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31/01/2023 | FRANCE | N°20NC03126

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 31 janvier 2023, 20NC03126


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 26 octobre 2020, la société Parc éolien

de Vaux-Coulommes, représentée par Me Billard, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 23 juin 2020 par lequel le préfet des Ardennes a prorogé l'autorisation accordée à la société Neoen pour la réalisation d'un parc éolien composé de neuf aérogénérateurs et de trois postes de livraison sur le territoire de la commune de Pauvres ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du cod

e de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a intérêt à agir pour contester l'arr...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 26 octobre 2020, la société Parc éolien

de Vaux-Coulommes, représentée par Me Billard, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 23 juin 2020 par lequel le préfet des Ardennes a prorogé l'autorisation accordée à la société Neoen pour la réalisation d'un parc éolien composé de neuf aérogénérateurs et de trois postes de livraison sur le territoire de la commune de Pauvres ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a intérêt à agir pour contester l'arrêté litigieux ;

- l'arrêté est entaché d'incompétence ;

- la demande de prorogation a été présentée par la société Neoen, alors que seule la société Centrale éolienne le Mont de Malan pouvait solliciter une telle prorogation, selon les exigences de l'article R. 515-109 du code de l'environnement ;

- l'arrêté est entaché d'une contradiction en ce qu'il a accordé une prorogation jusqu'au 21 décembre 2021, mais renvoie également aux délais de caducité mentionnés à l'article R. 515-109 du code de l'environnement prévoyant un délai de validité globale ne pouvant excéder un total de 10 ans ;

- il est entaché d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 515-109 du code de l'environnement dès lors, d'une part, que les circonstances de fait ont substantiellement évolué depuis l'autorisation initiale et, d'autre part, que rien ne démontre que la mise en service de l'installation ne serait pas imputable à la société Centrale éolienne le Mont de Malan ;

- il est illégal en raison de l'illégalité de l'arrêté d'autorisation initial du 4 juillet 2017 qui porte atteinte à la santé publique, à la salubrité publique, à la commodité du voisinage et à l'efficacité énergique mais qui a également un impact excessif sur le paysage et qui, enfin, ne prend pas suffisamment en compte les effets cumulés du projet avec les installations environnantes.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 mars 2021, la société Centrale éolienne le Mont de Malan et la société Neoen, représentées par Me Duval, concluent au rejet de la requête et à ce que la somme de 10 000 euros soit mise à la charge de la société requérante.

Elles font valoir que :

- la requête est irrecevable car la société Parc éolien de Vaux-Coulommes n'a pas intérêt à contester l'arrêté litigieux ;

- les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 juin 2021, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que :

- la requête est irrecevable car elle est tardive ;

- la requête est irrecevable dès lors que la société Parc éolien de Vaux-Coulommes n'a pas intérêt à contester l'arrêté litigieux ;

- les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Barteaux, rapporteur public,

- et les observations de Me Daheron, représentant la société Centrale éolienne le Mont de Malan et la société Neoen.

Considérant ce qui suit :

1. La société Centrale éolienne le Mont de Malan a présenté, le 16 décembre 2015, une demande d'autorisation unique pour la construction et l'exploitation d'un parc éolien sur le territoire de la commune de Pauvres, composé de neuf aérogénérateurs et de trois postes de livraison. Le préfet des Ardennes a, par un arrêté du 4 juillet 2017, délivré l'autorisation sollicitée. Par un arrêté du 23 juin 2020, dont la société Parc éolien de Vaux-Coulommes demande l'annulation, le préfet des Ardennes a prorogé jusqu'au 31 décembre 2021 la durée de validité de l'autorisation accordée par son arrêté du 4 juillet 2017.

2. Aux termes de l'article R. 181-50 du code de l'environnement : " Les décisions mentionnées aux articles L. 181-12 à L. 181-15 peuvent être déférées à la juridiction administrative : (...) / 2° Par les tiers intéressés en raison des inconvénients ou des dangers pour les intérêts mentionnés à l'article L. 181-3 dans un délai de quatre mois à compter de : / a) L'affichage en mairie dans les conditions prévues au 2° de l'article R. 181-44 ; / b) La publication de la décision sur le site internet de la préfecture prévue au 4° du même article. (...) ". Le I de l'article L. 181-3 de ce code prévoit que : " L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas. ". Selon les dispositions de l'article L. 511-1 du même code: " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique ".

