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17/10/2023 | FRANCE | N°22NC02887

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 17 octobre 2023, 22NC02887


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler d'une part l'arrêté du 7 septembre 2022 par lequel le préfet des Vosges lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de retour et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et d'autre part l'arrêté du 7 septembre 2022 par lequel le préfet des Vosges l'a assigné à résidence dans le département des Vosges pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un

jugement n° 2202583 du 15 septembre 2022, le magistrat désigné par la présidente du ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler d'une part l'arrêté du 7 septembre 2022 par lequel le préfet des Vosges lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de retour et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et d'autre part l'arrêté du 7 septembre 2022 par lequel le préfet des Vosges l'a assigné à résidence dans le département des Vosges pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2202583 du 15 septembre 2022, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 novembre 2022, M. B..., représenté par Me Gehin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 15 septembre 2022 ;

2°) d'annuler la décision du 7 septembre 2022 par laquelle le préfet des Vosges lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans ;

3°) d'annuler la décision du 7 septembre 2022 par laquelle le préfet des Vosges l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours ;

4°) d'enjoindre au préfet des Vosges, sous une astreinte de 50 euros par jour de retard, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer sous quarante-huit heures une autorisation provisoire de séjour ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :

- c'est à tort que le préfet des Vosges a examiné sa demande à l'aune du 2° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il entrait dans le champ d'application du 3° du même article ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

S'agissant de la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire :

- elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité affectant l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle est disproportionnée dès lors que ni son épouse ni son fils ne font l'objet d'une mesure d'éloignement.

S'agissant de l'interdiction de retour sur le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée dès lors que l'administration devait statuer sur la situation globale de la famille et sur chacun des membres majeurs de la cellule familiale ;

- elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité affectant l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

S'agissant de l'assignation à résidence :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité affectant l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît les articles L. 561-2-1 et R. 561-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 février 2023, le préfet des Vosges conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 15 février 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 1er mars 2023.

Un mémoire complémentaire présenté le 1er mars 2023 pour M. A... a été reçu et non communiqué.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 octobre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le traité sur l'Union européenne ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Sibileau, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... A..., ressortissant albanais né le 19 févier 1991, est entré en France le 1er février 2018, accompagné de son épouse et de leur fils mineur. L'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté le 17 avril 2018 sa demande d'admission au statut de réfugié. Le 21 septembre 2018 la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) a confirmé la décision de l'OFPRA. Par des décisions du 19 octobre 2018, le préfet des Vosges a obligé M. A... et son épouse à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Par un jugement n°s 1803105 et 1803106, le tribunal administratif de Nancy a rejeté les recours formés contre ces deux décisions. A la suite d'un contrôle de police le 17 mars 2019, M. A... a été placé en rétention administrative. Après un premier refus d'embarquer, l'intéressé a été éloigné du territoire le 9 avril 2019. Il n'est pas contesté que l'intéressé est revenu en France huit jours après son départ pour l'Albanie. Le 5 juillet 2019, M. A... a sollicité un réexamen de sa demande d'asile. L'OFPRA par une décision du 12 juillet 2019, confirmé le 20 décembre 2019 par la CNDA a déclaré cette demande irrecevable. L'épouse de M. A... n'a pas exécuté l'obligation de quitter le territoire français dont elle fait l'objet. Par un arrêté du 12 septembre 2019, confirmé par cette cour le 4 février 2021, le préfet des Vosges a interdit à l'épouse de M. A... de retourner sur le territoire français. Par un arrêté du 8 octobre 2019, le préfet des Vosges a obligé M. A... à quitter le territoire français, lui a interdit de retourner sur le territoire pour une période de deux ans et l'a assigné à résidence. A la suite d'un contrôle de police du 15 janvier 2020, M. A... a été assigné à résidence le 16 février 2020. Par un jugement n° 2000136, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy a annulé cette décision. Par une décision du 7 septembre 2020, l'OFPRA a rejeté la demande de réexamen sollicité par l'épouse de M. A.... Le couple a de nouveau été assigné à résidence le 23 juin 2020. Par une décision du 4 août 2021, le préfet des Vosges a pour une troisième fois obligé M. A... à quitter le territoire français et lui a interdit de retourner sur le territoire pour une durée de deux ans. Le tribunal administratif de Nancy par un jugement n°s 2102419-2102420 a rejeté les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 4 août 2021. Par un premier arrêté du 7 septembre 2022, le préfet des Vosges lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de retour et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Par un second arrêté du 7 septembre 2022, le préfet des Vosges l'a assigné à résidence dans le département des Vosges pour une durée de quarante-cinq jours. Par un jugement n° 2202583 dont M. A... interjette appel, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté le recours formé contre ces deux décisions.

