La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/12/1999 | FRANCE | N°95NT00831

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, Pleniere, 30 décembre 1999, 95NT00831


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 3 juillet 1995, présentée pour le centre hospitalier régional d'Orléans, représenté par son directeur en exercice, dont le siège est 1, rue ..., par Me André Y..., avocat au barreau de Nantes ;
Le centre hospitalier régional d'Orléans demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 93-2296 du Tribunal administratif d'Orléans, en date du 6 avril 1995, en tant que, par ce jugement, le Tribunal l'a condamné à verser, d'une part, en réparation des préjudices résultant de la saccoradiculographie pratiquée le 24 octobre 1

989, dans cet établissement, sur la personne de Mme Fatiha X..., la somme...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 3 juillet 1995, présentée pour le centre hospitalier régional d'Orléans, représenté par son directeur en exercice, dont le siège est 1, rue ..., par Me André Y..., avocat au barreau de Nantes ;
Le centre hospitalier régional d'Orléans demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 93-2296 du Tribunal administratif d'Orléans, en date du 6 avril 1995, en tant que, par ce jugement, le Tribunal l'a condamné à verser, d'une part, en réparation des préjudices résultant de la saccoradiculographie pratiquée le 24 octobre 1989, dans cet établissement, sur la personne de Mme Fatiha X..., la somme de 608 525 F à cette dernière, la somme de 50 000 F à M. Jacques X..., ainsi que la somme de 195 912,07 F à la caisse primaire d'assurance maladie du Loiret, d'autre part, à verser respectivement à M. et Mme X... et à la caisse primaire d'assurance maladie du Loiret les sommes de 7 000 F et 1 000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et, enfin, à supporter les frais de l'expertise ordonnée par le juge des référés du Tribunal ;
2 ) de rejeter la demande présentée devant le Tribunal administratif d'Orléans par M. et Mme X..., ainsi que les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie du Loiret ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu la loi n 87-39 du 27 janvier 1987 ;
Vu le décret n 74-27 du 14 janvier 1974 ;
Vu le décret n 87-944 du 25 novembre 1987 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 décembre 1999 :
- le rapport de M. CHAMARD, premier conseiller,
- les observations de Me VIALA, substituant Me WEDRYCHOWSKI, avocat de M. et Mme X...,
- et les conclusions de Mme COËNT-BOCHARD, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par un jugement du 6 avril 1995, le Tribunal administratif d'Orléans a, notamment, condamné le centre hospitalier régional d'Orléans à verser une somme de 608 525 F à Mme X... en réparation des préjudices résultant de l'intervention pratiquée sur elle le 24 octobre 1989, dans cet établissement, une somme de 50 000 F à M. X..., son mari, et une somme de 195 912,07 F à la caisse primaire d'assurance maladie du Loiret ; que le centre hospitalier régional relève appel de ce jugement et demande, à titre principal, à être déchargé de toute condamnation et, à titre subsidiaire, à ce que le montant des indemnités accordées à M. et Mme X... soit réduit ; que ces derniers concluent au rejet de la requête et, par la voie du recours incident, demandent que les indemnités qui leur ont été accordées par le Tribunal soient portées respectivement à 1 463 525,64 F et 100 000 F ; que la caisse primaire d'assurance maladie du Loiret conclut au rejet de la requête et, par la voie du recours incident, demande qu'il lui soit donné acte de ses réserves relatives au remboursement des débours qu'elle pourrait avoir à exposer ultérieurement ;
Sur la recevabilité de la requête :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué a été notifié le 2 mai 1995 au centre hospitalier régional d'Orléans ; qu'ainsi, la requête, enregistrée le lundi 3 juillet 1995 au greffe de la Cour, a été présentée dans le délai de deux mois que l'article R.229 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel impartit pour former appel ; que, dès lors, la fin de non-recevoir tirée par M. et Mme X..., ainsi que par la caisse d'assurance maladie, de la tardiveté de la requête doit être écartée ;
Sur la compétence de la juridiction administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article 12 du décret du 25 novembre 1987 susvisé, en vigueur à la date de l'hospitalisation de Mme X... et qui a remplacé les dispositions du décret du 14 janvier 1974 susvisé : "Le patient doit formuler expressément et par écrit en cas d'hospitalisation, son choix d'être traité au titre de l'activité libérale d'un praticien. - Le patient doit recevoir, au préalable, toutes indications quant aux règles qui lui seront applicables du fait de son choix ..." ;
Considérant que, si l'établissement requérant soutient que Mme X... avait été admise "dans le secteur privé" du centre hospitalier régional, il s'abstient de produire le document, prévu par les dispositions précitées, au moyen duquel l'intéressée aurait expressément formulé son choix d'être traitée au titre de l'activité libérale d'un praticien ; que la circonstance qu'aucun ordre de recette n'ait été émis à l'encontre de Mme X... pour le recouvrement des frais consécutifs à son hospitalisation, n'est pas, à elle seule, de nature à établir que l'intervention subie le 24 octobre 1989 par l'intéressée aurait été pratiquée au titre de l'activité libérale d'un praticien ; que, dès lors, c'est à bon droit que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif a considéré que la juridiction administrative était compétente pour connaître de la demande de M. et Mme X... tendant à ce que le centre hospitalier régional d'Orléans soit déclaré responsable des conséquences dommageables de cette intervention ;
Sur la responsabilité du centre hospitalier régional d'Orléans :