3. Il résulte des dispositions précitées de l'article R. 181-50 du code de l'environnement qu'un établissement commercial ne peut se voir reconnaître la qualité de tiers recevable à contester devant le juge une autorisation d'exploiter une installation classée pour la protection de l'environnement délivrée à une entreprise, fût-elle concurrente, que dans les cas où les inconvénients ou les dangers que le fonctionnement de l'installation classée présente pour les intérêts visés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement sont de nature à affecter, par

eux-mêmes, les conditions d'exploitation de cet établissement commercial. Il appartient à ce titre au juge administratif de vérifier si l'établissement justifie d'un intérêt suffisamment direct lui donnant qualité pour demander l'annulation de l'autorisation en cause, compte tenu des inconvénients et dangers que présente pour lui l'installation classée, appréciés notamment en fonction de ses conditions de fonctionnement, de la situation des personnes qui le fréquentent ainsi que de la configuration des lieux.

4. En premier lieu, la société requérante soutient que le projet litigieux conduit à l'implantation de nouvelles éoliennes à proximité des aérogénérateurs du parc

de Vaux-Coulommes qu'elle exploite, de sorte que, non seulement, il engendrera nécessairement des impacts visuels et sonores excessifs mais il impactera globalement l'environnement. Toutefois, la requérante n'établit, ni même n'allègue que l'effet de masse visuel, l'augmentation du périmètre de perception des sons et les éventuels autres impacts sur l'environnement qu'engendrerait le projet litigieux seraient de nature à affecter par eux-mêmes les conditions d'exploitation de son propre parc éolien.

5. En deuxième lieu, la requérante ne saurait, en se bornant à indiquer que les effets cumulés du projet ont évolué depuis l'octroi de l'autorisation initiale, justifier que le fonctionnement du projet litigieux présente des inconvénients ou des dangers pour les intérêts visés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement de nature à affecter par eux-mêmes les conditions d'exploitation de son parc éolien.

6. En troisième lieu, la société Parc éolien de Vaux-Coulommes soutient que l'implantation du parc litigieux engendrera des effets de sillage pour les aérogénérateurs qu'elle exploite à proximité du site du projet. Elle précise que ces effets produiront des turbulences et une perte de vitesse de rotation et causeront ainsi une usure accélérée de ses éoliennes et une perte de productivité. Toutefois, alors que l'ensemble des éoliennes du projet sont situées à plus de 500 mètres du parc de Vaux-Coulommes, la requérante se borne, pour justifier de l'existence de ces effets de sillage, à souligner la proximité existante entre les deux parcs et à se référer à la réserve retenue par la commissaire-enquêteuse préconisant une évaluation des risques de perte de production, mais qui n'a été émise qu'en réponse à un courrier de la société requérante lui-même dénué de tout élément établissant l'existence d'un risque d'effet de sillage. Dans ces conditions, en l'absence de tout élément étayant la réalité du phénomène de sillage évoqué et alors que la société pétitionnaire fait valoir sans être contestée avoir veillé à ne créer aucun risque et avoir, à ce titre, notamment décalé l'éolienne la plus proche du parc de Vaux-Coulommes, pour éviter toute turbulence dans le sens des vents dominants, la société requérante ne saurait se prévaloir des effets de sillage pour justifier disposer d'un intérêt à contester l'arrêté litigieux.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la société requérante ne justifie pas que le projet litigieux engendrera des inconvénients ou des dangers aux intérêts visés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, qui seraient de nature à affecter par eux-mêmes les conditions d'exploitation de son parc éolien. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre fin de

non-recevoir soulevée par la ministre de la transition écologique, celle-ci ainsi que la société Centrale éolienne le Mont de Malan et la société Neoen sont fondées à soutenir que la requérante ne justifie pas d'un intérêt pour demander l'annulation de l'autorisation litigieuse. La requête doit donc être rejetée comme irrecevable.

Sur les frais d'instance :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée par la société requérante au titre des frais exposés et non compris dans les dépens soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Au contraire, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société requérante une somme globale de 2 000 euros à verser à la société Centrale éolienne le Mont de Malan et à la société Neoen.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Parc éolien de Vaux-Coulommes est rejetée.

Article 2 : La société Parc éolien de Vaux-Coulommes versera la somme globale de 2 000 euros à la société Centrale éolienne le Mont de Malan et à la société Neoen.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Parc éolien de Vaux-Coulommes, à la société Centrale éolienne le Mont de Malan, à la société Neoen et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie en sera adressée au préfet des Ardennes.

Délibéré après l'audience du 10 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Wurtz, président,

- Mme Haudier, présidente assesseure,

- M. Marchal, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 janvier 2023.

Le rapporteur,

Signé : S. A...

Le président,

Signé : Ch. WURTZLe greffier,

Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

N° 20NC03126

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC03126
Date de la décision : 31/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

44-02-02-005-03 Nature et environnement. - Installations classées pour la protection de l'environnement. - Régime juridique. - Actes affectant le régime juridique des installations. - Extension.


Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Swann MARCHAL
Rapporteur public ?: M. BARTEAUX
Avocat(s) : CABINET PEYRICAL et SABATTIER ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-01-31;20nc03126 ?
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