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18/07/2023 | FRANCE | N°22NC02876

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 18 juillet 2023, 22NC02876


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, par deux recours distincts, d'une part, d'annuler l'arrêté du 8 décembre 2021 par lequel le préfet de la Moselle lui a fait obligation de quitter le territoire sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an et, d'autre part, d'annuler l'arrêté du même jour par lequel le préfet de la Moselle l'a assigné à résidence.

Par un ju

gement nos 2108446, 2108447 du 21 janvier 2022, le président du tribunal administrati...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, par deux recours distincts, d'une part, d'annuler l'arrêté du 8 décembre 2021 par lequel le préfet de la Moselle lui a fait obligation de quitter le territoire sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an et, d'autre part, d'annuler l'arrêté du même jour par lequel le préfet de la Moselle l'a assigné à résidence.

Par un jugement nos 2108446, 2108447 du 21 janvier 2022, le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 novembre 2022, M. A..., représenté par Me Dollé, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du président du tribunal administratif de Strasbourg du 21 janvier 2022 en tant que celui-ci a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 8 décembre 2021 par lequel le préfet de la Moselle lui a fait obligation de quitter le territoire sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an ;

2°) d'annuler cet arrêté préfectoral du 8 décembre 2021 du préfet de la Moselle ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer un titre de séjour, ou subsidiairement de réexaminer sa situation, dans un délai déterminé, au besoin sous astreinte;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros au bénéfice de son conseil en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

en ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- le préfet n'a pas procédé à un examen effectif de sa situation personnelle ; alors que le préfet était informé de l'état de santé de son enfant, il n'a pas saisi le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration conformément aux article R. 611-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'état de santé de son enfant justifie qu'il bénéficie d'une protection contre l'éloignement telle que prévue au 9° de l'article L. 611-3 du code précédemment mentionné ;

en ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- elle n'est pas motivée ;

- les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

en ce qui concerne la décision portant interdiction de quitter le territoire français :

- elle n'est pas motivée ;

- le préfet n'a pas pris en compte l'existence d'une circonstance humanitaire exceptionnelle de nature à s'opposer à l'édiction d'une telle décision ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation ; il n'a jamais fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement et ne représente pas une menace à l'ordre public.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 décembre 2022, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

M. A... a été admis à l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 novembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Roussaux, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., de nationalité bosnienne et né le 15 octobre 1989, a déclaré être entré en France le 11 décembre 2018. Il a sollicité l'asile mais sa demande a fait l'objet d'un rejet par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 12 mars 2021 et de la Cour nationale du droit d'asile par décision du 30 juillet 2021. A l'issue d'un contrôle d'identité par la police aux frontières, le 8 décembre 2021, le préfet de la Moselle a pris à son encontre un arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination et portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Il a également pris le même jour un arrêté portant assignation à résidence. M. A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg l'annulation de ces deux arrêtés. Par un jugement du 21 janvier 2022 nos 2108446-2108447, le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes. M. A... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français, fixant le pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ". Aux termes de l'article R. 611-1 du même code : " Pour constater l'état de santé de l'étranger mentionné au 9° de l'article L. 611-3, l'autorité administrative tient compte d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / Toutefois, lorsque l'étranger est assigné à résidence aux fins d'exécution de la décision portant obligation de quitter le territoire français ou placé ou maintenu en rétention administrative en application du titre IV du livre VII, l'avis est émis par un médecin de l'office et transmis sans délai au préfet territorialement compétent ".

3. Les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, citées au point précédent, ne peuvent être utilement invoquées qu'au regard de l'état de santé de l'étranger faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français. Elles ne sauraient, par elles-mêmes, faire obstacle à l'éloignement d'un étranger en raison de l'état de santé d'un de ses proches. Le requérant, qui évoque uniquement l'état de santé de son enfant et non son propre état de santé, ne peut donc utilement s'en prévaloir. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. Il en va de même s'agissant du moyen tiré du vice de procédure tiré du défaut de consultation des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

