît l'article 153.2 du règlement sanitaire départemental du Haut-Rhin, situation pour laquelle le préfet, en l'absence de caractère " exceptionnel " du cas concerné par la demande de dérogation, n'a pas pu, sans entacher sa décision d'illégalité, accorder cette dérogation ; c'est en outre à tort que le préfet a écarté les risques de nuisances ; l'arrêté du 2 novembre 2021 méconnaît en outre l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ; il est illégal, enfin, en raison de l'incomplétude du dossier de permis de construire, dès lors que ni le plan de masse, ni les autres plans du dossier de permis de construire ne renseignent sur la localisation des immeubles situés à proximité et que l'environnement urbain y est insuffisamment décrit.

Par un mémoire enregistré le 2 mai 2022, la commune de Stosswihr déclare acquiescer au désistement de M. E... et conclut à ce qu'il en soit donné acte.

Par un mémoire enregistré le 3 juin 2022, M. E... conclut :

1°) au rejet des conclusions de M. et Mme A... et de M. D... tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 novembre 2021 ;

2°) à ce qu'il soit mis à la charge de M. et Mme A... et de M. D... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. et Mme A... et de M. D... à l'encontre de l'arrêté du 2 novembre 2021 ne sont pas fondés.

Deux mémoires présentés par la commune de Stosswihr ont été reçus le 2 décembre 2022, postérieurement à la clôture de l'instruction, et n'ont pas été communiqués en application de l'article R. 613-3 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Goujon-Fischer, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique,

- les observations de Me Primus, pour M. E...,

- et les observations de Me Tronche, pour M. et Mme A... et M. D....

Considérant ce qui suit :

1. M. E... exploite une activité d'élevage de bovins au lieudit Wiedenthal sur le territoire de la commune de Stosswihr. Il a sollicité du maire de cette commune la délivrance d'un permis de construire en vue de la transformation d'un bâtiment agricole, de la construction d'une fosse à lisier semi-enterrée et d'un nouveau hangar de stockage sur les parcelles cadastrées section 22 n° 49 à 59, 81, 83 à 84, 87 à 88 et 126. Le maire a fait droit à cette demande par l'octroi d'un permis de construire, puis, sur la base d'une dérogation préfectorale aux règles de distance par rapport aux cours d'eau, d'un permis de construire modificatif, respectivement les 20 août 2009 et 14 mars 2011. Par un jugement du 31 janvier 2012, confirmé par la cour administrative d'appel de Nancy le 1er août 2013 dans un arrêt devenu définitif, le tribunal a annulé ces permis de construire à la demande de M. et Mme A... et de M. D..., propriétaires riverains, au motif de la méconnaissance de l'article NC 1.1.3 du plan d'occupation des sols, alors applicable, de la commune de Stosswihr. Toutefois, le plan d'occupation des sols étant devenu caduc et M. E... ayant exécuté les travaux, celui-ci a sollicité et obtenu du maire de Stosswihr, par un arrêté du 5 juillet 2017, confirmé, sur recours gracieux, le 17 octobre 2017, un permis de régularisation portant sur les mêmes constructions et transformations.

2. Par le jugement attaqué du 28 novembre 2019, le tribunal administratif de Strasbourg, saisi par M. et Mme A... et de M. D..., a fait application des pouvoirs que lui conférait l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme en annulant cet arrêté en tant seulement qu'il autorisait l'implantation d'un bâtiment abritant des animaux à moins de 35 mètres du cours d'eau en méconnaissance des règles de distance prescrites à l'article 153.2 du règlement sanitaire départemental du Haut-Rhin et a rejeté le surplus des conclusions en annulation de cet arrêté. M. E..., qui a relevé appel de ce jugement, s'est désisté de sa requête par un mémoire enregistré le 7 février 2022. La commune de Stosswihr, qui a présenté des conclusions d'appel identiques à celles de M. E..., demande à la cour de donner acte du désistement de ce dernier. Antérieurement à l'enregistrement de ce désistement, M. et Mme A... et M. D..., avaient pour leur part présenté des conclusions d'appel incident tendant à l'annulation du jugement du 28 novembre 2019 en tant qu'il n'a pas annulé l'arrêté du 5 juillet 2017 dans sa totalité. Ils présentent en outre des conclusions en annulation du permis de construire de régularisation délivré par le maire de Stosswihr à M. E... le 2 novembre 2021, ainsi que de la décision implicite, née du silence gardé par le maire de Stosswihr sur leur recours gracieux. M. E..., qui conclut au rejet de ces dernières conclusions, demande en outre qu'il soit mis à la charge de M. et Mme A... et de M. D... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur le désistement :

3. Par un mémoire enregistré le 7 février 2022, M. E... déclare se désister purement et simplement de l'ensemble des conclusions de sa requête. Rien ne fait obstacle à ce qu'il en soit donné acte. La commune de Stosswihr, qui avait présenté des conclusions d'appel identiques à celle de M. E... et qui conclut désormais à ce qu'il soit donné acte du désistement de M. E... de sa requête, doit être regardée comme se désistant, elle-même, de ses conclusions. Rien ne fait davantage obstacle à ce qu'il soit donné acte de ce désistement.

