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16/02/2023 | FRANCE | N°22NC02151

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 16 février 2023, 22NC02151


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler les arrêtés du 29 avril 2021et du 9 juin 2021 A... lesquels le préfet de l'Aube lui a refusé un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office.

A... un jugement n°s 2101584 et 2101594 du 12 octobre 2021, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ces demandes.

Procédure de

vant la cour :

A... une requête enregistrée le 11 août 2022, M. E..., représenté A... Me Ouri...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler les arrêtés du 29 avril 2021et du 9 juin 2021 A... lesquels le préfet de l'Aube lui a refusé un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office.

A... un jugement n°s 2101584 et 2101594 du 12 octobre 2021, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

A... une requête enregistrée le 11 août 2022, M. E..., représenté A... Me Ouriri, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler les arrêtés attaqués ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Aube de lui délivrer une carte de séjour temporaire, à défaut une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- les arrêtés sont insuffisamment motivés ;

- les refus de séjour : reposent sur une inexacte appréciation de l'article R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce qu'il a justifié son identité et sa date de naissance A... des actes d'état civil régulier et que le juge pour enfant l'avait reconnu mineur ; sont illégaux au regard des dispositions du 2° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il remplit toutes les conditions ; portent une atteinte disproportionnée à son droit à la vie privée et familiale en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales ;

- les obligations de quitter le territoire : sont privées de base légale du fait de l'illégalité des refus de séjour ; méconnaissent le 1) de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce qu'il est mineur ; portent une atteinte disproportionnée à son droit à la vie privée et familiale en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales ; reposent sur une appréciation manifestement erronées de leurs conséquences sur sa situation personnelle.

A... un mémoire en défense enregistré le 16 novembre 2022, le préfet de l'Aube conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

A... un mémoire enregistré le 8 décembre 2022, M. H... G... déclare intervenir volontairement au soutien de la requête de M. E....

M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle A... décision du 4 juillet 2022.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la constitution ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le décret n° 2020-1370 du 10 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience publique.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B... ;

- et les observations de M. E... et de M. G....

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., ressortissant guinéen, déclare être entré irrégulièrement en France au cours du mois de juin 2018. Il a été pris en charge A... l'aide sociale à l'enfance le 21 septembre 2018 en qualité de mineur non accompagné. Il a sollicité le 4 février 2021 la délivrance d'un titre de séjour en faisant valoir son placement auprès de l'aide sociale à l'enfance avant l'âge de seize ans. A... deux arrêtés des 23 avril et 9 juin 2021, le préfet de l'Aube a rejeté cette demande et a obligé l'intéressé à quitter le territoire dans un délai de trente jours à destination du pays dont il a la nationalité. M. E... relève appel du jugement du 12 octobre 2021 A... lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur l'intervention de M. G... :

2. M. G... en sa qualité de maître d'apprentissage de M. E..., exploitant de la boulangerie " Du pain et des images " à Troyes, justifie d'un intérêt à l'annulation des décisions attaquées. A... suite, il y a lieu d'admettre son intervention.

Sur la légalité des arrêtés attaqués :

En ce qui concerne les refus de séjour :

3. En premier lieu, les arrêtés attaqués comportent de manière suffisante et non stéréotypée les considérations de droit et de fait sur lesquelles l'autorité préfectorale s'est fondée afin de prendre à l'encontre de M. E... les décisions litigieuses. A... suite, le moyen tiré du défaut de motivation ne peut qu'être écarté.

4. En deuxième lieu, d'une part, aux termes du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, repris à l'article L. 423-22 du même code: " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) A l'étranger dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3, qui a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance et sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée ".

5. Lorsqu'il examine une demande de titre de séjour de plein droit portant la mention " vie privée et familiale ", présentée sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entre dans les prévisions de l'article L. 311-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, repris à l'article L. 421-35 du même code, que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public et qu'il a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance. Si ces conditions sont remplies, il ne peut alors refuser la délivrance du titre qu'en raison de la situation de l'intéressé appréciée de façon globale au regard du caractère réel et sérieux du suivi de sa formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le juge de l'excès de pouvoir exerce sur cette appréciation un entier contrôle.

6. D'autre part, aux termes du premier alinéa de l'article R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, repris à l'article R. 431-10 du même code : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour [présente] les documents justifiant de son état civil (...) et de sa nationalité ". L'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, repris à l'article L. 811-2 du même code, prévoit, en son premier alinéa, que la vérification des actes d'état civil étrangers doit être effectuée dans les conditions définies A... l'article 47 du code civil. Aux termes des dispositions de cet article : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".

7. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à

l'étranger peut être combattue A... tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est

irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation A... l'administration de la valeur probante

d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former

sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits A... les parties. Pour juger qu'un acte

d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou

inexact, le juge doit, en conséquence, se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans

le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier

les conséquences à tirer de la production A... l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée A... principe à de tels documents.

8. Pour rejeter la demande de titre de séjour présentée A... M. E... sur le fondement des dispositions du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile puis sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-22 du même code, le préfet de l'Aube s'est fondé sur le fait que les documents d'état civil produits A... l'intéressé pour prouver son identité et son âge sont falsifiés. Il en a déduit que l'intéressé n'avait pas justifié de son état civil, en méconnaissance des articles R. 311-2-2 et désormais R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

9. Il ressort des pièces du dossier que M. E... a produit à l'administration

deux extraits d'acte de naissance des 17 mai 2018 et 7 mars 2019, ainsi que deux jugements

supplétifs des 15 mai 2018 et 25 février 2019 et, enfin, un acte de décès de Mme F... C.... Il résulte d'un rapport d'examen technique documentaire établi A... la direction zonale

de la police aux frontières Est le 22 mars 2021 que les jugements supplétifs sont affectés de fautes de grammaire et d'impression incompatibles avec des documents officiels tandis que les cachets apposés sont manifestement contrefaits. Le jugement du 21 février 2019 mentionne en outre qu'il aurait été rendu à la requête de l'intéressé alors qu'il se trouvait en France. Le cachet apposé sur l'acte de naissance du 7 mars 2019 apparaît également matériellement contrefait. Dans ces conditions, le préfet a pu estimer à juste titre que ces documents n'étaient pas de nature à établir l'identité et la date de naissance de l'intéressé. A... son ordonnance du 21 septembre 2018, le juge pour enfants s'est borné à ordonner le placement de M. E... auprès de l'aide sociale à l'enfance et ne s'est pas prononcé sur la minorité de l'intéressé dès lors que le rapport d'évaluation des services du département de l'Aube n'était pas contesté. En conséquence, M. E... ne saurait se prévaloir de cette ordonnance afin de remettre en cause les éléments de preuve rassemblés A... l'administration afin d'établir le caractère contrefait des actes d'état civil présentés. De la même manière la circonstance qu'il n'a pas été procédé à une expertise osseuse ne saurait établir l'authenticité de ces documents. Dans ces conditions, c'est à juste titre que le préfet de l'Aube s'est fondé sur ce motif afin de refuser à M. E... le titre de séjour demandé.

10. En dernier lieu, M. E... déclare être arrivé récemment sur le territoire français, en juin 2018. A son arrivée en France, il a été confié à l'aide sociale à l'enfance et a bénéficié d'une prise en charge au regard de sa minorité, établie A... des documents dont l'authenticité est aujourd'hui à juste titre remise en cause. Le requérant, célibataire et sans charge de famille, ne se prévaut d'aucune attache familiale en France. De plus, il n'établit pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où réside notamment sa famille paternelle. Au regard de l'ensemble de ces circonstances, en dépit de son parcours de formation et d'apprentissage, le refus de séjour en litige n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale du requérant une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et n'a, A... suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que le préfet aurait fait une appréciation manifestement erronée des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle.

En ce qui concerne la légalité des obligations de quitter le territoire français :

11. Il résulte de ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à invoquer, A... la voie de l'exception, l'illégalité des refus de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre les obligations de quitter le territoire.

12. Il résulte également de ce qui précède que M. E... n'a pas établi sa minorité à la date des décisions attaquées. A... suite, il n'est pas fondé à soutenir qu'elles ont été prises en méconnaissance du 1° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

13. Pour les mêmes motifs que ci-dessus, les obligations de quitter le territoire ne méconnaissent pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales et ne reposent pas sur une appréciation manifestement erronée de leurs conséquences sur sa situation personnelle.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, A... le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. A... suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : L'intervention de M. G... est admise.

Article 2 : La requête de M. E... est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... E..., à M. G... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie du présent arrêt sera transmise au préfet de l'Aube.

Délibéré après l'audience du 26 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président de chambre,

M. Agnel, président assesseur,

Mme Brodier, première conseillère.

Rendu public A... mise à disposition au greffe le 16 février 2023.

Le rapporteur,

Signé : M. AgnelLe président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

N° 22NC02151

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC02151
Date de la décision : 16/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Marc AGNEL
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : OURIRI

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-02-16;22nc02151 ?
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