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11/05/2023 | FRANCE | N°22NC02561

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 11 mai 2023, 22NC02561


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 13 avril 2021 par lequel la préfète du Bas-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée d'office.

Par un jugement n° 2103568 du 4 novembre 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requêt

e enregistrée le 18 octobre 2022, Mme B..., représentée par Me Burkatzki, demande à la cour :

1°) d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 13 avril 2021 par lequel la préfète du Bas-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée d'office.

Par un jugement n° 2103568 du 4 novembre 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 octobre 2022, Mme B..., représentée par Me Burkatzki, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté attaqué ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt et sous astreinte de cent-cinquante euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier : en ce que la minute n'est pas signée par le président, le rapporteur et le greffier d'audience en violation de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ; en ce qu'en méconnaissance de l'article L. 5 du code de justice administrative, le mémoire du 1er octobre 2021, enregistrée avant clôture, contenant une pièce décisive, son dossier médical, n'a pas été examiné et n'a pas été communiqué, le jugement énonçant en outre de manière erronée qu'elle n'avait pas produit de pièce médicale à l'encontre de l'avis de l'office français de l'immigration et de l'intégration ;

- le refus de séjour : a été pris en violation du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce que les pièces médicales qu'elle produit démontrent que son état de santé nécessite des soins dont le défaut devrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'elle n'aura pas accès à ces soins dans son pays d'origine ; porte une atteinte disproportionnée à son droit à la vie privée et familiale en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales ; ne prend pas en compte l'intérêt supérieur de ses enfants mineurs en violation de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 septembre 2022.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la constitution ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le décret n° 2020-1370 du 10 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience publique.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., de nationalité kosovienne, entrée irrégulièrement en France au cours de l'année 2018, accompagnée de ses enfants mineurs, a déposé une demande d'asile rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 23 octobre 2018, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 11 avril 2019. Sa demande de réexamen a fait l'objet d'une décision d'irrecevabilité du 25 juillet 2019, confirmée par la CNDA le 28 novembre 2019. L'intéressée a sollicité le 12 août 2020, un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable. Au vu d'un avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 25 janvier 2021, la préfète du Bas-Rhin lui a refusé le séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire par un arrêté du 13 avril 2021. Mme B... relève appel du jugement du 4 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

En ce qui concerne la signature de la minute :

2. Il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement attaqué a été signée par la présidente de la formation de jugement, la rapporteure et la greffière. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué a été pris en violation de l'article R. 741-7 du code de justice administrative.

En ce qui concerne le respect du contradictoire :

3. Lorsque, après la clôture de l'instruction, le juge est saisi d'un mémoire émanant d'une des parties, il lui appartient d'en prendre connaissance ainsi que de le viser dans sa décision. S'il a toujours la faculté d'en tenir compte après l'avoir analysé et avoir rouvert l'instruction, il n'est tenu de le faire, à peine d'irrégularité de sa décision, que si ce mémoire contient l'exposé soit d'une circonstance de fait dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, soit d'une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d'office

4. Il ressort des pièces du dossier que l'affaire de Mme B... a fait l'objet devant le tribunal administratif de Strasbourg, par ordonnance du 1 juin 2021, d'une inscription à une audience du 8 juillet 2021 et d'une clôture de l'instruction au 28 juin 2021. A la suite de la réception du mémoire en défense de l'administration, les parties ont été avisées le 5 juillet 2021 du renvoi de l'affaire au 9 septembre 2021. Par ordonnance du 5 juillet 2021, la clôture de l'instruction de l'affaire a été fixée au 26 août 2021. L'affaire a finalement été renvoyée à l'audience du 7 octobre 2021. Il résulte de ces éléments que lorsque Mme B... a produit un mémoire complémentaire enregistré au greffe du tribunal administratif le 1er octobre 2021, l'instruction de l'affaire était close. Il ressort des visas du jugement attaqué que la juridiction a pris connaissance du mémoire du 1er octobre 2021 de Mme B... et a décidé de ne pas rouvrir l'instruction et de ne pas le communiquer. Ce mémoire faisant état du contenu du dossier médical de l'intéressée, et ce dossier lui ayant été communiqué le 20 mai 2021, Mme B... avait été mise à même d'invoquer utilement cette circonstance de fait avant la clôture de l'instruction. Par suite, c'est sans méconnaître les règles ci-dessus rappelées que le tribunal administratif n'a pas communiqué ce mémoire.

Sur la légalité du refus de séjour :

En ce qui concerne l'état de santé de Mme B... :

5. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...). La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat ".

6. Le collège des médecins de l'OFII, dans son avis du 25 janvier 2021, a estimé que l'état de santé de Mme B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'elle peut voyager sans risques vers son pays d'origine. Afin de contester cet avis, la requérante se borne à se prévaloir du certificat médical du docteur C... du 21 janvier 2020 qui faisait partie du dossier médical au vu duquel cet avis a été rendu et que le collège des médecins a donc nécessairement écarté. Alors que l'avis médical sur lequel l'autorité administrative s'est fondée a été rendu par trois praticiens, Mme B... n'établit pas que son état de santé a été inexactement appréciée en se prévalant de ce seul certificat médical. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que le refus de séjour a été pris en méconnaissance des dispositions ci-dessus reproduites.

En ce qui concerne la vie privée et familiale de Mme B... :

7. Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

8. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... est entrée en France avec ses filles en juillet 2018, moins de trois ans avant l'édiction de l'arrêté contesté. Elle ne démontre ni même n'allègue être dépourvue de toute attache dans son pays d'origine et ne fait état d'aucun lien privé ou familial qu'elle aurait tissé sur le territoire national. La requérante se borne à faire valoir que ses trois filles, qui sont scolarisées respectivement en seconde professionnelle Animation Enfance Personnes Âgées, en seconde Métiers de la beauté et du bien-être et en sixième bilangue de continuité, suivent des formations qui n'ont pas d'équivalence dans le système scolaire kosovar. Dans ces conditions, et alors qu'elle n'apporte aucun élément de nature à établir que ses filles ne pourraient pas poursuivre leur scolarité au Kosovo, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la préfète du Bas-Rhin a méconnu les normes ci-dessus reproduites.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B..., à Me Burkatzki et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie du présent arrêt sera transmise au préfet du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 6 avril 2023, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président de chambre,

M. Agnel, président assesseur,

Mme Mosser, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 mai 2023.

Le rapporteur,

Signé : M. AgnelLe président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

N° 22NC02561

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC02561
Date de la décision : 11/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Marc AGNEL
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : BERARD JEMOLI SANTELLI BURKATZKI BIZZARRI

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-05-11;22nc02561 ?
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