4. En revanche, M. et Mme A... et M. D... n'ayant pas accepté le désistement de M. E... de sa requête d'appel, il y a lieu de statuer sur leurs conclusions d'appel incident, enregistrées antérieurement à l'enregistrement de ce désistement.

Sur les conclusions d'appel incident présentées par M. et Mme A... et M. D... :

5. Aux termes de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5-1, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice n'affectant qu'une partie du projet peut être régularisé, limite à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et, le cas échéant, fixe le délai dans lequel le titulaire de l'autorisation pourra en demander la régularisation, même après l'achèvement des travaux. Le refus par le juge de faire droit à une demande d'annulation partielle est motivé ".

6. Il résulte de ces dispositions que le juge administratif peut procéder à l'annulation partielle d'une autorisation d'urbanisme dans le cas où une illégalité affecte une partie identifiable du projet et où cette illégalité est susceptible d'être régularisée par un arrêté modificatif de l'autorité compétente, sans qu'il soit nécessaire que la partie illégale du projet soit divisible du reste de ce projet.

7. Aux points 17 et 18 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a jugé que le bâtiment agricole abritant l'activité d'élevage objet de l'arrêté du 5 juillet 2017 était distant de moins de 35 mètres du cours d'eau Winteltalrus et de ses berges, en méconnaissance des dispositions de l'article 153.2 du règlement sanitaire départementale du Haut-Rhin. Faisant alors application des dispositions, citées au point précédent, de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme, il a estimé que cette illégalité n'affectait qu'une partie du projet et était susceptible d'être régularisée par la délivrance d'un permis de construire consistant en la modification de l'aménagement ou de l'implantation du bâtiment agricole, de sorte que la partie réservée aux animaux soit distante de plus de 35 mètres de la rive du cours d'eau. En conséquence, le tribunal a annulé le permis contesté en tant seulement qu'il autorisait l'implantation d'un bâtiment abritant des animaux à moins de 35 mètres d'un cours d'eau et a rejeté le surplus des conclusions en annulation de cet arrêté.

8. Alors qu'aux termes de l'article 153-2 du règlement sanitaire départemental du Haut-Rhin " Les bâtiments renfermant des animaux à demeure ou en transit ne doivent pas être à l'origine d'une pollution des ressources en eau. / Leur implantation (...) est (...) interdite : / - à moins de 35 mètres : (...) des berges des cours d'eau (...) ", il ressort des pièces du dossier le bâtiment agricole dont la construction a été autorisée en méconnaissance de cette règle ne concerne, au regard des dimensions de ce bâtiment, qu'une partie de ce dernier. Ainsi, l'illégalité relevée par le tribunal devait en tout état de cause être regardée comme n'affectant qu'une partie du projet. Par suite, en prononçant l'annulation partielle de l'arrêté du 17 octobre 2017, le tribunal ne s'est pas mépris sur les pouvoirs qu'il tenait de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme et n'a pas méconnu son office.

Sur les conclusions de M. et Mme A... et de M. D... dirigées contre l'arrêté du 2 novembre 2021 :

9. En premier lieu, aux termes de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme : " En l'absence de plan local d'urbanisme, de tout document d'urbanisme en tenant lieu ou de carte communale, les constructions ne peuvent être autorisées que dans les parties urbanisées de la commune. " et aux termes de l'article L. 111-4 du même code : " Peuvent toutefois être autorisés en dehors des parties urbanisées de la commune : / (...) 2° Les constructions et installations nécessaires à l'exploitation agricole, à des équipements collectifs dès lors qu'elles ne sont pas incompatibles avec l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière sur le terrain sur lequel elles sont implantées, à la réalisation d'aires d'accueil ou de terrains de passage des gens du voyage, à la mise en valeur des ressources naturelles et à la réalisation d'opérations d'intérêt national ; / 2° bis Les constructions et installations nécessaires à la transformation, au conditionnement et à la commercialisation des produits agricoles, lorsque ces activités constituent le prolongement de l'acte de production et dès lors qu'elles ne sont pas incompatibles avec l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière sur le terrain sur lequel elles sont implantées ; (...) ". Aux termes de l'article L. 122-1 du même code : " Les terres nécessaires au maintien et au développement des activités agricoles, pastorales et forestières, en particulier les terres qui se situent dans les fonds de vallée, sont préservées (...) ". L'article L. 122-2 de ce code précise : " Peuvent être autorisés dans les espaces définis à l'article L. 122-10 : / 1° Les constructions nécessaires aux activités agricoles (...) ".

