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30/05/2023 | FRANCE | N°20NC02500

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 30 mai 2023, 20NC02500


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) D... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 25 septembre 2018 par lequel le préfet des Ardennes a autorisé Mme F... C... née B... à exploiter une surface de 191 hectares et 29 ares, située sur les communes de Hannogne-Saint-Remy et Seraincourt (Ardennes).

Par un jugement n° 1802476 du 24 juin 2020, le tribunal administratif de

Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande et mis à sa charge le ve

rsement à Mme C... de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) D... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 25 septembre 2018 par lequel le préfet des Ardennes a autorisé Mme F... C... née B... à exploiter une surface de 191 hectares et 29 ares, située sur les communes de Hannogne-Saint-Remy et Seraincourt (Ardennes).

Par un jugement n° 1802476 du 24 juin 2020, le tribunal administratif de

Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande et mis à sa charge le versement à Mme C... de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 25 août 2020 et 24 août 2022, le GAEC D..., représenté par Me Ledoux, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du

24 juin 2020 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 25 septembre 2018 du préfet des Ardennes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier dans la mesure où il a été notifié à une date antérieure à sa date de lecture, ou n'a pas été prononcé en audience publique ;

- l'arrêté du préfet n'est pas suffisamment motivé ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen comparé des deux situations du preneur en place et du pétitionnaire ;

- le préfet a commis une erreur dans l'appréciation des situations familiales et professionnelles de Mme C... ;

- l'arrêté contesté méconnaît le principe de transparence des GAEC ;

- le préfet a commis une erreur dans l'appréciation des critères des 3° et 4° de l'article

L. 331-3 du code rural ;

- l'arrêté a été pris en méconnaissance des critères posés par les 5° et 6° de l'article L. 331-3 du code rural ;

- le préfet a commis une erreur dans l'appréciation des critères de l'unité de référence et du seuil de démembrement ;

- le préfet aurait dû procéder à une analyse concrète des conséquences économiques de la reprise.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 6 juillet 2021 et 7 octobre 2022, Mme C..., représentée par Me Verague, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge du GAEC D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par le groupement requérant ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 juillet 2022, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- si le préfet ne pouvait se fonder sur le seuil de démembrement, il aurait toutefois pris la même décision en se fondant sur l'absence d'atteinte à la viabilité du GAEC en application du 3° de l'article L. 311-3 du code rural et de la pêche maritime ;

- les autres moyens soulevés par le groupement requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Denizot, premier conseiller,

- les conclusions de M. Michel, rapporteur public,

- et les observations de Me Verague pour Mme G....

Considérant ce qui suit :

1. Le groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) D... exploite depuis le

28 octobre 1998 des terres, d'une superficie de 191 hectares et 29 ares, situées dans les communes de Hannogne-Saint-Rémy et Seraincourt en vertu d'un contrat de bail rural conclu, pour une durée initiale de dix-huit ans, entre les époux E... et M. A... D..., associé exploitant du GAEC. Ce bail a été reconduit tacitement pour une durée de neuf ans. Les trois enfants des époux E..., devenus propriétaires indivis des terres par succession, ont délivré à M. D... un congé à effet au

1er octobre 2015 pour la reprise des terres par leur fille et nièce, Mme F... C... née B.... Ce congé a été contesté devant le tribunal paritaire des baux ruraux de Charleville-Mézières. Mme C... a déposé une demande d'autorisation d'exploiter ces terres auprès des services de la direction départementale des territoires des Ardennes. Par un arrêté du 2 octobre 2015, le préfet des Ardennes a rejeté cette demande d'autorisation d'exploiter. Par un premier jugement du 1er août 2017, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté la demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Par un arrêt du 19 juillet 2018, la cour administrative d'appel de Nancy a annulé ce jugement au motif que l'arrêté du préfet était entaché d'un défaut de motivation et d'une erreur de droit en raison de l'absence d'examen comparatif des situations de Mme C... et du GAEC D.... Par le même arrêt, la cour administrative d'appel de Nancy a enjoint au préfet des Ardennes de prendre une nouvelle décision sur la demande d'autorisation d'exploiter présentée par Mme C.... Dans le cadre de cette injonction, le préfet des Ardennes, par un arrêté du 25 septembre 2018, a autorisé Mme C... à exploiter ces terres. Par un jugement du 24 juin 2020, dont le GAEC D... relève appel, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 741-1 du code de justice administrative : " Réserve faite des dispositions applicables aux ordonnances, la décision est prononcée en audience publique ". Aux termes de l'article R. 741-2 du même code : " La décision mentionne que l'audience a été publique (...). La décision fait apparaître la date de l'audience et la date à laquelle elle a été prononcée ".

