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06/07/2023 | FRANCE | N°22NC01160

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 5ème chambre, 06 juillet 2023, 22NC01160


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision née du silence conservé par le préfet de Meurthe-et-Moselle pendant quatre mois sur la demande d'admission exceptionnelle au séjour qu'il lui avait présentée par courrier reçu en préfecture le 20 octobre 2020.

Par un jugement n° 2102605 du 29 mars 2022, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande, dont les conclusions ont été regardées comme dirigées contre la décision explicite de refus de titre de s

éjour édictée par un arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle en date du 7 juin 2021.
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision née du silence conservé par le préfet de Meurthe-et-Moselle pendant quatre mois sur la demande d'admission exceptionnelle au séjour qu'il lui avait présentée par courrier reçu en préfecture le 20 octobre 2020.

Par un jugement n° 2102605 du 29 mars 2022, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande, dont les conclusions ont été regardées comme dirigées contre la décision explicite de refus de titre de séjour édictée par un arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle en date du 7 juin 2021.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 5 mai 2022, M. B..., représenté par Me Bonardel-Argenty, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 29 mars 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle du 7 juin 2021 portant refus de titre de séjour et prolongation, pour une durée de 6 mois, de l'interdiction de retour sur le territoire français dont il faisait déjà l'objet ;

3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser à son conseil sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

S'agissant de la régularité du jugement :

- le jugement attaqué est entaché d'erreur de fait s'agissant de la date de son entrée en France ;

- il est insuffisamment motivé, notamment en ce qui concerne la décision prolongeant l'interdiction de retour sur le territoire français ;

S'agissant du bien-fondé du jugement :

- la décision de refus de titre de séjour du 7 juin 2021 est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;

- elle a méconnu les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est également entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 août 2022, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

M. B... été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 22 août 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience publique.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Bourguet-Chassagnon a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant albanais, né le 5 avril 1994, entré sur le territoire français en 2016, a présenté le 19 octobre 2016 une demande d'asile qui a été rejetée par une décision en date du 9 mars 2017 du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée le 26 octobre 2017 par la Cour nationale du droit d'asile. Par un arrêté du 28 décembre 2017, le préfet de Meurthe-et-Moselle l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours. L'intéressé s'est conformé à la mesure d'éloignement le 19 janvier 2018. Entré en France, pour la dernière fois, au cours de l'année 2018, il a présenté deux demandes de réexamen de sa demande d'asile, rejetées respectivement les 23 mai 2018 et 30 novembre 2018 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et les 5 octobre 2018 et 1er avril 2019 par la cour nationale du droit d'asile et a sollicité parallèlement son admission exceptionnelle au séjour en 2018, cette demande ayant été rejetée implicitement par le préfet. Au cours de l'année 2019, M. B... a présenté, à nouveau, une demande d'admission exceptionnelle le 20 novembre 2019, que le préfet a refusé d'enregistrer pour incomplétude du dossier après lui avoir demandé le 25 novembre 2019 la production de la justification de son état civil. Par courrier daté du 20 novembre 2019 et reçu en préfecture le 14 décembre 2019, M. B... a présenté une demande d'admission exceptionnelle au séjour, dont le rejet implicite a été annulé par un jugement du tribunal administratif de Nancy en date du 28 décembre 2020 en raison de son insuffisance de motivation. Suite au réexamen ordonné par le tribunal, le préfet a rejeté cette demande de titre de séjour par un arrêté en date du 12 février 2021, dont il est constant qu'il n'a pas été contesté. Parallèlement, suite à un contrôle d'identité, M. B... a fait l'objet de deux arrêtés du 2 septembre 2020 portant obligation de quitter le territoire français sans délai et interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de dix-huit mois et assignation à résidence, dont la légalité a été confirmée par jugement du tribunal administratif de Nancy du 11 septembre 2020 et auquel l'intéressé n'a pas déféré. Le 20 octobre 2020, il sollicite à nouveau son admission exceptionnelle au séjour au motif de sa vie privée et familiale et en se prévalant notamment d'une promesse d'embauche établie par la société Ilaria pour un poste d'agent polyvalent. Cette demande a fait l'objet d'une décision implicite de rejet puis d'un arrêté en date du 7 juin 2021, par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé son admission au séjour et a décidé de prolonger d'une durée de six mois l'interdiction de retour sur le territoire français prononcée à son encontre le 2 septembre 2020. Par un jugement du 29 mars 2022, dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de rejet de sa demande de titre de séjour.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, si le tribunal administratif de Nancy a, par une erreur de plume, mentionné l'année 2017 au lieu de l'année 2016 comme date de l'entrée de M. B..., pour la première fois, en France afin d'y solliciter l'asile, une telle circonstance est sans incidence sur la régularité du jugement. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.

