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17/10/2023 | FRANCE | N°23NC00200

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 17 octobre 2023, 23NC00200


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A..., épouse C..., a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 22 septembre 2022 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2201678 du 21 décembre 2022, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, en

registrés les 20 janvier et le 28 juin 2023, Mme A..., représentée par Me Boukhelifa, demande à la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A..., épouse C..., a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 22 septembre 2022 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2201678 du 21 décembre 2022, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 20 janvier et le 28 juin 2023, Mme A..., représentée par Me Boukhelifa, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 21 décembre 2022 ;

2°) d'annuler cette décision du 22 septembre 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de lu délivrer un titre de séjour en qualité de " parent d'enfant malade " ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle doit être regardée comme soutenant que :

- la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour est entachée d'insuffisance de motivation, faute pour le préfet d'apporter des éléments relatifs aux critères sur la base desquels le collège des médecins de l'OFII a rendu son avis sur l'état de santé de son fils ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle porte une atteinte manifestement disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 juin 2023, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Brodier, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante tunisienne née en 1989, est entrée régulièrement sur le territoire français le 10 février 2017 sous couvert d'un visa " visiteur ". Elle a obtenu la prolongation de son visa jusqu'au 1er septembre 2017 compte tenu des complications de sa grossesse, puis s'est vu délivrer, en raison de l'état de santé de son fils, une autorisation provisoire de séjour " parent d'enfant malade " le 3 décembre 2018, régulièrement renouvelée jusqu'au 3 janvier 2020. Par un arrêté du 12 janvier 2021, le préfet du Doubs a une première fois refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français. Cet arrêté a été annulé par un arrêt de la cour administrative de Nancy n° 21NC02129 du 6 avril 2022. Dans le cadre du réexamen de la situation de l'intéressée à laquelle le préfet a été enjoint de procéder, ce dernier a, après nouvelle saisine du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, refusé, par un arrêté du 22 septembre 2022, de délivrer un titre de séjour à Mme A..., lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixé le pays de destination. La requérante relève appel du jugement du 21 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, il ressort des termes même de la décision en litige que, pour refuser à Mme A... la délivrance d'un titre de séjour, le préfet du Doubs s'est approprié le sens de l'avis émis le 2 septembre 2022 par le collège des médecins de l'OFII, dont il ressort que si l'état de santé de l'enfant nécessite une prise en charge médicale, dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, celui-ci peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. La décision comporte les considérations de fait qui en constituent le fondement, sans que la requérante ne puisse reprocher au préfet de ne pas préciser les critères sur la base desquels le collège des médecins de l'OFII a rendu son avis. Par suite, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation doit être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions prévues à l'article L. 425-9, ou l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, se voient délivrer, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, une autorisation provisoire de séjour d'une durée maximale de six mois. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / (...) / Elle est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues à l'article L. 425-9 ". Aux termes de l'article L. 425-9 du même code : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. (...) ".

4. La partie qui justifie d'un avis du collège des médecins du service médical de l'OFII qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, sa capacité à bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

5. Il ressort des pièces du dossier que l'enfant de Mme A..., qui est né le 18 juillet 2017, est atteint d'une malformation congénitale rare de dilatation kystique du cholédoque. Il n'est pas contesté, ainsi qu'il ressort de l'avis émis le 2 septembre 2022 par le collège des médecins de l'OFII, que le défaut de prise en charge de l'enfant pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. En revanche, et alors que le collège a, cette fois-ci, estimé que l'enfant pouvait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, la requérante ne produit aucun document récent relatif notamment aux soins et au suivi nécessités par l'état de santé de son fils et contemporain de la décision en litige et ne combat pas non plus le motif de la décision en litige. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que le refus de délivrance d'une autorisation provisoire de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 425-10 du code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. En troisième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. Si Mme A... résidait sur le territoire français depuis cinq ans et demi à la date de la décision en litige, elle ne produit aucun élément établissant son intégration, en particulier professionnelle, dans la société française. Par ailleurs, la seule circonstance que ses quatre enfants sont nés en France ne suffit pas à lui conférer un droit au séjour. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

8. En dernier lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces dernières dispositions que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

9. Si Mme A... soutient que l'état de santé de son fils aîné n'a pas évolué et justifie toujours le renouvellement de son autorisation provisoire de séjour, elle n'a pas, ainsi qu'il a été dit plus haut, produit d'élément de nature à établir que l'enfant ne pourrait pas bénéficier d'une prise en charge appropriée à son état de santé actuel en Tunisie. Par suite, et alors qu'il ressort de la décision en litige que le préfet du Doubs a procédé à l'examen des conséquences de cette décision notamment sur l'enfant de la requérante, celle-ci n'est pas fondée à soutenir que le refus de titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 septembre 2022. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris les conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., épouse C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet du Doubs.

Délibéré après l'audience du 5 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Guidi, présidente,

- M. Barteaux, premier conseiller,

- Mme Brodier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 octobre 2023.

La rapporteure,

Signé : H. BrodierLa présidente,

Signé : L. Guidi

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

2

N° 23NC00200


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23NC00200
Date de la décision : 17/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GUIDI
Rapporteur ?: Mme Hélène BRODIER
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : BOUKHELIFA

Origine de la décision
Date de l'import : 29/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-10-17;23nc00200 ?
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