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20/02/2024 | FRANCE | N°21NC01902

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 20 février 2024, 21NC01902


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 24 octobre 2019 par lequel le président de la communauté de communes de Sélestat a prononcé son licenciement pour inaptitude physique à compter du 29 octobre 2019 et de condamner cette communauté de communes à lui verser une indemnité de 10 000 euros.



Par un jugement n° 2000441 du 3 mai 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.


r> Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 30 juin 2021, Mme B... A..., repr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 24 octobre 2019 par lequel le président de la communauté de communes de Sélestat a prononcé son licenciement pour inaptitude physique à compter du 29 octobre 2019 et de condamner cette communauté de communes à lui verser une indemnité de 10 000 euros.

Par un jugement n° 2000441 du 3 mai 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 30 juin 2021, Mme B... A..., représentée par Me Ebel, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 3 mai 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 24 octobre 2019 par lequel le président de la communauté de communes de Sélestat a prononcé son licenciement pour inaptitude physique à compter du 29 octobre 2019 ;

3°) d'enjoindre à la communauté de communes de Sélestat de la réintégrer dans un emploi de niveau équivalent à celui qu'elle occupait ou, à défaut, sur tout autre emploi ;

4°) de condamner la communauté de communes de Sélestat à lui verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en raison de l'illégalité de son licenciement ;

5°) de mettre à la charge de la communauté de communes de Sélestat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la communauté de communes a méconnu son obligation de reclassement en ne lui proposant aucun poste avant son licenciement ; elle n'a pas procédé à une recherche effective et sérieuse de reclassement ;

- la communauté de communes a méconnu les dispositions de l'article 13 du décret du 15 février 1988 dès lors que la commission administrative paritaire n'a pas été consultée ;

- le licenciement a été notifié le jour même de l'entretien sans attendre l'issue de la consultation de la commission administrative paritaire ;

- le licenciement étant nul, elle est fondée à solliciter 10 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 janvier 2022, la communauté de communes de Sélestat, représentée par Me Gillig, conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme A... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requérante n'a pas lié le contentieux sur la demande indemnitaire ;

- le moyen d'irrégularité de la procédure est irrecevable dès lors qu'il n'a pas été soulevé dans le délai de deux mois suivant l'enregistrement de la requête ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le décret n°88-145 du 15 février 1988 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Barteaux,

- les conclusions de M. Marchal, rapporteur public,

- et les observations de Me Koromyslov, représentant la communauté de communes de Sélestat.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... était titulaire d'un contrat à durée indéterminée d'adjoint territorial d'animation de 2ème classe, à temps non complet, de la communauté de communes de Sélestat. A compter du 8 février 2017, elle a été placée en congé de maladie ordinaire régulièrement renouvelé. Par un avis du 26 avril 2019, le comité médical départemental a déclaré l'intéressée totalement et définitivement inapte à reprendre son service. Par un arrêté du 24 octobre 2019, le président de la communauté de communes de Sélestat a prononcé le licenciement de Mme A.... Elle fait appel du jugement du 3 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que, dans la demande enregistrée le 21 janvier 2020, Mme A... n'avait invoqué qu'un moyen de légalité interne tiré de la méconnaissance par son employeur de son obligation de reclassement. Si elle reprend en appel le moyen soulevé dans son mémoire enregistré le 24 mars 2021 tiré de l'absence de consultation de la commission consultative paritaire en violation de l'article 13 du décret du 15 février 1988, un tel moyen relève de la légalité externe. Par suite, ce moyen, qui n'est pas d'ordre public et qui se rattache à une cause juridique distincte de celle invoquée dans le délai de recours contentieux, est irrecevable.