3. La notification prématurée d'un jugement n'est pas de nature à mettre en cause la régularité du jugement lui-même. Par suite, la circonstance, à la supposer avérée que le jugement attaqué aurait été notifié le 23 juin 2020, soit un jour avant la date de sa lecture en audience publique mentionnée sur le jugement, ne saurait entacher ce jugement d'irrégularité. La seule circonstance que cette notification ait été anticipée ne saurait par ailleurs suffire à remettre en cause le fait que le jugement ait été lu en audience publique le 24 juin 2020, selon les mentions de cette décision qui font foi jusqu'à preuve du contraire.

4. Dès lors, le GAEC D... n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier.

Sur la légalité de l'arrêté du 25 septembre 2018 :

En ce qui concerne la légalité externe :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 331-3 du code rural, dans sa rédaction applicable au litige : " L'autorité administrative se prononce sur la demande d'autorisation en se conformant aux orientations définies par le schéma directeur départemental des structures agricoles applicable dans le département dans lequel se situe le fonds faisant l'objet de la demande (...) ". Aux termes de l'article R. 331-6 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " (...) II. La décision d'autorisation ou de refus d'exploiter prise par le préfet doit être motivée au regard des critères énumérés à l'article L. 331-3 (...) ". Si ces dispositions n'obligent pas le préfet à se prononcer expressément sur chacun des critères dont l'article L. 331-3 prescrit de tenir compte, il lui appartient de préciser en quoi la situation du demandeur par rapport à celle du précédent exploitant, justifie l'octroi ou non de l'autorisation d'exploiter au regard de ces critères et des orientations définies par le schéma directeur départemental des structures agricoles.

6. L'arrêté contesté se réfère aux articles L. 331-1 à L. 331-11 du code rural et de la pêche maritime et à l'arrêté du 18 mai 2009 établissant le schéma directeur départemental des structures agricoles des Ardennes. Cet arrêté comprend également l'analyse comparative de la situation familiale, personnelle, professionnelle de Mme C... par rapport à celle des exploitants du GAEC D.... Enfin, l'arrêté litigieux procède à la comparaison des conséquences économiques de cette autorisation d'exploiter sur les situations de Mme C... et du GAEC D..., notamment au regard de la viabilité de leurs exploitations. Par suite, contrairement à ce qu'allègue le GAEC D..., l'arrêté contesté, qui comporte les motifs sur la base desquels le préfet des Ardennes a estimé que la situation de Mme C..., appréciée au regard de celle du GAEC D..., justifiait l'octroi d'une autorisation d'exploiter, est suffisamment motivé.

7. En second lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet des Ardennes n'aurait pas examiné la demande de Mme C... au regard de l'ensemble des critères prévus par l'article

L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime.

En ce qui concerne la légalité interne :

