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20/02/2024 | FRANCE | N°21NC00379

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 20 février 2024, 21NC00379


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 6 septembre 2018 par lequel le maire de Scheibenhard a opposé une décision de sursis à statuer sur sa demande de permis de construire un hangar, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux du 1er octobre 2018.



Par un jugement n° 1900837 du 10 décembre 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.



Procédure

devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 11 février 2021, M. B... A..., représenté par Me ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 6 septembre 2018 par lequel le maire de Scheibenhard a opposé une décision de sursis à statuer sur sa demande de permis de construire un hangar, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux du 1er octobre 2018.

Par un jugement n° 1900837 du 10 décembre 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 février 2021, M. B... A..., représenté par Me Levy, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 10 décembre 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 6 septembre 2018 par lequel le maire de Scheibenhard a opposé une décision de sursis à statuer sur sa demande de permis de construire un hangar, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux du 1er octobre 2018 ;

3°) d'enjoindre au maire de Scheibenhard de réexaminer la demande de permis de construire déposée le 14 juin 2018 dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Scheibenhard la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le projet de hangar n'est pas contraire à l'orientation stratégique n° 6 du projet d'aménagement et de développement durables (PADD) ;

- l'orientation d'aménagement et de programmation tend à préserver l'environnement et à conforter la biodiversité dans un secteur situé à proximité d'une plateforme douanière ayant vocation à accueillir des activités économiques ; le plan local d'urbanisme prévoit un emplacement réservé n° 1 dans la zone Anc qui a pour objet la création d'un accès secondaire à cette plateforme ; l'objectif de la commune est plus de permettre la création de cette voie que de préserver la prairie ;

- l'orientation n° 6 du PADD tendant à conforter l'agriculture, l'interdiction de hangars agricoles dans le secteur Anc n'est pas compatible avec le PADD ; le règlement du secteur Anc méconnait le 1° de l'article R. 151-23 du code de l'urbanisme ;

- la décision rejetant le recours gracieux doit être annulée en raison de l'illégalité du sursis à statuer.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 septembre 2021, la commune de Scheibenhard, représentée par Me Gillig, conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. A... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Barteaux,

- les conclusions de M. Marchal, rapporteur public,

- et les observations de Me Koromyslov, représentant la commune de Scheibenhard.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., exploitant agricole, a sollicité, le 14 juin 2018, un permis de construire un hangar agricole sur un terrain cadastré section 13 n° 35 sur le territoire de la commune de Scheibenhard. Par un arrêté du 6 septembre 2018, le maire de la commune a prononcé un sursis à statuer sur sa demande. M. A... a formé un recours gracieux contre cette décision que la commune de Scheibenhard a, par son silence, implicitement rejeté. M. A... fait appel du jugement du 10 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme : " (...) / L'autorité compétente peut décider de surseoir à statuer, dans les conditions et délai prévus à l'article L. 424-1, sur les demandes d'autorisation concernant des constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan dès lors qu'a eu lieu le débat sur les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durable ". Un sursis à statuer ne peut être opposé à une demande de permis de construire, sur le fondement de ces dispositions, postérieurement au débat sur les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durable, qu'en vertu d'orientations ou de règles que le futur plan local d'urbanisme pourrait légalement prévoir et à la condition que la construction, l'installation ou l'opération envisagée soit de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse son exécution.

3. Il est constant que, le 27 juin 2017, le conseil municipal de la commune de Scheibenhard avait débattu sur les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durables du plan local d'urbanisme en cours d'élaboration et que l'état du futur plan était suffisamment avancé pour permettre d'apprécier le zonage envisagé du terrain d'assiette du projet, à savoir Anc, ainsi que la réglementation afférente à cette zone. Il ressort du projet de règlement qu'au sein de la zone Anc, hormis les équipements d'infrastructure d'intérêt collectif, les services publics et les ouvrages techniques de faible emprise, les seules constructions nouvelles autorisées seraient les abris de pâtures, sous réserve qu'ils soient d'une emprise au sol maximale de 30 m2 et ouverts sur au moins un côté. Ainsi, le projet de hangar envisagé par le requérant, représentant une emprise au sol de 499 m2, qui ne pourra pas être autorisé par le futur plan local d'urbanisme, est de nature, eu égard à son importance, à en compromettre l'exécution.

4. En premier lieu, pour contester cette appréciation, M. A... fait valoir en premier lieu que son projet ne méconnaît pas l'orientation stratégique n° 6 du projet d'aménagement et de développement durables, dont l'un des objectifs est de conforter l'agriculture en luttant contre le mitage, dès lors qu'une parcelle voisine classée en zone Nb comporte déjà un hangar agricole. Toutefois, la décision en litige n'est pas motivée par cette orientation. Par suite, ce moyen ne peut être utilement invoqué contre la décision contestée.

