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04/07/2023 | FRANCE | N°22NC02099

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 04 juillet 2023, 22NC02099


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le maire de la commune de Barbas a demandé au tribunal administratif de Nancy de déclarer Mme B... A... démissionnaire d'office de ses fonctions de conseillère municipale.

Par un jugement n° 2201783 du 21 juillet 2022, le tribunal administratif de Nancy a fait droit à cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 août 2022, et un mémoire complémentaire, enregistré le 7 mars 2023, Mme B... A..., représentée par Me Rattaire, demande à la cour : >
1°) d'annuler le jugement n° 2201783 du tribunal administratif de Nancy du 21 juillet 2022 ;

2°...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le maire de la commune de Barbas a demandé au tribunal administratif de Nancy de déclarer Mme B... A... démissionnaire d'office de ses fonctions de conseillère municipale.

Par un jugement n° 2201783 du 21 juillet 2022, le tribunal administratif de Nancy a fait droit à cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 août 2022, et un mémoire complémentaire, enregistré le 7 mars 2023, Mme B... A..., représentée par Me Rattaire, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2201783 du tribunal administratif de Nancy du 21 juillet 2022 ;

2°) de rejeter la demande du maire de Barbas tendant à ce qu'elle soit déclarée démissionnaire d'office de son mandat de conseillère municipale ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le maire de Barbas n'a pas respecté le délai d'un mois, qui lui était imparti à peine de déchéance, pour saisir le tribunal administratif en raison de son absence alléguée le 7 avril 2022 ;

- la convocation à la séance du conseil municipal du 8 juin 2022, à supposer qu'elle soit authentique, n'est pas régulière dès lors qu'elle a été signée par le premier adjoint et non par le maire ;

- elle ne pouvait pas être déclarée démissionnaire d'office dès lors qu'elle n'a pas été destinataire d'une convocation en vue d'accomplir les fonctions de présidente ou d'assesseure lors des élections législatives des 12 et 22 juin 2022, ni d'une demande de communication de ses disponibilités ou des motifs de son indisponibilité, ni encore, à défaut de réponse, d'un avertissement préalable l'informant des risques encourus ;

- lors de la séance du conseil municipal du 8 juin 2022, elle a fait savoir qu'elle ne pouvait assurer, pour des raisons médicales, les fonctions d'assesseure du bureau de vote lors du premier tour des élections législatives du 12 juin 2022 ;

- faisant l'objet d'un traitement médical lourd depuis le 12 décembre 2021, les motifs de son empêchement étaient légitimes, connus et acceptés du maire et des conseillers municipaux, les seconds ayant décidé à l'unanimité la mise en place d'une organisation permettant de suppléer son absence ;

- à défaut d'une déclaration expresse de refus ou d'une abstention prolongée après avertissement, les conditions nécessaires à la mise en œuvre de la procédure prévue à l'article L. 2121-5 du code général des collectivités territoriales n'étaient pas réunies ;

- son absence n'a eu aucune incidence sur le bon déroulement des opérations de vote ;

- le maire de Barbas a eu recours à cette procédure dans le but d'éliminer une opposante politique et de rééquilibrer politiquement son conseil municipal au sein duquel il est devenu minoritaire à la suite de la défection d'un de ses soutiens.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 août 2022, le ministre de l'intérieur et des outre-mer s'en remet à la sagesse de la cour.

Par un mémoire, enregistré le 25 novembre 2022, et un mémoire complémentaire, enregistré le 24 avril 2023, la commune de Barbas, représentée par Me Millot-Logier, conclut au rejet de la requête à la mise à la charge de Mme A... de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- Mme A... ayant exprimé son refus de participer en tant qu'assesseure au premier tour des élections législatives du 12 juin 2022 lors du conseil municipal du 8 juin, le maire de Barbas, qui a saisi le tribunal administratif de Nancy le 22 juin 2022, a respecté le délai d'un mois qui lui était imparti ;

- jusqu'à sa requête d'appel, où elle invoque pour la première des raisons médicales, la requérante n'avait fait état, y compris devant le tribunal, d'aucune excuse valable susceptible de justifier son refus ;

- le refus de Mme A... résulte d'une déclaration expresse publique et non pas d'une abstention prolongée après avertissement ;

