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19/09/2023 | FRANCE | N°20NC03475

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 19 septembre 2023, 20NC03475


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'une part, d'annuler la décision du 6 juin 2018 valant titre de recette, ensemble le rejet implicite de recours gracieux, par laquelle le directeur de l'établissement public national FranceAgriMer lui a demandé le reversement d'une somme de 22 193,73 euros et d'autre part, de condamner FranceAgriMer à lui verser la somme de 82 575,51 euros au titre du solde de l'aide qui lui a été octroyée par décision du 25 août 2014.

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n jugement n° 1802140 du 1er octobre 2020, le tribunal administratif de Châlons...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'une part, d'annuler la décision du 6 juin 2018 valant titre de recette, ensemble le rejet implicite de recours gracieux, par laquelle le directeur de l'établissement public national FranceAgriMer lui a demandé le reversement d'une somme de 22 193,73 euros et d'autre part, de condamner FranceAgriMer à lui verser la somme de 82 575,51 euros au titre du solde de l'aide qui lui a été octroyée par décision du 25 août 2014.

Par un jugement n° 1802140 du 1er octobre 2020, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 30 novembre 2020, M. B..., représenté par la SCP Choffrut-Brener-Boia, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1802140 du 1er octobre 2020 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;

2°) d'annuler la décision du 6 juin 2018 valant titre de recettes prise par FranceAgriMer, ensemble le rejet implicite de son recours gracieux du 31 juillet 2018 ;

3°) de condamner FranceAgriMer à lui verser la somme de 82 575,51 euros au titre du solde de l'aide qui lui a été octroyée par décision du 25 août 2014, avec intérêt légaux à compter de sa demande du 31 juillet 2018 ;

4°) de mettre à la charge de FranceAgriMer la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que la règle d'antériorité fixée par l'article 5-2 de la décision du directeur général de FranceAgriMer du 4 décembre 2013 qui impose l'absence de tout acte juridique avant l'autorisation de commencer les travaux était compatible avec la réglementation communautaire :

. le règlement communautaire 555/2008 de la commission du 27 juin 2008 qui fixe les modalités d'application du règlement CE n° 1234/2007 ne prévoit aucunement cette clause de non antériorité ;

. l'article 1er du décret n° 2013-172 du 25 février 2013 dispose que si le directeur de FranceAgriMer peut déterminer les conditions d'éligibilité de l'aide c'est uniquement sous réserve des conditions fixées par le règlement CE n° 555/20028 ;

. le directeur de l'établissement FranceAgriMer n'était pas compétent pour rajouter des conditions d'attributions aux aides européennes plus restrictives que celles prévues par les règlements de l'union européenne ;

- aucun des travaux prévus n'a débuté avant la date d'autorisation de démarrage des travaux fixée au 6 janvier 2014 :

. c'est à tort que les premiers juges ont considéré qu'il n'apportait pas la preuve que le devis avec la société Verelec avait été signé lors des opérations de contrôle et donc postérieurement à l'autorisation de commencer les travaux ;

. c'est à la demande de FranceAgriMer, notamment par message électronique du 21 octobre 2016, qu'il a signé les devis en mettant une date de quelques jours après la création des devis des artisans conformément à ce que lui avait demandé l'établissement ;

. le devis de la société Verelec ayant été édité le 20 novembre 2013, il y a apposé, de manière fictive, la date du 25 novembre 2013.

Par un mémoire enregistré le 17 novembre 2021, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation a informé la cour qu'il n'était pas compétent pour défendre devant le juge administratif une décision de l'établissement FranceAgriMer .

Par un mémoire en défense enregistré le 20 juin 2022, l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer), représenté par la SELAS Seban et Associés, conclut au rejet de la requête et à la condamnation de M. B... à lui verser la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le Conseil d'Etat a jugé récemment, dans sa décision n° 428386, que le directeur général de FranceAgriMer est compétent pour fixer les conditions qui encadrent une aide à l'investissement, que sa compétence ne fait plus aucun doute depuis le décret de 2013 et que les dispositions nationales qui autorisent le directeur général de FranceAgriMer à fixer les conditions d'octroi des aides vitivinicoles sont conformes aux règlements européens qui offrent une large marge de manœuvre aux Etats membres ; le directeur général de FranceAgriMer était donc compétent pour fixer la règle de la perte de l'aide en raison du commencement des travaux avant la date fixée par l'établissement ;

- la signature d'un devis constitue un commencement de travaux, au sens de l'article 5-2 de la décision FILITL/SEM/D 2013-76 du 4 décembre 2013 ; les éléments fournis par M. B... ne permettent pas d'établir que le devis a été signé après le 6 janvier 2014.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (CE) n° 1234/2007 du Conseil du 22 octobre 2007 ;

- le règlement (CE) n° 479/2008 du Conseil du 29 avril 2008 ;

-le règlement (CE) n° 555/2008 de la Commission du 27 juin 2008 ;

- le décret n° 2013-172 du 25 février 2013 ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- la décision du directeur général de FranceAgriMer n° FILTL/SEM/D-2013-76 du 4 décembre 2013, publiée au BO du ministère de l'agriculture n° 49 du 6 décembre 2013 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Roussaux, première conseillère,

- les conclusions de M. Denizot, rapporteur public,

- et les observations de Me Marbete, représentant l'établissement public FranceAgriMer .