Sur la substitution de base légale :

2. En premier lieu aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 2° L'étranger, entré sur le territoire français sous couvert d'un visa désormais expiré ou, n'étant pas soumis à l'obligation du visa, entré en France plus de trois mois auparavant, s'est maintenu sur le territoire français sans être titulaire d'un titre de séjour ou, le cas échéant, sans demander le renouvellement du titre de séjour temporaire ou pluriannuel qui lui a été délivré ; / 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ".

3. Aux termes de l'article L. 614-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque la décision portant obligation de quitter le territoire français prise en application des 3°, 5° ou 6° de l'article L. 611-1 est assortie d'un délai de départ volontaire, le tribunal administratif est saisi dans le délai de trente jours suivant la notification de la décision. / L'étranger peut demander le bénéfice de l'aide juridictionnelle au plus tard lors de l'introduction de sa requête en annulation. / Le tribunal administratif statue dans un délai de trois mois à compter de sa saisine. " Aux termes de l'article L. 614-5 du même code : " Lorsque la décision portant obligation de quitter le territoire français prise en application des 1°, 2° ou 4° de l'article L. 611-1 est assortie d'un délai de départ volontaire, le président du tribunal administratif peut être saisi dans le délai de quinze jours suivant la notification de la décision. / [...] / Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cette fin parmi les membres de sa juridiction ou parmi les magistrats honoraires inscrits sur la liste mentionnée à l'article L. 222-2-1 du code de justice administrative statue dans un délai de six semaines à compter de sa saisine. " Aux termes de l'article L. 614-6 du même code : " Lorsque la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas assortie d'un délai de départ volontaire, le président du tribunal administratif peut être saisi dans le délai de quarante-huit heures suivant la notification de la mesure. / Il est statué sur ce recours selon la procédure et dans les délais prévus, selon le fondement de la décision portant obligation de quitter le territoire français, aux articles L. 614-4 ou L. 614-5 ".

4. Dans l'hypothèse où, saisi d'un recours pour excès de pouvoir exercé à l'encontre d'une décision portant obligation de quitter le territoire français fondée sur le 2° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cette fin constate que cette décision aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement du 3° du même article, il ne peut, dès lors que le législateur a expressément prévu la compétence de la formation collégiale du tribunal administratif pour statuer sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français fondée sur ces dispositions, procéder à une substitution de la base légale de la décision attaquée sans renvoyer l'examen du recours à cette formation de jugement.

5. Il résulte de ce qui précède que le premier juge ne pouvait opérer une substitution de base légale concernant la décision portant obligation de quitter le territoire français entre le 2° et le 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sans renvoyer l'examen de la légalité de cette décision à la formation collégiale de jugement. Par suite, le jugement attaqué doit être annulé

6. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions présentées par M. A... devant le tribunal administratif de Nancy.

Sur la légalité des arrêtés du 7 septembre 2022 :

En ce qui concerne le moyen commun tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte :

7. M. David Percheron, secrétaire général de la préfecture des Vosges, a reçu, par arrêté préfectoral du 18 juillet 2022, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de l'Etat dans les Vosges le 19 août 2022, délégation de signature aux fins de prendre les mesures de la nature de celles contenues dans les arrêtés attaqués. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire des actes litigieux doit être écarté.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

8. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier et notamment de la note d'information détaillée remise à l'intéressé qui en a d'ailleurs accusé réception, que l'appelant a été informé de sa possibilité d'être assisté par un conseil, faculté qu'il n'a d'ailleurs pas demandé à exercer. De surcroît, M. A... dans un formulaire détaillé mis à sa disposition a effectivement présenté des observations avant l'édiction de l'arrêté du 7 septembre 2022. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des droits de la défense doit en tout état de cause être écarté.