- aucun détournement de procédure n'a été commis par le maire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code électoral ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Meisse,

- les conclusions de M. Barteaux, rapporteur public,

- et les observations de Me Mine pour Mme A... et de Me Widemann pour la commune de Barbas.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... A... est conseillère municipale de Barbas (Meurthe-et-Moselle). En application des dispositions du deuxième alinéa de l'article R. 2121-5 du code général des collectivités territoriales, le maire de cette commune a saisi le tribunal administratif de Nancy d'une demande tendant à ce qu'elle soit déclarée démissionnaire d'office de son mandat. Mme A... relève appel du jugement n° 2201783 du 21 juillet 2022, qui fait droit à cette demande.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes, d'une part, de l'article L. 2121-5 du code général des collectivités territoriales : " Tout membre d'un conseil municipal qui, sans excuse valable, a refusé de remplir une des fonctions qui lui sont dévolues par les lois, est déclaré démissionnaire par le tribunal administratif. / Le refus résulte soit d'une déclaration expresse adressée à qui de droit ou rendue publique par son auteur, soit de l'abstention persistante après avertissement de l'autorité chargée de la convocation. / Le membre ainsi démissionnaire ne peut être réélu avant le délai d'un an. ". Aux termes de l'article R. 2121-5 du même code : " Dans les cas prévus à l'article L. 2121-5, la démission d'office des membres des conseils municipaux est prononcée par le tribunal administratif. / Le maire, après refus constaté dans les conditions prévues par l'article L. 2121-5 saisit dans le délai d'un mois, à peine de déchéance, le tribunal administratif. / Faute d'avoir statué dans le délai fixé à l'alinéa précédent, le tribunal administratif est dessaisi. Le greffier en chef en informe le maire en lui faisant connaître qu'il a un délai d'un mois, à peine de déchéance, pour saisir la cour administrative d'appel. / Lorsque le tribunal administratif prononce la démission d'un conseiller municipal, le greffier en chef en informe l'intéressé en lui faisant connaître qu'il a un délai d'un mois pour se pourvoir devant la cour administrative d'appel. / La contestation est instruite et jugée sans frais par la cour administrative d'appel dans le délai de trois mois. ".

3. Aux termes, d'autre part, du premier alinéa de l'article R. 42 du code électoral : " Chaque bureau de vote est composé d'un président, d'au moins deux assesseurs et d'un secrétaire choisi par eux parmi les électeurs de la commune. ". Aux termes du premier alinéa de l'article R. 43 du même code : " Les bureaux de vote sont présidés par les maire, adjoints et conseillers municipaux dans l'ordre du tableau. A leur défaut, les présidents sont désignés par le maire parmi les électeurs de la commune. ". Aux termes du premier alinéa de l'article R. 44 du même code : " Les assesseurs de chaque bureau sont désignés conformément aux dispositions ci-après : - chaque candidat, binôme de candidats ou chaque liste en présence a le droit de désigner un assesseur et un seul pris parmi les électeurs du département ; - des assesseurs supplémentaires peuvent être désignés par le maire parmi les conseillers municipaux dans l'ordre du tableau puis, le cas échéant, parmi les électeurs de la commune. ".

4. Il résulte des dispositions du premier alinéa de l'article R. 44 du code électoral que la fonction d'assesseur de bureau de vote qui peut être confiée par le maire à des membres du conseil municipal compte parmi les fonctions qui leur sont dévolues par les lois au sens de l'article L. 2121-5 du code général des collectivités territoriales. Un conseiller municipal ne peut se soustraire à cette obligation que s'il est en mesure, sous le contrôle du juge administratif, de présenter une excuse valable. Peut, le cas échéant, être regardé comme excipant d'une telle excuse, pour l'application de ces dispositions, un conseiller municipal qui établit l'existence de manœuvres consistant en des décisions ou comportements d'un maire destinés à provoquer un refus de l'intéressé d'exercer ces fonctions, susceptible de le faire regarder comme s'étant de lui-même placé dans la situation où il peut être déclaré démissionnaire d'office.