Considérant ce qui suit :

1. Le 6 janvier 2014, M. B..., exploitant vinicole dans la commune de Verpillières sur Ource (Aube), a déposé auprès de l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) une demande de subvention à raison notamment de travaux en vue de l'installation de cuves de stockage de sa production. L'établissement FranceAgriMer en a accusé réception le 20 janvier 2014 et a autorisé le démarrage des travaux au 6 janvier 2014. Une aide pour un montant total de 165 151,02 euros lui a été notifiée le 25 août 2014. A ce titre, il a perçu une avance pour un montant de 82 575,51 euros le 29 septembre 2014. A l'occasion de l'instruction de la demande par M. B... du versement du solde de la subvention, un contrôle sur place a été diligenté par FranceAgriMer. A l'issue de ce contrôle et du rapport d'inspection du 24 novembre 2016 qui en a découlé, FranceAgriMer informait M. B... de son intention de lui demander le reversement de la somme de 22 193,73 euros d'aide indûment perçue. M. B... a présenté ses observations par un courrier du 1er décembre 2017. Le directeur général de FranceAgriMer a pris une décision le 6 juin 2018 valant titre exécutoire pour le recouvrement de la somme de 22 193,73 euros. M. B... a formé un recours gracieux contre cette décision le 31 juillet 2018, réceptionné le 2 août 2018 par l'établissement FranceAgriMer qui n'y a pas répondu. M. B... a alors demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne l'annulation de la décision du 6 juin 2018 valant titre exécutoire, du rejet de son recours gracieux ainsi que la condamnation de l'établissement FranceAgriMer à lui verser la somme de de 82 575,51 euros au titre du solde de l'aide qui lui a été octroyée par décision du 25 août 2014. Par un jugement du 1er octobre 2020, le tribunal administratif a rejeté sa demande. M. B... relève appel de ce jugement.

2. D'une part, aux termes de la section 6, article 17, du règlement (CE) n° 555/2008 de la Commission du 27 juin 2008 fixant les modalités d'application du règlement (CE) n° 479/2008 du Conseil portant organisation commune du marché vitivinicole, en ce qui concerne les programmes d'aide, les échanges avec les pays tiers, le potentiel de production et les contrôles dans le secteur vitivinicole : " Les investissements bénéficiant d'un soutien respectent les normes communautaires applicables à l'investissement concerné. Sont admissibles les dépenses relatives : a) à la construction, à l'acquisition, y compris par voie de crédit-bail, et à la rénovation de biens immeubles ; (...). ". Aux termes de l'article 103 decies du règlement (CE) n° 1234/2007 du Conseil du 22 octobre 2007 : " La présente section établit les règles régissant l'octroi de fonds communautaires aux États membres et l'utilisation de ces fonds par les États membres, par l'intermédiaire de programmes d'aide nationaux (ci-après dénommés " programmes d'aide"), afin de financer des mesures d'aide spécifiques visant à soutenir le secteur vitivinicole (...) " et aux termes de l'article 103 undecies du même règlement : " 1.Les programmes d'aide sont compatibles avec la législation communautaire et cohérents par rapport aux activités, politiques et priorités de la Communauté.2. Les États membres assument la responsabilité des programmes d'aide et veillent à ce qu'ils soient cohérents sur le plan interne et à ce que leur conception et leur mise en œuvre se fassent avec objectivité en tenant compte de la situation économique des producteurs concerné set de la nécessité d'éviter des différences de traitement injustifiées entre producteur (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article premier du décret du 25 février 2013 relatif au programme d'aide national au secteur vitivinicole pour les exercices financiers 2014 à 2018 : " Le programme d'aide national au secteur vitivinicole mentionné à l'article 103 decies du règlement (CE) n° 1234/2007 du Conseil du 22 octobre 2007 susvisé et rendu applicable dans les conditions prévues à l'article 103 duodecies de ce règlement et à l'article 2 du règlement (CE) n° 555/2008 de la Commission du 27 juin 2008 susvisé pour les exercices financiers 2014 à 2018 est mis en œuvre par l'Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer). / A ce titre, sous réserve de l'article 2, le directeur général de l'établissement détermine notamment, après avis du conseil spécialisé intéressé : / 1° Les modalités de demande des aides, les conditions d'éligibilité aux aides, la procédure et les critères de sélection des demandes, le montant des aides attribuables et leurs modalités de paiement ; / 2° Le cas échéant, le taux de réduction applicable aux aides, en fonction du taux de dépassement des crédits communautaires disponibles ; / 3° Les réductions du montant des aides applicables en cas de non-respect du régime d'aide concerné. ". Aux termes du premier alinéa de l'article 2 du même décret : " Pour l'aide à la promotion et l'aide à l'investissement, peuvent seules relever du programme mentionné à l'article 1er les demandes déposées à compter du 16 octobre 2013 ".