9. En deuxième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, de même valeur juridique que le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et le Traité sur l'Union européenne, en vertu de l'article 6 de ce dernier : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union ". Aux termes du paragraphe 2 de ce même article : " Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ". Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que cet article s'adresse non pas aux Etats membres, mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union. Par suite, le moyen tiré de leur violation par une autorité d'un Etat membre est inopérant. L'étranger peut néanmoins utilement faire valoir que le principe général du droit de l'Union, relatif au respect des droits de la défense, imposait qu'il soit préalablement entendu et mis à même de présenter toute observation utile sur les mesures d'éloignement envisagées.

10. Ce principe implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement. Il lui appartient, lors du dépôt de sa demande de titre, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, de préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et de produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu, qui n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'étranger à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise concomitamment et en conséquence du refus de séjour, est ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour.

11. Dans ces conditions et pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8 ci-dessus, M. A... n'est pas fondé à soutenir que son droit d'être entendue aurait été méconnu.

12. En troisième lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour et des étrangers et du droit d'asile que si la demande d'un étranger qui a régulièrement sollicité un titre de séjour ou son renouvellement a été rejetée, la décision portant obligation de quitter le territoire français susceptible d'intervenir à son encontre doit nécessairement être regardée comme fondée sur un refus de titre de séjour, donc sur la base légale prévue au 3° de cet article. Il en va ainsi tant lorsque la décision relative au séjour et la décision portant obligation de quitter le territoire interviennent de façon concomitante que, en l'absence de dispositions législatives ou réglementaires prévoyant qu'une décision relative au séjour devrait être regardée comme caduque au-delà d'un certain délai après son intervention, lorsqu'une décision portant obligation de quitter le territoire intervient postérieurement à la décision relative au séjour, y compris lorsqu'une nouvelle décision portant obligation de quitter le territoire intervient à l'égard d'un étranger qui s'est maintenu sur le territoire malgré l'intervention antérieure d'un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire.

13. Il ressort des pièces que pour obliger M. A... à quitter le territoire français, le préfet des Vosges s'est fondé sur le 2° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, cité au point ci-dessus, alors que l'intéressé s'était déjà vu refuser la délivrance d'un titre de séjour. Par suite, la décision obligeant M. A... à quitter le territoire français ne pouvait être prise sur le fondement des dispositions du 2° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

14. Toutefois, lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée. Une telle substitution relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier, mais sous réserve, dans ce cas, d'avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point.

15. En l'espèce, la décision attaquée, motivée par l'irrégularité du séjour de M. A..., trouve son fondement légal dans les dispositions du 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui peuvent être substituées à celles du 2° du même article dès lors, en premier lieu, que M. A... se trouvait dans la situation où, en application du 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet des Vosges pouvait décider de l'obliger à quitter le territoire français, en deuxième lieu, que cette substitution de base légale n'a pour effet de priver l'intéressé d'aucune garantie et, en troisième lieu, que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre de ces deux dispositions.

16. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut être accueilli.

17. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces dernières stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

18. M. A... soutient résider en France depuis une longue durée, parler couramment le français, avoir fixé le centre de ses intérêts en France et que l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français séparerait la cellule familiale. Il ressort toutefois des pièces du dossier que la première entrée en France de l'intéressé n'a eu lieu quatre ans et sept mois avant la décision attaquée, que les autorités en charge de l'asile ont rejeté à plusieurs reprises les demandes de protection internationale de l'intéressé comme de son épouse, qu'ils ont fait l'objet de plusieurs mesures d'éloignement, confirmées par les juridictions françaises que les intéressés n'ont jamais entendu exécuter. De surcroît, il n'est pas établi ni même allégué que la cellule familiale ne puisse se reconstituer dans le pays d'origine. Par suite, compte tenu des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions de séjour de l'intéressé en France, l'arrêté litigieux du 7 septembre 2022 n'a pas porté au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Ainsi, le préfet des Vosges n'a ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement sur la situation personnelle de l'intéressé. Le moyen tiré de la méconnaissance de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit également être écarté.

En ce qui concerne le refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :

19. Il résulte en premier lieu de ce qui précède que le moyen soulevé à l'encontre de la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire et tiré de l'exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.

20. En second lieu, aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Et aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; 2° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; 3° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ; 4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ; 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; 6° L'étranger, entré irrégulièrement sur le territoire de l'un des États avec lesquels s'applique l'acquis de Schengen, fait l'objet d'une décision d'éloignement exécutoire prise par l'un des États ou s'est maintenu sur le territoire d'un de ces États sans justifier d'un droit de séjour ; 7° L'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ou a fait usage d'un tel titre ou document ; 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5 ".