4. En second lieu, si M. A... soutient que l'un de ses enfants souffre de troubles de santé rendant nécessaire un traitement, il n'en a pas fait état lors de son audition préalable à l'édiction de l'arrêté préfectoral. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier et notamment de la décision litigieuse que le requérant a sollicité une demande de titre de séjour en raison de l'état de santé de son enfant le 16 septembre 2021 mais que l'intéressé n'a donné aucune suite à cette demande. M. A... n'avait ainsi pas donné à l'administration, à la date de l'arrêté litigieux, d'informations suffisantes afin qu'elle soit en mesure de procéder à l'appréciation de l'impact d'un éventuel éloignement sur l'état de santé de son enfant. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'administration, n'a pas procédé à un examen suffisant de sa situation, au regard de l'état de santé de son enfant. Au surplus, il ressort des pièces du dossier que par un avis du 28 février 2022, recueilli à l'issue d'une nouvelle demande de titre de séjour présentée en février 2022, postérieurement à l'arrêté contesté, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a considéré que le défaut de prise en charge de son enfant ne devrait pas entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, le bien-fondé de cette appréciation n'étant pas remis en cause par le certificat médical d'un médecin généraliste du 9 décembre 2021 dont se prévaut le requérant.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

5. Il ressort des termes mêmes de la décision contestée qu'elle comporte les considérations de fait qui en constituent le fondement, le préfet ayant notamment précisé que l'intéressé ne démontrait pas que sa vie ou sa liberté serait menacée dans son pays d'origine ni ne justifiait qu'il encourrait des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision fixant le pays de destination ne peut qu'être écarté.

6. Aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

7. Le requérant soutient que sa sécurité ne serait pas assurée s'il venait à retourner dans son pays, qu'il a subi des pressions de sa belle-famille mais que les autorités bosniennes n'ont pas été en mesure d'assurer sa sécurité. Toutefois, il n'apporte aucun élément de nature à corroborer ses allégations, alors, au surplus, que sa demande d'asile a été rejetée tant par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides que par la Cour nationale du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celui tiré de ce que cette décision serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

8. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. (...) ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".

9. Il résulte des dispositions des articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux et, le cas échéant, la menace pour l'ordre public que constitue sa présence sur le territoire.

10. Il ressort des termes de la décision contestée que M. A... a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français qui n'était assortie d'aucun délai de départ volontaire.

11. Pour justifier l'adoption d'une interdiction de retour sur le territoire français à l'encontre de M. A... pendant une durée d'un an, le préfet a fait mention de la durée de son séjour, de l'absence de liens familiaux en France et de ses attaches familiales dans son pays d'origine et du fait qu'il ne justifie d'aucune circonstance humanitaire empêchant le prononcé d'une interdiction de retour. La décision attaquée comporte ainsi les considérations de fait qui en constituent le fondement, sans que le requérant ne puisse faire grief au préfet de ne pas avoir spécifiquement précisé les raisons pour lesquelles il a écarté l'existence de circonstances humanitaires. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation ne peut qu'être écarté.

12. Enfin, le requérant fait valoir que son comportement ne représenterait pas une menace pour l'ordre public et qu'il n'a jamais fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement. Toutefois, au regard notamment de ce qui a été indiqué au point 4, aucune circonstance humanitaire n'est caractérisée, de sorte que l'interdiction de retour, dans son principe même, n'est pas entachée d'erreur d'appréciation. Le requérant n'étant présent en France que depuis 2018 et ne s'y prévalant d'aucune attache en situation régulière, alors que sa compagne est en situation irrégulière, la durée d'un an retenu pour l'interdiction de retour n'est pas davantage entachée d'erreur d'appréciation.

13. Il résulte de tout ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

14. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation, n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais d'instance :

15. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie tenue aux dépens ou la partie perdante, la somme demandée par le requérant au bénéfice de son conseil au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., à Me Dollé et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.

Délibéré après l'audience du 20 juin 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Samson-Dye, présidente,

- Mme Roussaux, première conseillère.

- M. Denizot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juillet 2023.

La rapporteure,

Signé : S. RoussauxLa présidente,

Signé : A.Samson-Dye

La greffière,

Signé : M. B...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

M. B...

2

N° 22NC02876


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC02876
Date de la décision : 18/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme SAMSON-DYE
Rapporteur ?: Mme Sophie ROUSSAUX
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : DOLLÉ

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-07-18;22nc02876 ?
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