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29/06/2023 | FRANCE | N°22NC02567

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 29 juin 2023, 22NC02567


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 12 août 2021 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 2106385 du 18 novembre 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure deva

nt la cour :

Par une requête enregistrée le 19 octobre 2022, M. A..., représenté par Me Burk...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 12 août 2021 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 2106385 du 18 novembre 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 octobre 2022, M. A..., représenté par Me Burkatzki demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 18 novembre 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 12 août 2021 par lequel la préfète du Bas-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de destination de sa reconduite à la frontière ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de délivrer une carte de séjour portant la mention vie privée et familiale dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours, sous la même astreinte ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier en l'absence de signature de la minute par le président, le rapporteur et le greffier ;

- les premiers juges ont méconnu le principe du contradictoire dès lors que le mémoire complémentaire enregistré le 17 octobre 2021 avant la clôture d'instruction de 3 jours francs avant l'audience du 21 octobre 2021 et en réponse au mémoire en défense du préfet du 15 octobre 2021 communiqué après la clôture du 7 octobre 2021, n'a pas été communiqué ;

- le jugement est insuffisamment motivé quant à la réponse au moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et en ce qu'il a évoqué l'Arménie à plusieurs reprises alors que le requérant est bangladais ;

- la décision méconnaît l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 janvier 2023, la préfète du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 septembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Barrois, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant bangladais, est entré sur le territoire français le 13 novembre 2015 afin d'y solliciter la reconnaissance du statut de réfugié. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 21 décembre 2016, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 8 juin 2017 et il a fait l'objet d'un refus de titre et d'une obligation de quitter le territoire français dont la légalité a été confirmée par le tribunal administratif de Strasbourg le 10 août 2017. Le 8 septembre 2017, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour pour raisons de santé qui lui a été refusé par un arrêté du 18 décembre 2017. A la suite de l'annulation par la cour administrative d'appel de Nancy de cet arrêté le 29 janvier 2019 et d'une injonction à réexaminer sa situation, le collège des médecins de l'OFII a de nouveau rendu un avis défavorable le 6 août 2019 et le préfet par un arrêté du 4 octobre 2019 lui a à nouveau refusé un titre de séjour dont la légalité a été confirmée par un arrêt de la présente Cour du 4 juin 2021. Le 1er février 2021, il a sollicité à nouveau son admission au séjour pour raisons de santé qui lui a été refusé par un arrêté du 12 août 2021 M. A... fait appel du jugement du 18 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

En ce qui concerne la signature de la minute :

2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative aux termes duquel : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". Il résulte de l'examen de la minute du jugement attaqué que celle-ci comporte toutes les signatures requises par les dispositions qui précèdent. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit dès lors être écarté.

En ce qui concerne la méconnaissance du principe du contradictoire :

3. Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " (...) La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes (...). / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ".

4. En l'espèce, à la suite de l'enregistrement de la requête le 17 septembre 2021, par une ordonnance du 24 septembre 2021, le tribunal administratif avait fixé la clôture de l'instruction au 7 octobre et inscrit l'affaire au rôle de l'audience du 21 octobre 2021. Toutefois, la préfète du Bas-Rhin ayant présenté un premier mémoire en défense le 15 octobre 2021, le tribunal a décidé de le communiquer le même jour au requérant en l'invitant à présenter des observations dans les meilleurs délais. Cette communication après clôture a eu pour effet de rouvrir automatiquement l'instruction qui, en l'absence de nouvelle ordonnance de clôture, était close à nouveau 3 jours francs avant l'audience du 21 octobre 2021 soit le 17 octobre à minuit. D'une part, le court délai de deux jours donné au requérant pour répondre au premier mémoire en défense de la préfète enregistré tardivement avant clôture méconnait le principe du contradictoire. D'autre part, dès lors que le mémoire en réponse du requérant enregistré le 17 octobre à 22h19 a été présenté avant clôture et contenait toutes les pièces relatives à la situation médicale du requérant dont la production avait été annoncée dans la requête introductive d'instance, il aurait dû être visé dans le jugement, communiqué et l'affaire renvoyée à une audience ultérieure afin notamment de permettre aux premiers juges de prendre en compte les éléments nouveaux du dossier. Par suite, le tribunal a méconnu les exigences qui découlent des dispositions de l'article R. 611-1 du code de justice administrative et qui sont destinées à garantir le caractère contradictoire de l'instruction. Il suit de là que M. A... est fondé à soutenir que le jugement attaqué est intervenu à la suite d'une procédure irrégulière et à en demander, pour ce motif, l'annulation.