3. En second lieu, il résulte des motifs mêmes du jugement que le tribunal administratif de Nancy a expressément répondu aux moyens contenus dans la requête introduite par le requérant, par une motivation suffisante. En particulier, le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, a indiqué que l'arrêté du 7 juin 2021 comporte les considérations de droit et de fait qui fondent la décision portant refus de séjour. Une telle indication constituait une motivation suffisante pour écarter le moyen tiré de l'insuffisante motivation, lequel n'avait été invoqué par le requérant qu'à l'encontre du refus de titre de séjour. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité en raison d'une insuffisance de motivation.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...). Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

5. La décision de refus de titre de séjour mentionne les textes dont il est fait application, et en particulier les articles L. 435-1 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Après avoir rappelé le parcours procédural de M. B... en France, le préfet précise qu'il n'apporte aucun élément nouveau caractérisant des motifs humanitaires ou exceptionnels qui n'aurait pas déjà été évoqué, notamment à l'occasion de l'examen de sa précédente demande d'admission exceptionnelle au séjour ayant fait l'objet d'une décision de refus en date du 12 février 2021, dont il n'a pas contesté la légalité. La décision indique que, par ailleurs, l'ancienneté de travail dont il se prévaut ne suffit pas à justifier d'un motif d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié alors qu'il ne justifie d'aucune qualification professionnelle et que la production d'une promesse d'embauche n'est pas une condition suffisante pour obtenir une régularisation pour motif professionnel, qu'il ne peut ainsi être regardé comme justifiant de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels de nature à permettre la régularisation de sa situation administrative en qualité de salarié et qu'il ne remplit pas les conditions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet a examiné d'office la possibilité de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du même code et estimé que son séjour habituel en France était récent et n'était dû qu'à son maintien irrégulier sur le territoire français au mépris des refus de titre de séjour et des mesures d'éloignement pris à son encontre, que la mère de ses deux enfants nés en France était elle-même en situation irrégulière, que l'intensité et la réalité de ses liens avec ses enfants n'étaient pas établies et qu'il ne justifiait pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, l'Albanie, où il a vécu la majeure partie de sa vie. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... aurait fait part à l'administration, avant l'édiction de la décision attaquée, de ce qu'il vivait maritalement avec une ressortissante française depuis leur mariage en date du 22 mai 2021. Dès lors, il ne saurait être reproché au préfet de ne pas avoir fait mention dans sa décision de l'évolution très récente de la situation personnelle de l'intéressé. Par suite, le refus de titre de séjour attaqué comporte les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement et le moyen ne peut qu'être écarté.

6. En deuxième lieu, si le requérant soutient que le préfet ne se serait pas livré à un examen complet de sa situation personnelle, il ressort des termes mêmes de l'arrêté attaqué que le préfet de Meurthe-et-Moselle a procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M. B... avant de refuser de lui délivrer un titre de séjour.

7. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du l'Albanie, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son l'Albanie d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ".

8. M. B... fait valoir qu'il séjourne habituellement en France depuis octobre 2016, qu'il a épousé une ressortissante française le 22 mai 2021, qu'il participe à l'éducation et à l'entretien de ses deux enfants nés en France d'une précédente union et qu'il y a désormais le centre de ses intérêts privés et familiaux. Il ressort, toutefois, des pièces du dossier, qu'à la date de la décision attaquée, l'intéressé, entré en France pour la dernière fois au cours de l'année 2018 et qui ne s'y est maintenu qu'à la faveur de l'examen de ses très nombreuses demandes d'admission au séjour et en ne déférant pas à la mesure d'éloignement prise à son encontre, ne justifie pas, par la production de quelques attestations très peu circonstanciées de la mère de ses enfants, nés respectivement en septembre 2017 et en août 2020, de l'intensité des liens qu'il conserverait avec ces derniers ni qu'il serait dépourvu d'attaches familiales dans le pays dont il a la nationalité, l'Albanie, où il a vécu, au moins, jusqu'à l'âge de 22 ans et où l'ensemble des membres de sa famille présents en France, en situation irrégulière, peuvent le rejoindre. Compte tenu du caractère très récent de la communauté de vie avec Mme C..., de nationalité française, qu'il a épousée deux semaines avant l'édiction de la décision contestée, le refus d'admission au séjour n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale. Le préfet de Meurthe-et-Moselle n'a, par suite, en prenant cette décision, méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, cette décision n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité des conclusions à fin d'annulation de la décision de prolongation de l'interdiction de retour sur le territoire français, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Bonardel-Argenty.

Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.

Délibéré après l'audience du 15 juin 2023, à laquelle siégeaient :

M. Laubriat, président de chambre,

Mme Bourguet-Chassagnon, première conseillère,

Mme Mosser, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juillet 2023.

La rapporteure,

Signé : M. Bourguet-ChassagnonLe président,

Signé : A. Laubriat

La greffière,

Signé : A. Bailly

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

A. Bailly

2

N° 22NC01160


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC01160
Date de la décision : 06/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAUBRIAT
Rapporteur ?: Mme Mariannick BOURGUET-CHASSAGNON
Rapporteur public ?: M. BARTEAUX
Avocat(s) : BONARDEL-ARGENTY OUMOU

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-07-06;22nc01160 ?
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