3. En second lieu, aux termes du III de l'article 13 du décret du 15 février 1988 : " A l'issue d'un congé de maladie, de grave maladie, d'accident du travail, de maladie professionnelle ou de maternité, de paternité, d'accueil d'un enfant ou d'adoption, lorsqu'il a été médicalement constaté par le médecin agréé qu'un agent se trouve, de manière définitive, atteint d'une inaptitude physique à occuper son emploi, le licenciement ne peut être prononcé que lorsque le reclassement de l'agent dans un emploi que la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 autorise à pourvoir par un agent contractuel et dans le respect des dispositions légales régissant le recrutement de ces agents n'est pas possible. / 1° Ce reclassement concerne les agents recrutés pour occuper un emploi permanent en application de l'article 3-3 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée par contrat à durée indéterminée ou par contrat à durée déterminée lorsque le terme de celui-ci est postérieur à la date à laquelle la demande de reclassement est formulée. L'emploi de reclassement est alors proposé pour la période restant à courir avant le terme du contrat. / Il s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie hiérarchique ou à défaut, et sous réserve de l'accord exprès de l'agent, d'un emploi relevant d'une catégorie inférieure. /L'emploi proposé est adapté à l'état de santé de l'agent et compatible avec ses compétences professionnelles. La proposition prend en compte, à cette fin, les recommandations médicales concernant l'aptitude de l'agent à occuper d'autres fonctions au sein de la collectivité ou de l'établissement qui l'emploie. / L'offre de reclassement concerne les emplois des services relevant de l'autorité territoriale ayant recruté l'agent. L'offre de reclassement proposée à l'agent est écrite et précise ; / 2° Lorsque l'autorité territoriale envisage de licencier un agent pour inaptitude physique définitive, elle convoque l'intéressé à un entretien préalable selon les modalités définies à l'article 42. A l'issue de la consultation de la commission consultative paritaire compétente, elle lui notifie sa décision par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par lettre remise en main propre contre décharge. / Cette lettre précise le motif du licenciement et la date à laquelle celui-ci doit intervenir, compte tenu des droits à congés annuels restant à courir et de la durée du préavis prévu à l'article 40. / Cette lettre invite également l'intéressé à présenter une demande écrite de reclassement, dans un délai correspondant à la moitié de la durée du préavis prévu à l'article 40 et indique les conditions dans lesquelles les offres de reclassement sont susceptibles de lui être adressées. / L'agent peut renoncer à tout moment au bénéfice du préavis. / 3° En cas de reclassement, ne sont pas applicables à la rupture ou à la modification du contrat antérieur de l'agent les dispositions relatives à la fin de contrat prévues au chapitre Ier ni celles relatives au licenciement prévues au chapitre II du titre X ; / 4° Lorsque l'agent refuse le bénéfice de la procédure de reclassement ou en cas d'absence de demande formulée dans le délai indiqué à l'avant-dernier alinéa du 2°, l'agent est licencié au terme du préavis prévu à l'article 40 ; / 5° Dans l'hypothèse où l'agent a formulé une demande de reclassement et lorsque celui-ci ne peut être proposé avant l'issue du préavis prévu à l'article 40, l'agent est placé en congé sans traitement, à l'issue du préavis, pour une durée maximale de trois mois dans l'attente d'un reclassement dans les conditions prévues au 1° ; / Le placement de l'agent en congé sans traitement suspend la date d'effet du licenciement. Une attestation de suspension du contrat de travail du fait de l'autorité territoriale est délivrée à l'agent. / L'agent peut à tout moment, au cours de la période de trois mois mentionnée ci-dessus, renoncer à sa demande de reclassement. Il est alors licencié. / En cas de refus de l'emploi proposé par l'employeur territorial ou en cas d'impossibilité de reclassement au terme du congé sans traitement de trois mois, l'agent est licencié. (...) ".

4. Il résulte d'un principe général du droit, dont s'inspirent tant les dispositions du code du travail relatives à la situation des salariés qui, pour des raisons médicales, ne peuvent plus occuper leur emploi que les règles statutaires applicables dans ce cas aux fonctionnaires, que, lorsqu'il a été médicalement constaté qu'un salarié se trouve, de manière définitive, atteint d'une inaptitude physique à occuper son emploi, il incombe à l'employeur public, avant de pouvoir prononcer son licenciement, de chercher à reclasser l'intéressé dans un autre emploi. La mise en œuvre de ce principe implique que, sauf si l'agent manifeste expressément sa volonté non équivoque de ne pas reprendre une activité professionnelle, l'employeur propose à ce dernier un emploi compatible avec son état de santé et aussi équivalent que possible avec l'emploi précédemment occupé ou, à défaut d'un tel emploi, tout autre emploi si l'intéressé l'accepte. Ce n'est que lorsque ce reclassement est impossible, soit qu'il n'existe aucun emploi vacant pouvant être proposé à l'intéressé, soit que l'intéressé est déclaré inapte à l'exercice de toutes fonctions ou soit que l'intéressé refuse la proposition d'emploi qui lui est faite, qu'il appartient à l'employeur de prononcer, dans les conditions applicables à l'intéressé, son licenciement.