8. Aux termes de l'article L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime dans sa rédaction applicable au litige : " L'autorité administrative se prononce sur la demande d'autorisation en se conformant aux orientations définies par le schéma directeur départemental des structures agricoles applicable dans le département dans lequel se situe le fonds faisant l'objet de la demande. Elle doit notamment : / 1° Observer l'ordre des priorités établi par le schéma départemental entre l'installation des jeunes agriculteurs et l'agrandissement des exploitations agricoles, en tenant compte de l'intérêt économique et social du maintien de l'autonomie de l'exploitation faisant l'objet de la demande ; / 2° S'assurer, en cas d'agrandissement ou de réunion d'exploitations, que toutes les possibilités d'installation sur une exploitation viable ont été considérées ; / 3° Prendre en compte les biens corporels ou incorporels attachés au fonds dont disposent déjà le ou les demandeurs ainsi que ceux attachés aux biens objets de la demande en appréciant les conséquences économiques de la reprise envisagée ; / 4° Prendre en compte la situation personnelle du ou des demandeurs, notamment en ce qui concerne l'âge et la situation familiale ou professionnelle et, le cas échéant, celle du preneur en place ; / 5° Prendre en compte la participation du demandeur ou, lorsque le demandeur est une personne morale, de ses associés à l'exploitation directe des biens objets de la demande dans les conditions prévues à l'article L. 411-59 ; / 6° Tenir compte du nombre d'emplois non salariés et salariés permanents ou saisonniers sur les exploitations concernées ; / 7° Prendre en compte la structure parcellaire des exploitations concernées, soit par rapport au siège de l'exploitation, soit pour éviter que des mutations en jouissance ne remettent en cause des aménagements réalisés à l'aide de fonds publics ; / 8° Prendre en compte la poursuite d'une activité agricole bénéficiant de la certification du mode de production biologique ; / 9° Tenir compte de l'intérêt environnemental de l'opération. / L'autorisation peut n'être délivrée que pour une partie de la demande, notamment si certaines des parcelles sur lesquelles elle porte font l'objet d'autres candidatures prioritaires. Elle peut également être conditionnelle ou temporaire ".

9. En premier lieu, selon une étude conduite par Cerfrance le 21 août 2018, dont l'analyse a été confirmée par une consultation technique du cabinet Thierry Blaise du 4 septembre 2018, la viabilité économique du GAEC D... serait compromise en cas de perte de la surface de

191 hectares et 29 ares. L'étude de Cerfrance précise cependant que, malgré la perte de cette surface, le licenciement d'un salarié et le rééchelonnement des prêts bancaires permettraient au GAEC D... d'atteindre un équilibre économique, alors que les études dont se prévaut le GAEC D... ne prennent pas en compte les possibilités de diminution ou d'étalement des charges de l'exploitation. Par ailleurs, aucune des études financières dont se prévaut le GAEC D... ne prend en compte les excédents dégagés, d'une part, par la production d'énergie électrique résultant des investissements photovoltaïques du GAEC D..., d'autre part, par l'exploitation, depuis l'année 2017 de 1,91 hectares de vigne de Champagne AOC. Mme C... fait à ce titre valoir, sans être utilement contredite, que l'exploitation de ce type de culture est susceptible de générer un résultat annuel d'exploitation d'environ 49 690 euros. Par suite, les analyses financières de Cerfrance et du cabinet Thierry Blaise se révèlent incomplètes pour apprécier de manière globale la situation économique du GAEC D.... Dès lors, en se fondant uniquement sur les études de Cerfrance et du cabinet Thierry Blaise, le GAEC D... n'est pas fondé à soutenir que le préfet des Ardennes aurait fait une inexacte application des dispositions du 3° de l'article L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime.

10. En deuxième lieu, en se bornant à soutenir que les situations appréhendées seraient erronées, le GAEC D... n'assortit pas son moyen tiré de la méconnaissance du 4° de l'article L. 331-3 du code précité de précisions suffisantes permettant d'en apprécier la portée ou le bien-fondé.

11. En troisième lieu, aux termes l'article L. 411-59 du code rural et la pêche maritime auquel le 5° de l'article L. 331-3 du même code se réfère : " Le bénéficiaire de la reprise doit, à partir de celle-ci, se consacrer à l'exploitation du bien repris pendant au moins neuf ans soit à titre individuel, soit au sein d'une société dotée de la personnalité morale, soit au sein d'une société en participation dont les statuts sont établis par un écrit ayant acquis date certaine. Il ne peut se limiter à la direction et à la surveillance de l'exploitation et doit participer sur les lieux aux travaux de façon effective et permanente, selon les usages de la région et en fonction de l'importance de l'exploitation. Il doit posséder le cheptel et le matériel nécessaires ou, à défaut, les moyens de les acquérir. / Le bénéficiaire de la reprise doit occuper lui-même les bâtiments d'habitation du bien repris ou une habitation située à proximité du fonds et en permettant l'exploitation directe. / Le bénéficiaire de la reprise doit justifier par tous moyens qu'il satisfait aux obligations qui lui incombent en application des deux alinéas précédents et qu'il répond aux conditions de capacité ou d'expérience professionnelle mentionnées aux articles L. 331-2 à L. 331-5 ou qu'il a bénéficié d'une autorisation d'exploiter en application de ces dispositions ".