Considérant que lorsqu'un acte médical nécessaire au diagnostic ou au traitement du malade présente un risque dont l'existence est connue mais dont la réalisation est exceptionnelle et dont aucune raison ne permet de penser que le patient y soit particulièrement exposé, la responsabilité du service public hospitalier est engagée si l'exécution de cet acte est la cause directe de dommages sans rapport avec l'état initial du patient comme avec l'évolution prévisible de cet état, et présentant un caractère d'extrême gravité ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme X..., qui souffrait d'une sciatalgie, a été admise le 24 octobre 1989 au centre hospitalier régional d'Orléans pour y subir divers examens et, notamment, une saccoradiculographie avec injection de iopaméron ; qu'ayant ressenti, à la suite de cette injection, des symptômes comparables à ceux occasionnés par de graves brûlures, la patiente a été hospitalisée jusqu'au 20 décembre 1989 et, en particulier, admise, au cours de cette période, à l'hôpital d'instruction des armées Percy pour une intoxication médicamenteuse à type de syndrome de Lyel ; que, depuis lors, elle souffre de sensations de brûlures, de gêne bucco- sophagienne, de douleurs vaginales, de troubles oculaires, de séquelles de phlébite et d'embolie pulmonaire, ainsi que d'un état anxio-dépressif réactionnel ; que ces divers troubles et séquelles ont entraîné une invalidité permanente partielle dont l'expert désigné par le juge des référés du Tribunal administratif a fixé le taux à 20 % ; que Mme X... a également subi un préjudice esthétique résultant d'une pigmentation de la peau et de la perte de cheveux, ainsi que divers troubles dans ses conditions d'existence ;
Considérant que, si Mme X... a enduré, au cours de la période d'hospitalisation mentionnée ci-dessus, des souffrances d'une importance exceptionnelle, comparables aux douleurs ressenties par les grands brûlés, ni les troubles et séquelles ayant provoqué son invalidité permanente partielle, ni son préjudice esthétique, ni les troubles qu'elle subit dans ses conditions d'existence, ne peuvent être regardés comme présentant le caractère d'extrême gravité auquel est subordonnée la mise en jeu de la responsabilité du centre hospitalier régional en l'absence de toute faute dans l'exécution de la saccoradiculographie pratiquée le 24 octobre 1989 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'établissement requérant est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Orléans l'a condamné à réparer les préjudices subis par M. et Mme X... ;
Sur les conclusions incidentes de M. et Mme X... et de la caisse primaire d'assurance maladie du Loiret :
Considérant que, par voie de conséquence de ce qui précède, les conclusions incidentes présentées par M. et Mme X..., ainsi que par la caisse primaire d'assurance maladie du Loiret, doivent être rejetées ;
Sur les frais d'expertise :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, les frais d'expertise, d'un montant de 5 000 F, mis par le Tribunal administratif à la charge du centre hospitalier régional d'Orléans, doivent être supportés par ce dernier ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que les dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel font obstacle à ce que le centre hospitalier régional d'Orléans, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à M. et Mme X... et à la caisse primaire d'assurance maladie du Loiret les sommes de 10 000 F et de 3 618 F que ceux-ci demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Les articles 1 à 5 du jugement du Tribunal administratif d'Orléans, en date du 6 avril 1995, sont annulés.
Article 2 : La demande présentée par M. et Mme X... et les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie du Loiret devant le Tribunal administratif d'Orléans, ainsi que leurs conclusions incidentes, sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions de M. et Mme X... et de la caisse primaire d'assurance maladie du Loiret tendant à la condamnation du centre hospitalier régional d'Orléans au paiement des frais exposés par eux et non compris dans les dépens, sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier régional d'Orléans, à M. et Mme X..., à la caisse primaire d'assurance maladie du Loiret, à la mutualité sociale agricole du Loiret et au ministre de l'emploi et de la solidarité.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : Pleniere
Numéro d'arrêt : 95NT00831
Date de la décision : 30/12/1999
Sens de l'arrêt : Annulation rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