5. Il résulte du descriptif de ses missions que Mme A... occupait un poste d'adjoint d'animation impliquant l'encadrement et l'animation de jeunes enfants. Il ressort des pièces du dossier qu'à la suite d'un congé de maladie ordinaire, le comité médical, dans son avis du 26 avril 2019, l'a déclarée totalement et définitivement inapte à l'exercice de ses fonctions. Si, à la suite de l'entretien préalable à son licenciement pour inaptitude, l'intéressée a sollicité, par un courrier du 28 juin 2019, son reclassement, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'antérieurement à la date d'effet de son licenciement, la communauté de communes de Sélestat aurait disposé de postes équivalents à celui qu'elle occupait et compatibles avec son état de santé. En effet, les six postes d'adjoint d'animation à temps partiel qui ont été publiés en vue d'un recrutement, dont se prévaut la requérante, relevaient de la même filière que celui qu'elle occupait et impliquaient des fonctions analogues à celles pour lesquelles elle a été déclarée totalement et définitivement inapte. Si Mme A... conteste une telle similitude de fonctions en s'appuyant sur la fiche descriptive du poste d'animatrice périscolaire, qui impliquerait, en outre, des tâches d'accueil des enfants et des familles, de médiation au sein de groupes d'enfants ou encore de participation à la conception et à l'élaboration de projets d'activités ludiques et socio-éducatives, il ressort néanmoins de son contrat à durée déterminée que ses fonctions étaient essentiellement tournées vers l'encadrement et l'animation des enfants, à l'instar des postes ayant donné lieu à un avis de vacance. Quant au poste de rédacteur territorial, ainsi d'ailleurs qu'en convient la requérante, il était d'un niveau supérieur au sien et ne pouvait donc pas lui être proposé pour un reclassement. Enfin, s'il ressort du tableau des emplois permanents de la communauté de communes établi au 31 décembre 2019 qu'il existait également trois emplois vacants d'adjoint administratif, dont les fonctions auraient pu être compatibles avec l'état de santé de l'intéressée, la communauté de communes, qui a produit des fiches de poste publiées, fait valoir, sans être utilement contredite, qu'elle n'a publié aucune vacance pour ces postes qui n'ont vocation à être pourvus que pour faire face à un surcroît d'activité. Ainsi, il ne saurait être déduit de l'absence de proposition de poste que l'employeur n'aurait pas effectivement recherché à reclasser la requérante. Dans ces conditions, en l'absence d'emploi vacant d'un niveau équivalent à celui qu'occupait Mme A... et compatible avec son état de santé à la date de son licenciement, la communauté de communes de Sélestat n'a pas méconnu l'obligation de reclassement qui lui incombe en application des dispositions précitées de l'article 13 du décret du 15 février 1988.

6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur les frais de l'instance :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la communauté de communes de Sélestat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que demande la requérante au titre des frais qu'elle a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... la somme que demande la communauté de communes de Sélestat au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la communauté de communes de Sélestat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la communauté de communes de Sélestat.

Délibéré après l'audience du 30 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Wurtz, président,

- Mme Bauer, présidente assesseure,

- M. Barteaux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 février 2024.

Le rapporteur,

Signé : S. BARTEAUXLe président,

Signé : Ch. WURTZLe greffier,

Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne à la préfète du Bas-Rhin, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

N° 21NC01902 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC01902
Date de la décision : 20/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Stéphane BARTEAUX
Rapporteur public ?: M. MARCHAL
Avocat(s) : SELARL SOLER-COUTEAUX ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-20;21nc01902 ?
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