5. En premier lieu, si le maire de la commune de Barbas, dans son courrier de saisine du tribunal administratif du 22 juin 2022, a rappelé que Mme A... n'avait pas assuré sa permanence lors du premier tour des élections présidentielles du 10 avril 2022, sans l'en avoir informé au préalable, il résulte de ses écritures qu'il sollicitait la démission d'office de l'intéressée pour avoir, lors des élections législatives, " refusé de tenir le scrutin du 12 juin sans motif valable ". Dans ces conditions, ce refus ayant été constaté lors du conseil municipal du 8 juin 2022, la demande de première instance, enregistrée le 24 juin 2022, a été présentée avant l'expiration du délai d'un mois imparti au maire à peine de déchéance. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que cette demande serait irrecevable pour forclusion.

6. En second lieu, il résulte de l'instruction que la requérante, désignée par le maire de Barbas pour être assesseure du bureau de vote lors du premier tour des élections législatives du 12 juin 2022, a déclaré expressément à ce dernier et aux autres conseillers présents, lors de la réunion du conseil municipal du 8 juin 2022, qu'elle n'assurerait pas cette permanence. Elle doit ainsi être regardée comme ayant refusé d'exercer une des fonctions qui lui sont dévolues par les lois. Si l'intéressée, qui n'a pas défendu devant le tribunal administratif, s'est bornée à invoquer, lors de son refus, des " raisons personnelles ", elle produit en appel les résultats d'un scanner abdomino-pelvien du 14 novembre 2021 et un certificat médical du 4 août 2022, établi postérieurement au scrutin par son médecin traitant, dont il ressort qu'elle a été victime d'une plaie superficielle par arme blanche au niveau de l'abdomen et qu'elle est traitée par antidépresseurs depuis le 12 décembre 2021. Toutefois, ces documents ne suffisent pas à établir que l'état de santé de Mme A... rendait impossible sa présence lors du premier tour des élections législatives du 12 juin 2022. Dans ces conditions et alors qu'il n'est pas contesté que l'intéressée a, le 19 juin suivant, tenu le bureau de vote en qualité d'assesseure à l'occasion du second tour, ils ne peuvent être considérés comme constituant une " excuse valable " au sens des dispositions du premier alinéa de l'article L. 2121-5 du code général des collectivités territoriales.

7. La requérante ne saurait utilement soutenir que le maire de Barbas ne lui a adressé aucun avertissement préalable l'informant des conséquences encourues en cas de non-satisfaction des obligations légales, une telle condition n'étant pas requise lorsque le conseiller, comme en l'espèce, refuse expressément de remplir ses fonctions. Si Mme A... fait valoir que la convocation à la séance du conseil municipal du 8 juin 2022, à supposer qu'elle soit authentique, n'est pas régulière, que le maire de Barbas n'a pas contesté son refus, qu'elle n'a été destinataire d'aucune convocation, ni de demande de communication de ses disponibilités ou des motifs de son indisponibilité, et que son absence n'a pas affecté le bon déroulement des opérations de vote, de telles circonstances, à les supposer même établies, sont sans incidence sur l'appréciation des conditions de mise en œuvre de la procédure prévue à l'article L. 2121-5 du code général des collectivités territoriales. Enfin, en se bornant à alléguer que le maire de Barbas aurait cherché à se débarrasser d'une opposante politique afin de rééquilibrer politiquement son conseil municipal à la suite de la défection d'un de ses soutiens, la requérante n'établit pas l'existence de manœuvres destinées à provoquer son refus et à la faire regarder comme s'étant d'elle-même placée dans la situation où elle peut être déclarée démissionnaire d'office.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy l'a déclarée démissionnaire d'office de son mandat de conseillère municipale. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions tendant au rejet de la demande du maire de Barbas.

Sur les frais de justice :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente, la somme réclamée par Mme A... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et en tout état de cause, de rejeter les conclusions présentées par la commune de Barbas en application de ces dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Barbas sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au maire de la commune de Barbas.

Délibéré après l'audience du 6 juin 2023, à laquelle siégeaient :

-M. Wurtz, président,

- M. Meisse, premier conseiller,

- M. Marchal, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juillet 2023.

Le rapporteur,

Signé : E. MEISSE

Le président,

Signé : Ch. WURTZ

Le greffier,

Signé : F. LORRAIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

N° 22NC02099 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC02099
Date de la décision : 04/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: M. BARTEAUX
Avocat(s) : AARPI MILLOT-LOGIER FONTAINE

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-07-04;22nc02099 ?
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