12. Les législations portant sur le contrôle des structures des exploitations agricoles et celles portant sur les baux ruraux étant indépendantes, les conditions énoncées par l'article L. 411-59 du code rural et de la pêche maritime relatives aux conditions à remplir pour le bénéficiaire du droit de reprise ne peuvent en elles-mêmes fonder une autorisation ou un refus d'autorisation et ne constituent qu'un des éléments d'appréciation pris en considération par l'autorité préfectorale concernant la participation du demandeur à l'exploitation pour statuer sur une demande. En outre, l'exercice d'une profession par le conjoint du demandeur n'est pas au nombre des motifs qui peuvent légalement justifier un refus d'autorisation d'exploiter au regard des critères limitativement énumérés par les dispositions précitées du code rural.

13. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... réside, à la date de l'arrêté contesté, dans la commune de Nielles-les-Calais, située à 274 kilomètres de la commune de Seraincourt. Par ailleurs, Mme C... exploite à Nielles-les-Calais des chambres d'hôtes. Toutefois, contrairement à ce que fait valoir le GAEC D..., la profession de l'époux de Mme C... n'avait pas à être prise en compte par le préfet des Ardennes. En outre, dans le cadre de l'instruction de sa demande, Mme C... a indiqué au préfet des Ardennes qu'elle souhaitait réaliser son installation dans un cadre individuel et qu'elle " demeurerait pour les besoins des travaux d'exploitation dans les locaux d'habitation situés sur les biens repris ". Dès lors, en l'état de l'instruction, il ne ressort pas des pièces du dossier que, pour l'exploitation des terres en litige, Mme C... ne satisferait pas aux conditions posées par l'article

L. 411-59 du code précité. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 5° de l'article L. 331-3 du code précité doit être écarté.

14. En quatrième lieu, il ressort des études financières dont se prévalent Mme C... et le GAEC D... que la perte d'une superficie de 191 hectares implique que, pour le GAEC D..., un salarié permanent soit licencié. Toutefois, la perte de cet emploi salarié permanent serait compensée, selon les engagements de Mme C..., par l'arrivée de cette dernière comme exploitante ainsi que par l'embauche d'un jeune agriculteur à temps partiel. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet des Ardennes n'aurait pas tenu compte des emplois salariés et non-salariés sur les exploitations concernées pour accorder l'autorisation sollicitée par Mme C..., ou qu'il aurait méconnu les dispositions du 6° de l'article L. 331-3 cité précédemment.

15. En cinquième lieu, il ressort des pièces du dossier que la demande de Mme C..., ingénieure agronome, qui dispose de moyens financiers suffisants pour exploiter les terres en litige, s'inscrit dans le cadre d'un projet visant à installer, à temps partiel, un jeune agriculteur. En outre, ainsi qu'il a été dit précédemment, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet des Ardennes aurait fait une inexacte application des dispositions relatives aux conséquences économiques de la reprise, du nombre d'emplois sur les exploitations concernées ou encore des situations du demandeur au regard des conditions posées par l'article L. 411-59 du code rural et de la pêche maritime. Par suite, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet des Ardennes aurait fait une inexacte application des dispositions citées au point 8 dans l'appréciation des situations respectives du GAEC D... et de Mme C....

16. En sixième lieu, dès lors que les terres reprises sont exploitées au sein d'un groupement, il convient de retenir l'ensemble de l'exploitation qui fait l'objet du groupement pour statuer sur une demande d'autorisation d'exploiter ces terres et apprécier, le cas échéant, les conséquences économiques sur la viabilité de l'exploitation. Dès lors, contrairement à ce que soutient le GAEC D..., le préfet des Ardennes a pu, sans erreur de droit, apprécier les conséquences de l'opération, notamment au regard du seuil de démembrement et de l'unité de référence, par rapport à la totalité des terres exploitées par le groupement. Le moyen tiré de la méconnaissance du principe de transparence des GAEC doit donc, en tout état de cause, être écarté.

17. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 312-5 du code rural et de la pêche dans sa rédaction applicable au litige : " L'unité de référence est la surface qui permet d'assurer la viabilité de l'exploitation compte tenu de la nature des cultures et des ateliers de production hors sol ainsi que des autres activités agricoles. / Elle est fixée par l'autorité administrative, après avis de la commission départementale d'orientation de l'agriculture, pour chaque région naturelle du département par référence à la moyenne des installations encouragées au titre de l'article L. 330-1 au cours des cinq dernières années. Elle est révisée dans les mêmes conditions ". L'article L. 331-2 du même code dispose que : " I. Sont soumises à autorisation préalable les opérations suivantes : (...) 2° Quelle que soit la superficie en cause, les installations, les agrandissements ou les réunions d'exploitations agricoles ayant pour conséquence : / a) De supprimer une exploitation agricole dont la superficie excède un seuil fixé par le schéma directeur départemental des structures et compris entre le tiers et une fois l'unité de référence définie à l'article L. 312-5, ou de ramener la superficie d'une exploitation en deçà de ce seuil (...) ". Selon l'article 3 de l'arrêté du 18 mai 2009 établissant le schéma directeur départemental des structures agricoles des Ardennes, applicable à la demande de Mme C... " le seuil mentionné au 2° a) du I de l'article L. 331-2 du code rural, appelé seuil de démembrement, est fixé à 70 hectares ".

18. D'une part, le préfet des Ardennes s'est fondé sur l'unité de référence pour considérer que la reprise des terres par Mme C... ne remettait pas en cause la viabilité de l'exploitation du GAEC D.... Ainsi qu'il résulte des dispositions de l'article L. 312-5 du code rural et de la pêche maritime et des orientations du schéma départemental des Ardennes alors en vigueur, le préfet pouvait se fonder sur ce critère pour apprécier les conséquences économiques de sa décision autorisant Mme C... à exploiter les terres en litige.

19. D'autre part, l'article 1er de l'arrêté du 18 mai 2009 prévoit que la politique départementale des structures a pour objectif d'empêcher le démembrement d'exploitations agricoles viables pouvant permettre l'installation d'un ou plusieurs jeunes agriculteurs. Par suite, selon le schéma directeur départemental, le seuil de démembrement constituait un élément pouvant être pris en considération pour apprécier une demande d'exploitation de terres appartenant à une exploitation agricole. Dès lors, contrairement à ce que soutient le GAEC D..., le préfet des Ardennes pouvait se fonder sur le critère du seuil de démembrement pour apprécier si la demande d'exploitation des terres était conforme à l'orientation visant à empêcher le démembrement d'exploitations agricoles viables. Au surplus, il résulte de l'instruction que, comme le soutient le ministre de l'agriculture, le préfet des Ardennes aurait pris la même décision en se fondant uniquement sur le critère de l'unité de référence pour apprécier les conséquences économiques de la reprise des terres par Mme C..., et, par voie de conséquence, la viabilité de la situation du GAEC D....

20. Dès lors, le moyen tiré de ce que le préfet des Ardennes ne pouvait se fonder sur les critères du seuil de démembrement et de l'unité de référence pour accorder à Mme C... l'autorisation d'exploiter les terres doit être écarté.

21. Il résulte de tout ce qui précède que le GAEC D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le GAEC D... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de Mme C... présentées sur le fondement de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête du GAEC D... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de Mme C... présentées sur le fondement des dispositions de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au GAEC D..., à Mme F... C... et au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Copie en sera adressée au préfet des Ardennes.

Délibéré après l'audience du 9 mai 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Samson-Dye, présidente,

- Mme Roussaux, première conseillère,

- M. Denizot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 mai 2023.

Le rapporteur,

Signé : A. DenizotLa présidente,

Signé : A. Samson-Dye

La greffière,

Signé : N. Basso

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N. Basso

2

N° 20NC02500


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC02500
Date de la décision : 30/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme SAMSON-DYE
Rapporteur ?: M. Arthur DENIZOT
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : LEDOUX FERRI YAHIAOUI RIOU-JACQUES

Origine de la décision
Date de l'import : 13/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-05-30;20nc02500 ?
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