- RJ1 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - FAITS SUSCEPTIBLES OU NON D'OUVRIR UNE ACTION EN RESPONSABILITE - FONDEMENT DE LA RESPONSABILITE - RESPONSABILITE SANS FAUTE - Responsabilité sans faute des établissements publics d'hospitalisation - Conditions subordonnant la mise en jeu de la responsabilité - Préjudice - Caractère d'extrême gravité - Absence en l'espèce.

60-01-02-01, 60-02-01-01-005-02, 61-06-025 Si Mme F., qui a été admise au centre hospitalier régional pour y subir, notamment, une saccoradiculographie avec injection de iopaméron et qui, à la suite de cette injection, a présenté une intoxication médicamenteuse à type de syndrome de Lyel, a enduré pendant plusieurs semaines d'hospitalisation, des souffrances d'une importance exceptionnelle, comparables aux douleurs ressenties par les grands brûlés, ni les troubles et séquelles ayant provoqué son invalidité permanente partielle, dont le taux a été fixé à 20 %, ni son préjudice esthétique, ni les troubles que l'intéressée subit dans ses conditions d'existence, ne peuvent être regardés comme présentant le caractère d'extrême gravité auquel est subordonnée la mise en jeu de la responsabilité du centre hospitalier régional en l'absence de toute faute dans l'exécution de la saccoradiculographie.

- RJ1 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITE EN RAISON DES DIFFERENTES ACTIVITES DES SERVICES PUBLICS - SERVICE PUBLIC DE SANTE - ETABLISSEMENTS PUBLICS D'HOSPITALISATION - RESPONSABILITE SANS FAUTE - ACTES MEDICAUX - Conditions subordonnant la mise en jeu de la responsabilité - Préjudice - Caractère d'extrême gravité - Absence en l'espèce.

- RJ1 SANTE PUBLIQUE - ETABLISSEMENTS PUBLICS D'HOSPITALISATION - RESPONSABILITE DES HOPITAUX (VOIR RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE) - Responsabilité sans faute - Conditions subordonnant la mise en jeu de la responsabilité - Préjudice - Caractère d'extrême gravité - Absence en l'espèce.


Références :

Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel R229, L8-1
Décret 74-27 du 14 janvier 1974
Décret 87-944 du 25 novembre 1987 art. 12

1.

Cf. CE, Assemblée, 1993-04-09, Bianchi, p. 127


Composition du Tribunal
Président : M. Vandermeeren
Rapporteur ?: M. Chamard
Rapporteur public ?: Mme Coënt-Bochard

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;1999-12-30;95nt00831 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award