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02/03/2023 | FRANCE | N°22NC01988

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 02 mars 2023, 22NC01988


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg l'annulation de l'arrêté du 23 mai 2022 par lequel le préfet de la Moselle lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2203545 du 13 juillet 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 juillet 2022 et un mémoire complémentaire enregis

tré le 13 septembre 2022, M. C..., représenté par Me Eca, demande à la cour :

1°) d'annuler l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg l'annulation de l'arrêté du 23 mai 2022 par lequel le préfet de la Moselle lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2203545 du 13 juillet 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 juillet 2022 et un mémoire complémentaire enregistré le 13 septembre 2022, M. C..., représenté par Me Eca, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2203545 du tribunal administratif de Strasbourg du 13 juillet 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Moselle du 23 mai 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa demande de titre dans un délai de dix jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de trois cents euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- Le préfet de la Moselle a méconnu les dispositions des articles L. 423-7 et L 423-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il contribue de manière effective à l'entretien et à l'éducation de son enfant de nationalité française ;

- les premiers juges auraient dû considérer que les moyens tirés de la méconnaissance des articles L. 423-7 et L. 423-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile étaient dirigés, non pas contre la décision du 23 mai 2022 portant obligation de quitter le territoire français, mais contre la décision implicite de rejet de sa demande de titre de séjour, qui n'était pas devenue définitive à la date d'enregistrement de sa demande de première instance ;

- le préfet de la Moselle a sciemment refusé d'examiner sa demande de titre de séjour pour se prévaloir d'une décision implicite de rejet ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense enregistré le 18 août 2022, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par M. B... ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 novembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... est un ressortissant de la République démocratique du Congo, né le 15 décembre 1993. Il a déclaré être entré en France le 10 septembre 2019. Par courrier de son conseil du 7 octobre 2021, reçu le 11 octobre suivant, le requérant, se prévalant de sa qualité de parent d'un enfant français, a présenté une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des articles L. 423-7 et L. 423-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui s'est heurtée à une décision implicite de rejet. Le 23 mai 2022, l'intéressé a été placé en garde à vue par les services de la police de Metz pour des faits de violences conjugales sans incapacité temporaire de travail. En application du 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Moselle, par un arrêté du 23 mai 2022, lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement. M. B... a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 23 mai 2022. Il relève appel du jugement n° 2203545 du 13 juillet 2022, qui rejette sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. En premier lieu, contrairement aux allégations de M. B..., il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Moselle aurait sciemment refusé d'examiner sa demande de titre de séjour pour se prévaloir d'une décision implicite de rejet.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le silence gardé par l'autorité administrative sur les demandes de titres de séjour vaut décision implicite de rejet. ". Aux termes du premier alinéa de l'article R. 432-2 du même code : " La décision implicite de rejet mentionnée à l'article R.* 432-1 naît au terme d'un délai de quatre mois. ". Aux termes de l'article R421-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, dans les cas où le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet, l'intéressé dispose, pour former un recours, d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née une décision implicite de rejet. (...) ".

4. Il est constant que, par un courrier du 7 octobre 2021, adressé par son conseil aux services de la préfecture de la Moselle et reçu le 11 octobre suivant, M. B... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité de parent d'un enfant français sur le fondement des articles L. 423-7 et L. 423-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. A supposer même que le délai de quatre mois visé à l'article R. 432-2 du même code ait commencé à courir, non pas à compter de la date de réception de la demande de titre, mais à compter du courrier du 31 décembre 2021 informant l'intéressé de ce que sa demande avait bien été enregistrée, il ressort des pièces du dossier que la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par l'administration au cours de la période considérée n'a pas été contestée devant le tribunal administratif de Strasbourg dans le délai de deux mois suivant sa naissance. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que son moyen tiré de la méconnaissance des articles L. 423-7 et L. 423-8 aurait dû être regardé par les premiers juges comme dirigé contre cette décision implicite de rejet et non pas contre l'arrêté du 23 mai 2022 lui faisant obligation de quitter sans délai le territoire français.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ". Aux termes de l'article L. 423-8 du même code : " Pour la délivrance de la carte de séjour prévue à l'article L. 423-7, lorsque la filiation est établie à l'égard d'un parent en application de l'article 316 du code civil, le demandeur, s'il n'est pas l'auteur de la reconnaissance de paternité ou de maternité, doit justifier que celui-ci contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, dans les conditions prévues à l'article 371-2 du code civil, ou produire une décision de justice relative à la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant. Lorsque le lien de filiation est établi mais que la preuve de la contribution n'est pas rapportée ou qu'aucune décision de justice n'est intervenue, le droit au séjour du demandeur s'apprécie au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant. ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 611-3 du même code : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : 5° L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans ; (...) ". Aux termes de l'article 371-2 du code civil : " Chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant. / Cette obligation ne cesse de plein droit ni lorsque l'autorité parentale ou son exercice est retiré, ni lorsque l'enfant est majeur. ".

6. M. B... ne saurait utilement, pour contester la légalité de la mesure d'éloignement litigieuse, se prévaloir des dispositions des articles L. 423-7 et L 423-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. A supposer qu'il ait entendu invoquer une méconnaissance des dispositions du 5° de l'article L. 611-3 du même code, il n'est pas contesté que M. B... est le père d'un enfant français, né à Peltre le 6 mars 2021 et issu de sa relation avec une ressortissante française, dont il est aujourd'hui séparé. Le requérant verse au débat contradictoire quelques photographies, des factures nominatives d'achat de denrées alimentaires, d'articles de puériculture et de vêtements, ainsi qu'une attestation d'un pédiatre du 6 octobre 2021. Toutefois, alors que l'intéressé a admis avoir mis un terme à sa relation au mois de juin 2021 et n'avoir plus eu de contact avec son enfant pendant plusieurs mois, ces seuls éléments, dont une partie est postérieure à l'arrêté en litige, ne suffisent pas à démontrer qu'il contribue de manière effective à l'entretien et à l'éducation de son fils depuis sa naissance. En outre, s'il est vrai que par un jugement du 6 mai 2022, le tribunal judiciaire de Metz lui a reconnu l'exercice conjoint de l'autorité parentale sur l'enfant et un droit de visite deux fois par mois à compter du 15 mai 2022, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier qu'il aurait fait usage de ce droit. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du 5° de l'article L 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté.

7. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfants : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

8. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est arrivé en France, le 10 septembre 2019, à l'âge de vingt-six ans. Hébergé par son frère, il vit séparé de la mère de son enfant depuis juin 2021 et ne justifie pas contribuer de manière effective à l'entretien et l'éducation de son fils depuis sa naissance. Il a été placé en garde à vue le 23 mai 2022 à la suite d'une plainte de son ancienne compagne pour des faits de violences conjugales. Par suite, et alors que l'intéressé n'établit pas, ni même n'allègue, être isolé dans son pays d'origine, il y a lieu d'écarter les moyens tirés respectivement de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de la Moselle du 23 mai 2022, ni à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, ainsi que ses conclusions à fin d'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Eca.

Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.

Délibéré après l'audience du 9 février 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Laubriat, président de la chambre,

- M. Meisse, premier conseiller,

- Mme Roussaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 mars 2023.

Le rapporteur,

Signé : E. A...

Le président,

Signé : A. Laubriat

La greffière,

Signé : N. Basso

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N. Basso

N° 22NC01988 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC01988
Date de la décision : 02/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAUBRIAT
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : ECA

Origine de la décision
Date de l'import : 08/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-03-02;22nc01988 ?
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