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06/02/2024 | FRANCE | N°23NC00440

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 06 février 2024, 23NC00440


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme D... C... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 19 octobre 2021 par lequel le préfet des Vosges lui a refusé le séjour en France, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle sera renvoyée .



Par un jugement n° 2103839 du 7 avril 2022, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.



Procédure

devant la cour :



Par une requête et des pièces respectivement enregistrés le 10 février 2023 et 1er mar...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... C... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 19 octobre 2021 par lequel le préfet des Vosges lui a refusé le séjour en France, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle sera renvoyée .

Par un jugement n° 2103839 du 7 avril 2022, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des pièces respectivement enregistrés le 10 février 2023 et 1er mars 2023, Mme B..., représentée par Me Gehin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 7 avril 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 19 octobre 2021 par lequel le préfet des Vosges lui a refusé le séjour en France, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle sera renvoyée ;

3°) d'enjoindre au préfet des Vosges de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans le délai de 48 heures à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 800 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- l'accès effectif aux soins dans son pays d'origine n'est pas établi ;

- l'entier dossier du rapport médical devant l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) doit être demandé ;

- la décision méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'obligation de quitter le territoire est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elles méconnaissent l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 juillet 2023, le préfet des Vosges conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

La clôture d'instruction a été fixée au 11 juillet 2023.

Des pièces enregistrées les 29 décembre 2023 et 10 janvier 2024 par Mme B... n'ont pas été communiquées.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 janvier 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Roussaux, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... C... épouse B..., ressortissante gabonaise née en 1965, est entrée en France de manière régulière le 18 décembre 2018. Ayant sollicité le 25 juillet 2019 la délivrance d'un titre de séjour en se prévalant de son état de santé, Mme C... épouse B... s'est vu délivrer une autorisation provisoire de séjour pour soins, régulièrement renouvelée, dont elle a demandé en dernier lieu le renouvellement le 7 juin 2021. Par les décisions contestées du 19 octobre 2021, le préfet des Vosges a refusé le séjour en France de l'intéressée, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle sera renvoyée. Mme B... fait appel du jugement du 7 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...) ".

3. S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, aux conséquences de l'interruption de sa prise en charge médicale ou à la possibilité pour lui d'en bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire, il appartient au juge administratif de prendre en considération l'avis médical rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Si le demandeur entend contester le sens de cet avis, il appartient à lui seul de lever le secret relatif aux informations médicales qui le concernent, afin de permettre au juge de se prononcer en prenant en considération l'ensemble des éléments pertinents, notamment l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), en sollicitant sa communication, ainsi que les éléments versés par le demandeur au débat contradictoire.

4. Pour refuser le titre de séjour sollicité par Mme C... épouse B..., le préfet des Vosges s'est fondé sur l'avis émis le 10 août 2021 par le collège de médecins de l'OFII aux termes duquel, si l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale, son défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et elle peut, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé au Gabon, y bénéficier d'un traitement approprié et voyager sans risque. Il ressort des pièces du dossier et notamment des certificats médicaux produits par la requérante que sa pathologie pulmonaire tend à se stabiliser grâce au traitement corticoïdique qui lui était déjà administré au Gabon et qu'elle doit uniquement effectuer un suivi pneumologique régulier, dont il n'est pas établi, en tout état de cause, qu'il ne pourrait se poursuivre dans son pays d'origine. Il en résulte qu'aucun élément du dossier ne permet de remettre en cause l'avis du collège des médecins de l'OFII quant à l'absence de conséquences d'une exceptionnelle gravité d'un défaut de prise en charge médicale, de sorte que la mesure de communication du rapport au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'OFII ne présente pas de caractère utile, alors au demeurant que l'intéressée a la faculté d'en demander elle-même la transmission. Par suite, Mme C... épouse B... n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté en litige méconnaît l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine ".

6. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision attaquée, Mme C... épouse B... était présente en France depuis moins de trois ans, qu'elle y est arrivée à l'âge de 53 ans en provenance de son pays d'origine où elle avait toujours vécu jusque-là, que ses seuls liens familiaux en France sont sa fille, en situation régulière, et son gendre chez lesquels elle est hébergée, ainsi que ses petits-enfants. Si la requérante soutient qu'elle vient en aide à ces derniers dans les tâches domestiques, notamment en assurant pour partie la garde des enfants, elle ne produit pas d'éléments suffisamment probants permettant d'établir le caractère indispensable de sa présence auprès de sa famille en France. Elle ne justifie pas davantage requérir elle-même une aide au quotidien alors qu'elle n'établit pas être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident ses fils selon ses propres écritures. Dans ces conditions, en refusant de délivrer un titre de séjour à Mme C... épouse B..., le préfet des Vosges n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation de la situation de l'intéressée au regard des dispositions susmentionnées de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination :

7. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme C... épouse B... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour à l'encontre des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination. Par suite, le moyen soulevé en ce sens est écarté.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale ".

9. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations est écarté.

10. En dernier lieu, aux termes de l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". La seule production d'une attestation de sa petite fille et de photographies en compagnie de ses petits-enfants ne suffit pas à caractériser une atteinte à leur intérêt supérieur , dès lors que rien ne s'oppose à ce que Mme C... épouse B... vienne leur rendre visite sous couvert de visas de court séjour. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations est écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... épouse B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C... épouse B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Vosges

Délibéré après l'audience du 18 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Bauer, présidente de chambre,

- Mme Brodier, première conseillère,

- Mme Roussaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 février 2024.

La rapporteure,

Signé : S. RoussauxLa présidente,

Signé : S. Bauer

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

2

N° 23NC00440


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23NC00440
Date de la décision : 06/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BAUER
Rapporteur ?: Mme Sophie ROUSSAUX
Rapporteur public ?: M. MARCHAL
Avocat(s) : GEHIN - GERARDIN

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-06;23nc00440 ?
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