4. Enfin, aux termes de l'article 5.2 de la décision du directeur général de FranceAgriMer du 4 décembre 2013, régulièrement publiée au bulletin officiel du ministre de l'agriculture : " La demande doit impérativement bénéficier d'une autorisation de démarrage des travaux dont la date est mentionnée dans l'accusé de réception, avant tout début d'exécution du projet, c'est-à-dire avant le premier acte juridique passé pour la réalisation du projet (soit avant tout devis signé et accepté avec mention de la date d'acceptation, avant tout bon de commande, avant tout paiement même partiel...). Les éventuelles études préalables nécessaires à la réalisation de ces travaux (études de sol, d'architectes...) ne sont toutefois pas concernées par cette disposition. En cas de démarrage des travaux pour un poste donné, y compris de travaux non éligibles, avant la date autorisée, l'intégralité de la tranche fonctionnelle concernée sera considérée comme non éligible à l'aide ".

5. Pour déclarer, en application de l'article 5.2 précité de sa décision du 4 décembre 2013, une partie de l'aide à l'investissement accordée à M. B..., non éligible, le directeur de FranceAgriMer a tenu compte d'un devis daté du 20 novembre 2013 de la société Verelec et comportant la mention " bon pour accord " du 25 novembre 2013 qui démontrait qu'un acte juridique avait été passé avant l'autorisation de démarrage des travaux, fixée au 6 janvier 2014.

6. En premier lieu, les dispositions précitées des articles 1er et 2 du décret du 25 février 2013 autorisent le directeur de FranceAgriMer à préciser les conditions et modalités d'attribution des aides aux investissements, lorsque la demande d'aide a été déposée, comme en l'espèce, postérieurement au 16 octobre 2013. Le fait que la réglementation communautaire ne prévoit pas de règle d'antériorité ne rend pas la réglementation nationale incompatible au regard de la marge de manœuvre laissée aux Etats membres. Par suite, le moyen tiré de ce que le directeur de FranceAgriMer ne pouvait légalement imposer à l'article 5.2 précité de sa circulaire une nouvelle condition à l'attribution de l'aide sollicitée et aurait de ce fait méconnu le règlement n° 555/2008 de la commission, ne peut qu'être écarté.

7. En second lieu, il résulte de l'instruction que le devis de la société Verelec est daté du 20 novembre 2013 et comporte une signature avec la mention manuscrite " bon pour accord " datée du 25 novembre 2013, soit antérieurement à l'autorisation de commencement des travaux dont le requérant a bénéficié le 6 janvier 2014. M. B..., en produisant la seule attestation de la société Verelec du 27 novembre 2017, qui contredit le courrier de cette même société du 16 mai 2017, n'établit pas qu'il n'aurait à cette date que donné son accord de principe. Il ne démontre pas plus que ce devis aurait été envoyé à l'établissement FranceAgriMer sans date et que cette dernière aurait été apposée postérieurement à la suite de la demande du contrôleur, les courriels produits ne faisant pas référence à des devis envoyés par le requérant non datés. Dans ces conditions, le directeur de FranceAgriMer pouvait, au motif rappelé au point 5, réclamer le remboursement de l'aide dont M. B... avait à tort bénéficié.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du directeur général de FranceAgriMer du 6 juin 2018 valant titre exécutoire, ensemble le rejet implicite de son recours gracieux du 31 juillet 2018 et tendant à la condamnation de l'établissement FranceAgriMer à lui verser la somme de 82 575,51 euros au titre du solde de l'aide.

Sur les frais liés à l'instance :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée par M. B... soit mise à la charge de FranceAgriMer qui n'a pas la qualité de partie perdante.

10. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances particulières de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... la somme demandée par FranceAgriMer au même titre.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. A... B... et à l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer.

Délibéré après l'audience du 29 août 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis , présidente,

- Mme Samson-Dye, présidente assesseure,

- Mme Roussaux, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 septembre 2023.

La rapporteure,

Signé : S. RoussauxLa présidente,

Signé : V. Ghisu-Deparis

La greffière,

Signé : N. Basso

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N. Basso

2

N° 20NC03475


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC03475
Date de la décision : 19/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Sophie ROUSSAUX
Rapporteur public ?: M. DENIZOT
Avocat(s) : SEBAN ET ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 24/09/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-09-19;20nc03475 ?
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