10. Il est constant qu'à la date du 5 juillet 2017, à laquelle le maire de Stosswihr a délivré à M. E... le permis de construire partiellement annulé par le tribunal administratif de Strasbourg, la commune n'était dotée ni d'un plan local d'urbanisme, ni d'un document d'urbanisme en tenant lieu, ni d'une carte communale, de sorte que la règle de constructibilité limitée s'appliquait. Toutefois, comme l'ont rappelé les premiers juges, si le projet objet de ce permis de construire est situé en dehors des parties actuellement urbanisées de la commune, il consiste en l'extension d'un bâtiment préexistant, aux fins de création d'une étable et d'un local de transformation des produits laitiers, tandis que ce bâtiment est à proximité immédiate de parcelles utilisées comme pâtures pour les animaux du pétitionnaire. La destination de ce bâtiment, telle qu'elle ressort du permis de construire, est cohérente avec l'activité d'élevage de montagne et de transformation de la majorité du lait en fromages mentionnée dans l'avis émis le 29 mai 2017 par la chambre d'agriculture, lequel était à cet égard favorable, au regard de la construction, pour le bon fonctionnement de l'exploitation, à la délivrance du permis de construire alors sollicité. Au demeurant, il n'est pas contesté qu'une partie du bâtiment en cause était nécessaire à la transformation en fromages de la production laitière du pétitionnaire. Dès lors, l'extension et la transformation du bâtiment existant doivent être regardées comme nécessaires à l'exploitation de M. E... au sens des dispositions des 2° et 2° bis de l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme. En les autorisant par la délivrance, le 5 juillet 2017, d'un permis de construire, le maire de Stosswihr n'a ainsi pas méconnu les articles L. 111-3 et L. 111-4 du code de l'urbanisme. Pour les mêmes raisons, il n'a, en tout état de cause pas méconnu les dispositions des articles L. 122-1 et L. 122-2 de ce code. Il s'ensuit que M. et Mme A... et M. D... ne sont pas fondés, en tout état de cause, à soutenir que l'arrêté du 2 novembre 2021 serait illégal comme ayant délivré un permis de construire de régularisation en dépit d'un vice non régularisable entachant l'arrêté du 5 juillet 2017.

11. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme : " Le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé que si les travaux projetés sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l'utilisation des sols, à l'implantation, la destination, la nature, l'architecture, les dimensions, l'assainissement des constructions et à l'aménagement de leurs abords et s'ils ne sont pas incompatibles avec une déclaration d'utilité publique. ". Aux termes de l'article 153-2 du règlement sanitaire départemental du Haut-Rhin, intitulé " Protection des eaux et zones de baignades " : " Les bâtiments renfermant des animaux à demeure ou en transit ne doivent pas être à l'origine d'une pollution des ressources en eau. / Leur implantation devra satisfaire aux prescriptions générales ou particulières relatives aux périmètres de protection des sources, puits, captage ou prises d'eau. / Elle est, en outre, interdite : / - à moins de 35 mètres : (...) de toute installation souterraine ou semi-enterrée utilisée pour le stockage des eaux, que ces dernières soient destinées à l'alimentation en eau potable ou à l'arrosage des cultures maraîchères, (...) des berges des cours d'eau (...) ". Il résulte de ces dispositions que le permis en litige, en ce qu'il concerne la transformation d'un bâtiment agricole pour accueillir des vaches laitières et leurs suites, doit être conforme aux prescriptions du règlement sanitaire départemental du Haut-Rhin relatives à l'implantation des bâtiments agricoles.

12. Toutefois, l'article 164 de ce même règlement sanitaire départemental prévoit que " Sous réserve de la législation et de la réglementation en vigueur, le préfet peut, dans des cas exceptionnels et sur proposition du directeur départemental des affaires sanitaires et sociales, accorder des dérogations au présent règlement par arrêtés pris en application de son pouvoir réglementaire. / Dans ce cas, les intéressés doivent prendre l'engagement écrit de se conformer aux prescriptions qui leur seront ordonnées. Toute contravention comportera déchéance complète du bénéfice de la dérogation, sans préjudice des sanctions prévues à l'article L. 45 du Code de la Santé Publique, et éventuellement aux articles L. 46 et L. 47 dudit Code, ainsi qu'aux autres réglementations applicables ".