5. En deuxième lieu, M. A... ne peut davantage se prévaloir de l'illégalité de l'orientation d'aménagement et de programmation tendant notamment à préserver l'environnement et à conforter la biodiversité, entre autres des prairies, en ce que son but serait en fait de permettre la réhabilitation d'une ancienne plateforme douanière, dès lors que la décision en litige n'est pas justifiée par le risque d'atteinte à cette orientation.

6. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision en litige aurait pour but d'empêcher la réalisation du projet de construction de M. A... afin de favoriser la création d'une voie d'accès à l'ancienne plateforme douanière, qui affectera des prairies que tend à préserver l'orientation d'aménagement et de programmation mentionnée ci-dessus, alors que les documents du plan local d'urbanisme en cours mentionnent ce projet de reconversion et prévoient, à cet effet, un emplacement réservé. Par suite et en admettant que le requérant ait entendu le soulever, le moyen tiré du détournement de pouvoir doit être écarté.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article R. 151-23 du code de l'urbanisme : " Peuvent être autorisées, en zone A : / 1° Les constructions et installations nécessaires à l'exploitation agricole ou au stockage et à l'entretien de matériel agricole par les coopératives d'utilisation de matériel agricole agréées au titre de l'article L. 525-1 du code rural et de la pêche maritime ; / 2° Les constructions, installations, extensions ou annexes aux bâtiments d'habitation, changements de destination et aménagements prévus par les articles L. 151-11, L. 151-12 et L. 151-13, dans les conditions fixées par ceux-ci ". Si ces dispositions permettent d'autoriser les constructions nécessaires aux exploitations agricoles, elles ne font pas obstacle à la faculté ouverte aux auteurs du document d'urbanisme de délimiter à l'intérieur de la zone A des sous-secteurs où les constructions liées à l'agriculture sont soit soumises à des conditions restrictives, soit interdites. Il s'ensuit que M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'en restreignant les possibilités de construire dans la zone Anc, les auteurs du plan local d'urbanisme auraient méconnu les dispositions précitées.

8. En dernier lieu, M. A... soutient que le règlement de la zone Anc, qui n'autorise que la construction des abris de pâtures de faible emprise ou des ouvrages techniques de faible emprise nécessaires à l'activité agricole, méconnait l'orientation stratégique n° 6 du projet d'aménagement et de développement durables qui vise à conforter l'agriculture.

9. Pour apprécier la cohérence exigée au sein du plan local d'urbanisme entre le règlement et le projet d'aménagement et de développement durables, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle du territoire couvert par le document d'urbanisme, si le règlement ne contrarie pas les orientations générales et objectifs que les auteurs du document ont définis dans le projet d'aménagement et de développement durables, compte tenu de leur degré de précision.

10. Il ressort des pièces du dossier que l'orientation stratégique n° 6 a pour objectif de conforter la vitalité économique, le commerce, l'agriculture et le tourisme. Afin de répondre à cet objectif, en particulier pour l'agriculture, cette orientation prévoit notamment de privilégier un nombre limité de sites où pourront s'implanter les exploitations agricoles. Ainsi, en n'autorisant dans la zone Anc que la construction des abris de pâtures de faible emprise ou des ouvrages techniques de faible emprise nécessaires à l'activité agricole, le règlement envisagé de la zone Anc n'édicte pas de dispositions incohérentes avec l'orientation n° 6. En outre, ces restrictions permettent de satisfaire aux orientations n° 4 et n° 7 du projet d'aménagement et de développement durables qui ont pour objectif respectivement d'" assurer une gestion parcimonieuse de l'espace " et de " valoriser le paysage ". Par suite, le moyen tiré de l'incohérence entre le règlement de la zone Anc et l'orientation n°6 du projet d'aménagement et de développement durables doit être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur les frais de l'instance :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Scheibenhard, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que demande le requérant au titre des frais qu'il a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... la somme demandée par la commune de Scheibenhard au même titre.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Scheibenhard sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la commune de Scheibenhard.

Délibéré après l'audience du 30 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Wurtz, président,

- Mme Bauer, présidente assesseure,

- M. Barteaux, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 février 2024.

Le rapporteur,

Signé : S. BARTEAUXLe président,

Signé : Ch. WURTZLe greffier,

Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

N° 21NC00379 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC00379
Date de la décision : 20/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Stéphane BARTEAUX
Rapporteur public ?: M. MARCHAL
Avocat(s) : SELARL SOLER-COUTEAUX ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-20;21nc00379 ?
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