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09/02/2023 | FRANCE | N°21NC01363

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 09 février 2023, 21NC01363


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 30 septembre 2020 par lequel la préfète du Bas-Rhin lui a refusé le séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 2006842 du 17 décembre 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 mai 2021, Mme B..., représe

ntée par Me Burkatzki, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 30 septembre 2020 par lequel la préfète du Bas-Rhin lui a refusé le séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 2006842 du 17 décembre 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 mai 2021, Mme B..., représentée par Me Burkatzki, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préfète du Bas-Rhin du 30 septembre 2020 ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou subsidiairement de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de 15 jours à compter de cette même date ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier en l'absence de justification de signature de la minute ;

- les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation ;

- l'arrêté litigieux méconnait les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il porte atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- en cas d'annulation du jugement, la cour annulera l'arrêté litigieux, pour les motifs exposés en première instance.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 avril 2021.

Par une ordonnance du 16 juin 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 22 août 2022.

Un mémoire, produit par la préfète du Bas-Rhin, a été enregistré le 10 janvier 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... B..., ressortissante russe née le 20 août 1962, est entrée en France le 4 septembre 2014 sous couvert d'un visa de court séjour délivré par les autorités consulaires grecques à Moscou. Après avoir sollicité en vain l'asile, Mme B... a demandé, le 15 mars 2016, son admission au séjour pour état de santé et s'est vue remettre un titre de séjour temporaire valable du 27 juin 2016 au 26 juin 2017, dont elle a demandé le renouvellement. Par un arrêté du 11 mai 2018, le préfet du Bas-Rhin lui a refusé le séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français. Par un arrêté du 30 septembre 2020, la préfète du Bas-Rhin a rejeté la nouvelle demande de titre de séjour qu'elle a présentée et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination. Mme B... relève appel du jugement du 17 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté litigieux :

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... réside en France depuis 2014 et qu'elle a bénéficié d'une carte de séjour temporaire délivrée le 27 juin 2016, dont le renouvellement lui a été refusé le 11 mai 2018. Si elle est célibataire et sans enfant, il ressort des pièces du dossier qu'elle réside, à la date de l'arrêté litigieux, chez sa sœur, ressortissante russe d'origine tchétchène, titulaire d'une carte de résident et à laquelle la qualité de réfugié a été reconnue. Les nombreux certificats médicaux produits soulignent qu'elle souffre de plusieurs pathologies lourdes, physiques et psychiques, qui obèrent son autonomie, en particulier d'une pathologie auto-immune rare chronique aboutissant à une impotence des mains. Dans ces circonstances très particulières de l'espèce et au regard du rôle de soutien assuré par sa sœur avec laquelle elle vit, le refus de titre de séjour porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnait les dispositions et stipulations citées au point précédent. Mme B... est donc fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande et à demander l'annulation du refus de titre de séjour, qui implique, par voie de conséquence, l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

Sur les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte :

4. Eu égard au motif d'annulation du refus de titre de séjour ci-dessus retenu et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que des éléments de fait ou de droit nouveaux justifieraient que l'autorité administrative oppose une nouvelle décision de refus, le présent arrêt implique nécessairement que la préfète du Bas-Rhin délivre à Mme B... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". L'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire implique quant à elle que Mme B... soit immédiatement munie d'une autorisation provisoire de séjour en application de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de délivrer immédiatement à Mme B... une telle autorisation, l'autorisant expressément à exercer une activité professionnelle et, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, une carte de séjour temporaire. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés à l'instance :

5. Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et sous réserve que Me Burkatzki, avocat de Mme B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à cet avocat de la somme de 1 500 euros.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2006842 du tribunal administratif de Strasbourg du 17 décembre 2020 et l'arrêté de la préfète du Bas-Rhin du 30 septembre 2020 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à la préfète du Bas-Rhin de délivrer à Mme B... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans cette attente, de la munir immédiatement d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant expressément à exercer une activité professionnelle.

Article 3 : L'Etat versera à Me Burkatzki, avocat de Mme B..., une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Burkatzki renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à Me Burkatzki et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 19 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Samson-Dye, présidente,

- Mme Brodier, première conseillère,

- M. Marchal, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 février 2023.

La présidente-rapporteure,

Signé : A. C...L'assesseure la plus ancienne dans l'ordre du tableau,

Signé : H. Brodier

La greffière,

Signé : V. Chevrier La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière :

V. Chevrier

2

N° 21NC01363


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC01363
Date de la décision : 09/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme SAMSON-DYE
Rapporteur ?: Mme Aline SAMSON-DYE
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : BERARD JEMOLI SANTELLI BURKATZKI BIZZARRI

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-02-09;21nc01363 ?
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