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19/10/2023 | FRANCE | N°23NC00754

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 19 octobre 2023, 23NC00754


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 22 février 2022 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2201866 du 31 mai 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 mars 2023, M. B..., représenté par Me Pierre, demande à l

a cour :

1°) d'annuler ce jugement du 31 mai 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 22 février 2022 ;
...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 22 février 2022 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2201866 du 31 mai 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 mars 2023, M. B..., représenté par Me Pierre, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 31 mai 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 22 février 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de réexaminer sa situation administrative dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt.

Il soutient que :

- la décision portant refus de séjour méconnaît l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans la mesure où il est suivi en France pour des problèmes oculaires ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile eu égard à sa pathologie ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales eu égard à la durée de sa présence en France, son insertion au sein de la société française et son isolement dans son pays d'origine.

Par un mémoire enregistré le 3 avril 2023, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens présentés par M. B... ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 février 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Mosser a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., de nationalité guinéenne, né le 5 décembre 1986 à Conakry (Guinée) est entré irrégulièrement sur le territoire français le 1er décembre 2012. En avril 2013, l'intéressé, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en raison de son état de santé qui lui a été refusé par arrêté du 9 janvier 2014. Ayant réitéré sa demande en 2014, il s'est vu délivrer un titre de séjour pour raisons médicales à compter du 9 décembre 2015 qui a été régulièrement renouvelé jusqu'au 6 avril 2021. Il en a sollicité le renouvellement le 17 février 2021. Par un arrêté du 22 février 2022, le préfet de la Moselle a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. M. B... relève appel du jugement du 31 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la décision portant refus de renouvellement de son titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...). / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / (...) / Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée ". Aux termes de l'article R. 425-11 du même code : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé ".

3. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

4. Pour refuser d'admettre M. B... au séjour en raison de son état de santé, le préfet de la Moselle s'est fondé sur l'avis du collège des médecins de l'OFII du 20 janvier 2022 dont il ressort que si l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que son état de santé lui permet de voyager sans risque. Il ressort des pièces du dossier que M. B... souffre d'une maladie dégénérative de l'œil gauche qui a conduit à l'éviscération en 2014 puis à l'extraction de cet œil et à la pose d'une prothèse. Les compte-rendu médicaux du Dr C..., chef du service d'ophtalmologie de l'hôpital de Mercy, des 19 novembre 2018 et 27 janvier 2021 attestent de la bonne tenue de la prothèse et l'absence d'atteinte de l'œil droit. Si une opération de la paupière était prévue le 8 février 2021, elle n'avait pour seul but de retendre la paupière inférieure gauche afin de permettre une meilleure stabilité de la prothèse. Ainsi, le certificat médical du 27 mars 2023 du Dr A..., médecin généraliste, qui atteste que le requérant " nécessite des soins hautement techniques " est d'une part, postérieur à la décision en litige et d'autre part, n'est pas corroboré par les autres pièces médicales du dossier. Enfin, si ce certificat fait également état d'un syndrome de stress post-traumatique, il précise qu'il a bien été soigné. Dans ces conditions, il ne remet pas en cause l'appréciation portée par les médecins du collège de l'OFII sur l'absence de conséquence d'une exceptionnelle gravité en cas de défaut de prise de charge médicale que le préfet de la Moselle s'est appropriée. Il s'ensuit que la décision en litige ne méconnaît pas les dispositions précitées.

5. En second lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... a sollicité un titre de séjour pour " motif exceptionnel ". Par suite, il ne peut utilement soutenir qu'il aurait dû se voir délivrer un tel titre. En tout état de cause, eu égard à ce qui a été dit au point précédent, il ne fait état ni de motif exceptionnel, ni de considération humanitaire justifiant qu'un titre de séjour lui soit délivré pour un tel motif.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire :

6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ".

7. Pour les mêmes motifs que ceux exposé au point 4, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la mesure d'éloignement en litige méconnaît les dispositions précitées de l'article L. 611-3.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

9. M. B... est présent sur le territoire français depuis près de neuf ans à la date de la décision en litige et est titulaire d'un contrat à durée indéterminée à temps partiel en qualité d'agent des services hôteliers depuis le 1er mai 2020. Toutefois, outre son emploi récent, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé a développé des attaches personnelles depuis son entrée sur le territoire français. Il ne démontre pas être dépourvu d'attache dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 26 ans et où résident toujours, selon sa déclaration sur l'honneur concernant sa situation familiale qu'il a complétée le 18 mai 2021, ses parents, son épouse et sa sœur. Ainsi, compte tenu de la durée et des conditions de séjour de M. B... en France, le préfet de la Moselle n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales.

10. En troisième et dernier lieu, si M. B... soutient qu'il aurait dû se voir délivrer un titre pour " motif exceptionnel " un tel titre ne constitue pas un titre de plein droit. Par suite, à supposer que M. B... ait sollicité un tel titre, ce qui n'est nullement démontré en l'espèce, une demande de titre de séjour présentée sur ce fondement ne fait pas obstacle à ce qu'une obligation de quitter le territoire français soit prise à son encontre.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B..., au ministre de l'intérieur et des Outre-mer et à Me Pierre.

Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet de la Moselle.

Délibéré après l'audience du 25 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Agnel, président,

Mme Brodier, première conseillère,

Mme Mosser, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 octobre 2023.

La rapporteure,

Signé : C. MosserLe président,

Signé : M. Agnel

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

2

N° 23NC00754


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC00754
Date de la décision : 19/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. AGNEL
Rapporteur ?: Mme Cyrielle MOSSER
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : PIERRE

Origine de la décision
Date de l'import : 29/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-10-19;23nc00754 ?
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