13. Il ressort des pièces du dossier que, par un arrêté du 3 août 2021, le préfet du Haut-Rhin a autorisé M. E... à régulariser la construction d'un bâtiment d'élevage bovin et d'une fosse à lisier implantés à 12 et 24 mètres du cours d'eau Winteltalrus. Selon les termes de cet arrêté, cette dérogation a été prise au vu de l'avis favorable émis par le directeur départemental des territoires du Haut-Rhin, qui a relevé qu'au droit du bâtiment, le cours d'eau était busé pour partie et que la partie couverte était rendue étanche aux risques d'écoulement en provenance de l'exploitation par le busage. La directrice de l'Agence régionale de santé du Grand Est a également émis un avis favorable à cette dérogation. M. et Mme A... et M. D... n'apportent pas d'élément de nature à contredire la réalité ou l'efficacité des mesures de busage ainsi décrites, lesquelles ont eu pour effet de préserver le cours d'eau en cause des nuisances qu'a précisément vocation à prévenir la règle de distance prévue par l'article 153-2 du règlement sanitaire départemental du Haut-Rhin. Une telle mesure d'évitement, d'effet équivalent à une règle du règlement sanitaire départemental, constitue un cas exceptionnel au sens et pour l'application de l'article 164 du règlement sanitaire départemental du Haut-Rhin. Par suite, M. et Mme A... et M. D... ne sont pas fondés à contester, par voie d'exception, la dérogation accordée à M. H... le préfet du Haut-Rhin au motif qu'elle n'aurait pas été accordé dans un cas présentant ce caractère exceptionnel.

14. En outre, comme l'ont indiqué les premiers juges, M. et Mme A... et M. D... ne sauraient se prévaloir utilement de ce que la cuve de stockage de 3 000 litres d'eau est implantée à moins de 35 mètres de l'étable, dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que cette construction ne sert qu'à alimenter le bétail en eau et à servir de réserve en cas d'incendie, sans être destinée à l'alimentation en eau potable ou à l'arrosage des cultures maraîchères et que la règle de distance de de 35 mètres devant être respectée, selon l'article 153.2 du règlement sanitaire départemental du Haut-Rhin, entre les bâtiments renfermant des animaux à demeure ou en transit et toute installation souterraine ou semi-enterrée utilisée pour le stockage des eaux ne trouve à s'appliquer, contrairement à ce que soutiennent M. et Mme A... et M. D..., qu'à l'égard des stockages d'eau destinés à l'alimentation en eau potable ou à l'arrosage des cultures maraîchères.

15. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ".

16. Au regard de ce qui a été dit au point 13 du présent arrêt au sujet des mesures de busage permettant de parer aux risques d'écoulement dans le cours d'eau Winteltalrus en provenance de l'exploitation de M. E..., M. et Mme A... et M. D... n'établissent pas que l'arrêté du 2 novembre 2021 portant permis de construire de régularisation serait entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation des risques d'atteinte, par la construction en cause, à la salubrité ou à la sécurité publique.

17. En dernier lieu, la circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable. A cet égard, si M. et Mme A... et M. D... soutiennent que le projet architectural annexé au dossier du pétitionnaire ne fait pas apparaître l'ensemble des " bâtiments occupés par des tiers " situés à proximité du projet à régulariser, non plus que l'environnement urbain, en méconnaissance des article R. 431-4 et suivants du code de l'urbanisme, il ne ressort pas des pièces du dossier que le dossier du pétitionnaire aurait été, sur ces points, affecté d'insuffisances, d'imprécisions ou d'inexactitudes de nature à avoir faussé l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

18. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... et M. D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Strasbourg n'a annulé que partiellement l'arrêté du maire de Stosswihr du 5 juillet 2017 et ne sont pas davantage fondés à demander l'annulation de l'arrêté du 2 novembre 2021 portant permis de régularisation.

Sur les frais liés à l'instance :

19. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

20. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser à chacune des parties la charge des frais exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Il est donné acte du désistement des conclusions d'appel de M. E... et de la commune de Stosswihr.

Article 2 : Les conclusions d'appel incident de M. et Mme A... et de M. D... ainsi que leurs conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du maire de Stosswihr du 2 novembre 2021 sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... E..., à M. et Mme F... A..., à M. C... D... et à la commune de Stosswihr.

Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.

Délibéré après l'audience du 8 décembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Wallerich, président de chambre,

- M. Goujon-Fischer, président-assesseur,

- Mme Barrois, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 décembre 2022.

Le rapporteur,

Signé : J.-F. Goujon-FischerLe président,

Signé : M. G...

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne au préfet du Haut-Rhin en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

V. Firmery

2

N° 20NC00253


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20NC00253
Date de la décision : 29/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WALLERICH
Rapporteur ?: M. Jean-François GOUJON-FISCHER
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : CABINET RACINE

Origine de la décision
Date de l'import : 11/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-12-29;20nc00253 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award