21. Il ressort toutefois des pièces du dossier que M. A... n'a pas déféré à plusieurs mesures d'éloignement prises à son encontre et qu'il se maintient de manière irrégulière en France. L'intéressé rentrait donc bien dans le champ d'application des dispositions de l'article L. 612-3 précité, permettant de regarder comme établi, sauf circonstances particulières, le risque qu'il se soustraie à l'obligation qui lui avait été faite de quitter le territoire français. De surcroît, il ressort des pièces du dossier que l'épouse de M. A... fait également l'objet d'une mesure d'éloignement. Dans ces conditions, les moyens tirés de l'erreur de droit et de l'erreur manifeste d'appréciation ne peuvent qu'être écartés.

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :

22. En premier lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11 ".

23. Pour justifier le prononcé à l'encontre de M. A... d'une interdiction de retour en France, le préfet de des Vosges a retenu que, même si le comportement de l'intéressé ne représente pas une menace pour l'ordre public, celui-ci se maintient irrégulièrement malgré plusieurs mesures d'éloignement prises à son encontre et qu'il ne justifie pas des liens exceptionnels qu'il aurait tissés en France. Par suite, le préfet s'étant prononcé au regard de l'ensemble des critères énoncés par l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté.

24. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été dit précédemment, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, la décision portant interdiction de retour sur le territoire français n'a pas été prise sur le fondement d'une décision faisant obligation de quitter le territoire français illégale. Le moyen tiré d'une telle exception d'illégalité ne peut, dès lors, qu'être écarté.

25. En troisième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 18 ci-dessus.

En ce qui concerne l'assignation à résidence :

26. En premier lieu, la décision du 7 septembre 2022 précise notamment que M. A... ne détient pas de document d'identité ou de voyage, qu'il fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français édictée depuis moins d'un an et que son éloignement demeure une perspective raisonnable. Elle comporte ainsi l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elle est, par suite, suffisamment motivée au regard des exigences de l'article L. 732-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

27. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été dit précédemment, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, l'assignation à résidence n'a pas été prise sur le fondement d'une décision faisant obligation de quitter le territoire français illégale. Le moyen tiré d'une telle exception d'illégalité ne peut, dès lors, qu'être écarté.

28. En troisième et dernier lieu, il résulte des termes mêmes des dispositions des articles L. 732-7 et R. 732-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la remise du formulaire relatif aux droits et obligations des étrangers assignés à résidence doit s'effectuer au moment de la notification de la décision d'assignation à résidence ou, au plus tard, lors de la première présentation de l'intéressé aux services de police ou de gendarmerie. Ainsi, elle constitue une formalité postérieure à l'édiction de la décision d'assignation à résidence dont les éventuelles irrégularités sont, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité de cette dernière décision. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions ne peut donc qu'être écarté.

29. Il résulte de tout ce qui précède que la demande de M. A... présentée devant le tribunal administratif de Nancy doit être rejetée en toutes ses conclusions.

Sur les frais liés au litige d'appel :

30. La demande de M. A... étant rejetée, l'Etat ne saurait être regardé comme la partie perdante dans la présente instance. Par suite, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat une somme au titre des frais exposés par M. A... dans la présente instance.

D E C I D E :

Article 1 : Le jugement n° 2202583 du 15 septembre 2022 du tribunal administratif de Nancy est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Nancy et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B..., au ministre de l'intérieur et des Outre-mer et à Me Gehin.

Copie en sera adressée au préfet des Vosges.

Délibéré après l'audience du 14 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Agnel, président de chambre,

M. Sibileau, premier conseiller,

Mme Mosser, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 octobre 2023.

Le rapporteur,

Signé : J.-B. SibileauLe président,

Signé : M. Agnel

Le greffier,

Signé : J.-Y. Gaillard

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

J.-Y. Gaillard

2

N° 22NC02887


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC02887
Date de la décision : 17/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. AGNEL
Rapporteur ?: M. Jean-Baptiste SIBILEAU
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : GEHIN - GERARDIN

Origine de la décision
Date de l'import : 22/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-10-17;22nc02887 ?
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