La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/07/2023 | FRANCE | N°22NC02578

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 17 juillet 2023, 22NC02578


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de A... d'annuler l'arrêté du 22 juin 2022 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trente mois.

Par un jugement n° 2201794 du 20 septembre 2022, le tribunal administratif de A... a annulé la décision par laquelle le pr

fet de Meurthe-et-Moselle a prononcé à l'encontre de M. B... une interdiction de retou...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de A... d'annuler l'arrêté du 22 juin 2022 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trente mois.

Par un jugement n° 2201794 du 20 septembre 2022, le tribunal administratif de A... a annulé la décision par laquelle le préfet de Meurthe-et-Moselle a prononcé à l'encontre de M. B... une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trente mois et rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés le 19 octobre 2022 et le 20 décembre 2022, M. B... représenté par Me Nunge demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de A... du 20 septembre 2022 en tant qu'il rejette ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 22 juin 2022 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office ;

2°) d'annuler cet arrêté du 22 juin 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision par laquelle le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision lui refusant un délai de départ volontaire est illégale ;

- les mêmes motifs qui s'opposent à ce qu'il soit obligé de quitter le territoire français s'opposent à ce qu'il soit éloigné à destination d'un pays dans lequel il serait légalement admissible ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 janvier 2023, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 juin 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Barrois, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant libyen né à Benghazi le 10 juin 2002, est entré en France selon ses dires en 2016. Par un jugement en assistance éducative du juge des enfants de A... du 23 novembre 2018, il a été confié à l'aide sociale à l'enfance et a bénéficié d'un contrat jeune majeur du 7 juillet 2020 renouvelé jusqu'au 30 novembre 2022. Il a été interpellé le 22 juin 2022 par les services de la sécurité publique de A... pour des faits d'agression sexuelle. Par arrêté du 22 juin 2022, notifié le même jour à 15 h 50, le préfet de Meurthe-et-Moselle a fait obligation à M. B... de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trente mois. M. B... fait appel du jugement du 20 septembre 2022 du tribunal administratif de A... en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté l'obligeant à quitter le territoire français sans délai et fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré en France au cours de l'année 2016 alors qu'il était âgé de quatorze ans, a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance du département de Meurthe-et-Moselle par ordonnance de placement provisoire du 4 octobre 2016 du juge aux enfants, a été suivi à compter de sa majorité par les services du conseil départemental sous couvert de contrats " Jeune C... " régulièrement renouvelés et a été scolarisé de 2016 à 2020. Toutefois, il n'établit pas avoir ensuite poursuivi sa scolarité et le certificat médical produit en appel qui mentionne que la fragilité de son état clinique ne permet pas une assiduité continue ne permet pas à lui seul de justifier de l'impossibilité d'être scolarisé. De plus, même si M. B... se prévaut de la présence en France de son frère et de sa sœur, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il entretiendrait des relations affectives et stables avec ces membres de sa famille, ni avoir noué en France des liens personnels d'une particulière intensité alors que, par ailleurs, il n'est pas dépourvu de toute attache familiale dans son pays d'origine où résident deux de ses sœurs. Dans ces conditions, la décision l'obligeant à quitter le territoire français n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux motifs de cette décision. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-2 : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; 2° L'étranger s'est vu refuser la délivrance ou le renouvellement de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour au motif que sa demande était manifestement infondée ou frauduleuse ; / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; / (...) 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale (...) ".

5. La seule circonstance qu'il ait été placé en garde à vue le 22 juin 2022 pour des faits d'agression sexuelle est insuffisante pour regarder son comportement comme constituant une menace pour l'ordre public alors qu'en outre la procédure a été classée sans suite par le procureur de la République au motif que l'infraction n'était pas suffisamment caractérisée.

6. Toutefois, M. B..., pourtant entré en France en 2016 et pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance puis sous contrat jeune majeur, n'a jamais sollicité la délivrance d'un titre de séjour et s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français. Par suite, le préfet de Meurthe-et-Moselle a pu légalement refuser d'accorder à M. B..., qui ne justifie pas de circonstances particulières, au sens de ces dispositions, un délai de départ volontaire sur le fondement des dispositions combinées du 3° de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article L. 612-3 du même code.

7. En dernier lieu, M. B... reprend à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi les mêmes moyens soulevés à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Il y a lieu de les écarter pour les mêmes motifs que ceux précédemment énoncés.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de A... a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision l'obligeant à quitter le territoire français sans délai et fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.

Délibéré après l'audience du 29 juin 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Wallerich, président de chambre,

- M. Sibileau, premier conseiller,

- Mme Barrois, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 juillet 2023.

La rapporteure,

Signé : M. BarroisLe président,

Signé : M. Wallerich

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

2

N° 22NC02578


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22NC02578
Date de la décision : 17/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WALLERICH
Rapporteur ?: Mme Marion BARROIS
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : AARPI CLAUDE THOMAS CATHERINE BERNEZ OLIVIER NUNGE

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-07-17;22nc02578 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award