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06/06/2023 | FRANCE | N°22NC00248

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 06 juin 2023, 22NC00248


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 28 juin 2021 par lequel le préfet de l'Aube lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné.

Par un jugement n° 2101769 du 6 janvier 2022, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé l'arrêté du 28 juin 2021 et enjoint au préfet de l'Aube de délivrer à M. A...

un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 28 juin 2021 par lequel le préfet de l'Aube lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné.

Par un jugement n° 2101769 du 6 janvier 2022, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé l'arrêté du 28 juin 2021 et enjoint au préfet de l'Aube de délivrer à M. A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 1er février 2022, le préfet de l'Aube, représenté par Me Ancelet, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 6 janvier 2022 ;

2°) de rejeter les conclusions de M. A... ;

3°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- l'arrêté du 28 juin 2021 ne méconnaît pas l'article L. 423-21 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile car M. A... n'établit pas, par les documents qu'il a produits, son âge ;

- l'arrêté du 28 juin 2021 ne méconnaît pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 mars 2022, M. B... A..., représenté par Me Diarra, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens soulevés par le préfet de l'Aube ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code civil ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Sibileau, premier conseiller,

- et les observations de Me Ancelet pour le préfet de l'Aube ainsi que celles de Me Diarra pour M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant guinéen déclarant être né le 10 novembre 2002, serait entré en France en avril 2011. Il a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance du département de l'Aube par une ordonnance du procureur de la République de Nevers du 2 mai 2018, puis par un jugement du juge des enfants de C... du 28 septembre 2018. Le 26 septembre 2019, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en raison de sa qualité de mineur isolé placé à l'aide sociale à l'enfance avant l'âge de seize ans. Le préfet de l'Aube, par un arrêté du 28 juin 2021, a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Le préfet de l'Aube relève appel du jugement du 6 janvier 2022 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé l'arrêté du 28 juin 2021 et lui a enjoint de délivrer à M. A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois.

Sur la légalité de l'arrêté du 28 juin 2021 :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur : " Dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou s'il entre dans les prévisions de l'article L. 421-35, l'étranger qui a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance au plus tard le jour de ses seize ans se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Cette carte est délivrée sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation qui lui a été prescrite, de la nature des liens de l'étranger avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur son insertion dans la société française ".

3. L'article L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que : " La vérification des actes d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil ". L'article R. 431-10 du même code prévoit que : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : / 1° Les documents justifiant de son état civil (...) ". L'article 47 du code civil dispose que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". La force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

4. Pour refuser de délivrer un titre de séjour à M. A..., le préfet de l'Aube s'est fondé sur la circonstance que les documents qu'il avait produits pour établir son état civil étaient dépourvus de valeur probante dès lors que l'expertise documentaire avait relevé des anomalies et que l'intéressé ne justifiait ainsi ni de son identité ni de sa nationalité.

5. M. A... a produit un jugement supplétif tenant lieu d'acte de naissance n° 11275 du 23 mai 2018 délivré par le tribunal de première instance de Conakry 2 ainsi qu'une carte d'identité consulaire délivrée le 4 février 2021 ainsi qu'un passeport délivré le 18 août 2021. Dans un rapport du 2 mai 2018, le président du conseil départemental de la Nièvre a indiqué que les propos tenus par l'intéressé comme son apparence physique conduisent à le considérer comme mineur. Cette analyse n'a été remise en cause ni par le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nevers qui a ordonné le placement provisoire de M. A..., ni par le juge des enfants dans son jugement du 28 septembre 2018.

6. Pour contester l'authenticité de ce jugement supplétif , le préfet de l'Aube se prévaut de la circonstance que ce document a été imprimé sur papier ordinaire et non sur papier sécurisé. De surcroît, une lettre manquerait sur le cachet humide du tribunal de première instance de Conakry 2. Toutefois ces seules circonstances ne sauraient suffire à établir que ces actes d'état civil seraient irréguliers, falsifiés ou inexacts. Par suite, le préfet de l'Aube ne renverse pas la présomption de validité qui s'attache, en vertu notamment de l'article 47 du code civil, aux mentions contenues le jugement supplétif du 23 mai 2018 et dans les autres documents versés à l'instance.

7. En second lieu, dès lors que les premiers juges n'ont pas accueilli le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le préfet ne peut utilement soutenir que le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ait à tort annulé l'arrêté attaqué sur ce fondement.

8. Il résulte de ce qui précède que les conclusions du préfet de l'Aube doivent être rejetées.

Sur les frais d'instance :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que le préfet de l'Aube demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête du préfet de l'Aube est rejetée.

Article 2 : L'État versera à M. A... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de l'Aube.

Délibéré après l'audience du 17 mai 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Wallerich, président de chambre,

- M. Sibileau, premier conseiller,

- Mme Barrois, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 juin 2023.

Le rapporteur,

Signé : J.-B. SibileauLe président,

Signé : M. Wallerich

La greffière,

Signé : V. Firmery

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

V. Firmery

2

N° 22NC00248


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22NC00248
Date de la décision : 06/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WALLERICH
Rapporteur ?: M. Jean-Baptiste SIBILEAU
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : SCP ANCELET DOUCHIN ELIE SAUDUBRAY

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-06-06;22nc00248 ?
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