La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/07/2023 | FRANCE | N°22NC02786

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 5ème chambre, 06 juillet 2023, 22NC02786


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 29 avril 2022 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2203847 du 27 septembre 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 novembre 2022, M. A..., représenté par Me Olszakowski, demande à

la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 27 septembre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 29 avril 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 29 avril 2022 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2203847 du 27 septembre 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 novembre 2022, M. A..., représenté par Me Olszakowski, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 27 septembre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 29 avril 2022 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision portant refus de séjour est entachée d'une erreur d'appréciation au regard de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il a intégré une formation en décembre 2020 et qu'il ne constitue pas une menace pour l'ordre public en France ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est privée de base légale en raison de l'illégalité du refus de séjour.

Par un mémoire en défense enregistré le 24 novembre 2022, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens présentés par M. A... ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 mars 2023.

Par un courrier du 8 juin 2023, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de ce qu'en cas d'annulation de l'arrêté du 29 avril 2022, la cour est susceptible d'enjoindre d'office, en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, au préfet de la Moselle de délivrer à M. A... un titre de séjour portant la mention " salarié " compte tenu de l'absence de changements de circonstances de droit ou de fait y faisant obstacle.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique.

- le rapport de Mme Mosser,

- et les observations de Me Olszakowski, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., de nationalité guinéenne, a déclaré être entré en France au cours du mois de septembre 2019. Il a été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance du département de la Moselle du 1er octobre 2019 jusqu'au 10 janvier 2021. Le 14 janvier 2021, il a sollicité son admission au séjour en application de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 29 avril 2022, le préfet de la Moselle a refusé de l'admettre au séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. M. A... relève appel du jugement du 27 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 29 avril 2022 .

Sur la décision portant refus de séjour :

2. L'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance ou du tiers digne de confiance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. ".

3. Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de "salarié" ou "travailleur temporaire", présentée sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation ainsi portée.

Il n'est pas contesté que M. A..., né le 10 janvier 2003, a été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize et dix-huit ans, qu'il a sollicité son admission au séjour dans l'année qui suivait son dix-huitième anniversaire et qu'il suit une formation " Certificat d'aptitude professionnelle (CAP) cuisine " depuis septembre 2020. Si les résultats scolaires de M. A... pour le second semestre 2020-2021 et le premier semestre 2021-2022 sont faibles, l'intéressé verse en appel au dossier son certificat d'admission au CAP obtenu le 7 juillet 2022 avec une moyenne de 10.25/20, une attestation du coordonnateur apprentissage de l'unité de formation par apprentissage (UFA) du lycée des métiers de l'hôtellerie de Metz qui précise que le comportement du requérant a donné entière satisfaction au personnel de l'UFA et un contrat d'apprentissage conclu le 13 septembre 2022 pour une durée de deux ans dans le cadre d'un brevet professionnel. Si ces pièces sont postérieures à la décision contestée, elles permettent de justifier du caractère réel et sérieux du suivi de la formation depuis au moins six mois à la date de la décision contestée. Enfin, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que le comportement de M. A... constituerait une menace pour l'ordre public français alors qu'il ressort à l'inverse de la déclaration de la structure d'accueil, reprise par le préfet dans son arrêté, que son comportement est exemplaire et du compte-rendu du centre départemental de l'enfance du 7 septembre 2020 qu'il se montre agréable et respectueux. Dans ces conditions, à supposer même que M. A... continue d'entretenir des liens avec sa famille demeurée en Guinée, M. A... est fondé à soutenir que le préfet de la Moselle a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en refusant de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

4. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande en annulation de la décision du 29 avril 2022 portant refus de séjour, ainsi que, par voie de conséquence, des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays d'éloignement.

Sur l'injonction :

5. En raison du motif qui la fonde, l'annulation de l'arrêté du 29 avril 2022 implique nécessairement, compte tenu de l'absence de changement dans les circonstances de droit ou de fait y faisant obstacle, que le préfet de la Moselle délivre à M. A... un titre de séjour portant la mention " salarié " sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative. Il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer ce titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

6. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Olszakowski, avocat de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Olszakowski de la somme de 1 500 euros.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 27 septembre 2022 et l'arrêté du 29 avril 2002 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Moselle de délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " à M. A... dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Olszakowski une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Olszakowski renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et des Outre-mer et à Me Olszakowski.

Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet de la Moselle.

Délibéré après l'audience du 15 juin 2023, à laquelle siégeaient :

M. Laubriat, président,

Mme Bourguet-Chassagnon, première conseillère,

Mme Mosser, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juillet 2023.

La rapporteure,

Signé : C. MosserLe président,

Signé : A. Laubriat

La greffière,

Signé : A. Bailly

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

A. Bailly

2

N° 22NC02786


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC02786
Date de la décision : 06/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAUBRIAT
Rapporteur ?: Mme Cyrielle MOSSER
Rapporteur public ?: M. BARTEAUX
Avocat(s) : OLSZAKOWSKI

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-07-06;22nc02786 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award