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26/01/2023 | FRANCE | N°22NC00951

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 26 janvier 2023, 22NC00951


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 12 avril 2021 par lequel le préfet du Haut-Rhin lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office et l'a interdit de retour sur le territoire pendant un an.

Par un jugement n° 2103539 du 5 juillet 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg, après l'avoir admis à l'aide ju

ridictionnelle provisoire, a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Pa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 12 avril 2021 par lequel le préfet du Haut-Rhin lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office et l'a interdit de retour sur le territoire pendant un an.

Par un jugement n° 2103539 du 5 juillet 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg, après l'avoir admis à l'aide juridictionnelle provisoire, a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 avril 2022, M. B..., représenté par Me Sabatakakis, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté attaqué ;

3°) d'enjoindre l'autorité administrative compétente de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros à son avocat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier en ce que l'article R. 773-44 dont le magistrat désigné a fait application est inapplicable au jugement des obligations de quitter le territoire prises sur le fondement des 1°, 2° ou 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour lesquelles l'instruction est close après l'audience en vertu de l'article R. 776-26 du code de justice administrative ; en ce qu'il n'a pas été répondu au moyen tiré de la violation du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et droit d'asile anciennement 10° de l'article L. 511-4 ;

- l'obligation de quitter le territoire : méconnaît le 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et droit d'asile anciennement 10° de l'article L. 511-4 en ce qu'il n'aura pas accès en Afghanistan au traitement que son état de santé nécessite ;

- la décision fixant le pays de destination : viole l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales à raison de la vendetta dont il fait l'objet de la part des cousins de son père et sans pouvoir se prévaloir de la protection des autorités compte tenu de la situation sécuritaire actuelle en Afghanistan ;

- l'interdiction de retour sur le territoire est privée de base légale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire.

Par un mémoire en défense enregistré le 27 juillet 2022, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle du 14 mars 2022.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la constitution ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le décret n° 2020-1370 du 10 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience publique.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant afghan né en 1991, est entré en France le 10 mai 2018 et y a sollicité l'asile. Cette demande a été rejetée de manière définitive par la Cour nationale du droit d'asile le 28 décembre 2020. Par un arrêté du 12 avril 2021, le préfet du Haut-Rhin l'a obligé à quitter le territoire, a fixé le pays de destination et l'a interdit de retour sur le territoire pendant un an. M. B... relève appel du jugement du 5 juillet 2021 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Par un mémoire enregistré au greffe du tribunal administratif le 28 juin 2021, M. B... a soutenu que l'obligation de quitter le territoire avait été prise en méconnaissance du 10° de l'article 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le jugement attaqué ne répond pas à ce moyen. Par suite, M. B... est fondé à soutenir qu'il est irrégulier. Compte tenu de ce que l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire a été également invoquée à l'appui des conclusions dirigées contre les autres décisions contenues dans l'arrêté attaqué, le jugement attaqué doit être annulé dans sa totalité.

3. Il y a lieu pour cette cour de statuer immédiatement par la voie de l'évocation sur la demande de M. B... présentée devant le tribunal administratif.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire :

4. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé ". Aux termes de l'article R. 511-1 du même code : " L'état de santé défini au 10° de l'article L. 511-4 est constaté au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration./ Cet avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement l'étranger ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé ".

5. Il résulte de ces dispositions que dès lors qu'elle dispose d'éléments d'information suffisamment précis laissant craindre qu'un étranger en situation irrégulière ne peut faire l'objet d'une mesure d'éloignement en raison de son état de santé, l'autorité préfectorale doit préalablement et alors même que l'intéressé n'a pas sollicité le bénéfice d'une prise en charge médicale en France, recueillir préalablement l'avis du collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

6. En produisant des certificats médicaux établis au mois de mai 2021, postérieurement à l'arrêté attaqué, M. B..., qui résidait en France depuis plusieurs années pour les besoins de sa demande d'asile, n'établit pas qu'à la date de l'obligation de quitter le territoire son état de santé nécessitait que l'autorité préfectorale recueille au préalable l'avis du collège des médecins et pas davantage que son état de santé présentait les caractéristiques prévues par le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen invoqué de ce chef sera écarté.

7. Il ressort des motifs de l'arrêté attaqué que le préfet ne s'est pas cru en situation de compétence liée à la suite de la décision de la Cour nationale du droit d'asile et ne s'est pas refusé à examiner la situation de M. B.... Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit sera écarté. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que ce faisant, le préfet aurait apprécié de manière manifestement erronée sa situation ainsi que les conséquences de toute nature de sa décision sur sa situation.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

8. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".

9. M. B... reprend le récit, déjà écarté par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides et la Cour nationale du droit d'asile, selon lequel il ferait l'objet d'une vendetta de la part " des cousins de son père " mettant sa vie en danger en cas de retour en Afghanistan. En l'absence de toute précision utile et d'éléments probants, M. B... ne justifie pas de la réalité et de l'actualité des risques encourus par lui en cas de retour en Afghanistan.

Sur la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire :

10. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que M. B... n'est pas fondé à invoquer par la voie de l'exception l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'interdiction de retour sur le territoire.

Sur le signalement et l'obligation de se présenter :

11. Les décisions précédentes étant légales, le moyen soulevé par la voie de l'exception à l'encontre du signalement dans le système d'information Schengen et l'obligation de se présenter une fois par semaine aux autorités doit être écarté.

12. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 12 avril 2021. Par suite, sans même qu'il soit besoin d'examiner sa recevabilité, sa demande présentée devant le tribunal administratif de Strasbourg doit être rejetée en toutes ses conclusions.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

13. La demande de M. B... étant rejetée, l'Etat ne saurait être regardé comme la partie perdante dans la présente instance. Par suite, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme à l'avocat de M. B... en application de l'article 37 de la loi ci-dessus visée du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2103539 du tribunal administratif de Strasbourg du 5 juillet 2021 est annulé.

Article 2 : La demande de M. B... présentée devant le tribunal administratif de Strasbourg est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie du présent arrêt sera transmise au préfet du Haut-Rhin.

Délibéré après l'audience du 5 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président de chambre,

M. Agnel, président assesseur,

Mme Brodier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 janvier 2023.

Le rapporteur,

Signé : M. AgnelLe président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

N° 22NC00951 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC00951
Date de la décision : 26/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Marc AGNEL
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : SABATAKAKIS

Origine de la décision
Date de l'import : 29/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-01-26;22nc00951 ?
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