En ce qui concerne l'insuffisance de motivation :

5. Il résulte des motifs même du jugement que le tribunal a répondu au moyen tiré de la méconnaissance des articles L. 542-1 à L. 542-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en se fondant sur la situation d'une autre personne " il ressort des pièces du dossier, notamment du relevé " Telemofpra " produit en défense, que Mme E... s'est vu notifier, le 21 juin 2017, la décision par laquelle la Cour nationale du droit d'asile a rejeté sa demande d'asile. " et en tirant la conséquence que " M. A... n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause l'exactitude des mentions portées sur ce relevé. ". Par suite, le jugement est également irrégulier sur ce point.

6. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer sur les conclusions présentées par M. A... devant le tribunal administratif de Strasbourg.

Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrête du 12 août 2021 :

7. D'une part, M. B... C..., chef du bureau de l'asile et de l'éloignement, a délégation pour signer les décisions relevant du champ de compétence de son bureau à savoir notamment les arrêtés de transfert et les décisions d'assignation à résidence parmi lesquelles ne figurent ni le refus de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée ni les obligations de quitter le territoire français. D'autre part, même si la préfète du Bas-Rhin renvoie en première instance à un arrêté lui donnant délégation de signature pour signer lesdites décisions, celui-ci en date du 31 août 2021, publié au recueil des actes d'administratifs du 31 août 2021 n'est entré en vigueur qu'au 1er septembre 2021 soit postérieurement à la date de la décision attaquée du 12 août 2021. Par suite, la décision est entachée d'incompétence et l'arrêté du 12 août 2021 doit être annulé.

8. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête que M. A... est fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 12 août 2021.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Le présent arrêt, par lequel la Cour fait droit aux conclusions à fin d'annulation présentées par M. A... devant le tribunal administratif de Strasbourg, n'implique cependant pas, eu égard au motif d'annulation ci-dessus énoncé, que l'administration prenne une nouvelle décision dans un sens déterminé. Par suite, les conclusions du requérant tendant à ce que lui soit délivré un titre de séjour doivent être rejetées. Il y a seulement lieu d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de statuer à nouveau sur la situation de l'intéressé dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

10. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Burkatzki, avocat de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Burkatzki de la somme de 1 500 euros.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2106385 du 18 novembre 2021 du tribunal administratif de Strasbourg et l'arrêté du 12 août 2021 par lequel la préfète du Bas-Rhin a rejeté la demande de titre de séjour présentée par M. A... et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant son pays de destination sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à la préfète du Bas-Rhin de procéder au réexamen de la demande de titre de séjour présentée par M. A... dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Burkatzki, avocat de M. A..., une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Burkatzki renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D..., à Me Burkatzki et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 5 juin 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Wallerich, président de chambre,

- M. Sibileau, premier conseiller,

- Mme Barrois, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 juin 2023.

La rapporteure,

Signé : M. BarroisLe président,

Signé : M. Wallerich

La greffière,

Signé : E. DelorsLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

2

N° 22NC02567


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22NC02567
Date de la décision : 29/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WALLERICH
Rapporteur ?: Mme Marion BARROIS
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : BERARD JEMOLI SANTELLI BURKATZKI BIZZARRI

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-06-29;22nc02567 ?
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